J’étais sans doute allé un peu trop souvent au club ces derniers temps, quasiment tous les jours en fait, et j’y étais sans doute allé un peu trop fort contre les mecs en face… À tel point que j’ai fini par me retrouver à boxer contre le sac. Ça me dérange pas tant, ça m’évite de devoir faire gaffe et de retenir mes coups, même si c’est frustrant ouais. Pas de bleus, pas de sang, la loose un peu. Quoique j’en trouve toujours un ou deux de temps en temps qui ont autant envie que moi de juste cogner, c’est toujours ça…
Mais ça suffit pas. Ça suffit pas à faire taire cette colère, à expulser cette rage qui tourne en rond depuis des semaines maintenant. Le pire ? C’est que je sais pas à qui j’en veux le plus. Enfin si, je sais. En même temps, réussir à faire tuer l’un d’entre nous, à blesser les autres, à faire coffrer le chef, c’est pas donné à tout le monde, elle a fait fort. Faut quand même être sacrément conne pour croire que ça n’allait pas merder, pour penser que certains n’allaient pas en profiter. Pas comme si on était des Fantômes et qu’on savait pas de quoi on parlait, pas comme si on avait pas fait taire nous-mêmes des témoins gênants. Et tout ça pourquoi ? Une putain de crise de jalousie. On parle des mecs et de leur queue, mais les nanas sont vraiment toutes les mêmes bordel. Le chef se tapait une nana, grand bien lui fasse même si le choix restait certes sujet à caution, c’était pas la fin du monde. On avait connu la fin du monde bordel, et merde, elle se prenait la tête pour une histoire de cul ? Okay sa pouffe faisait partie des connasses qu’on butait, et alors ? Riley aurait pu lui foutre son poing dans la gueule, lui dire daller se faire foutre et se casser, ou même lui dire qu’elle voulait en profiter aussi, mais non, le faire tomber, et nous avec, avait été la seule solution à ses yeux.

Je soupire, jetant un coup d’œil a Sasha qui se prépare à partir pour de bon. Non je l’ai déjà retenu une fois alors qu’elle s’apprêtait à partir, ça va aller. Je lui roule une pelle pour le principe, tout en me disant que je passe beaucoup trop de temps ici dernièrement. Ici c’est chez elle. Mais en même temps, je vais pas arrêter, surtout alors qu’elle a déjà eu la visite de Riley une fois… et non, je répondrais pas à son putain de message, elle a qu’à venir un coup où je suis là. Toute façon, je me cache pas, moi. Contrairement à d’autres ouais. Même si c’est tout aussi con je sais.
Je me retrouve dehors à mon tour, juste pour chercher un journal, même si je sais pas trop pourquoi vu les conneries qu’on peut y lire… avec parfois un fond de vérité ouais. Vous connaissez ce sentiment que quelqu’un vous observe ? Un picotement sur la nuque ou juste une sensation peu importe. Ou je suis parano, mais je sais qu’on est tous devenus relativement doués pour ça au fil du temps.
Bref. J’ai encore un peu de temps avant de rejoindre la frangine, d’autant qu’elle a moins besoin de moi depuis l’arrivée de Lean, du coup, je retourne à l’appart, histoire de reprendre un café… et de voir si je me fais des films ou pas effectivement.

Et c’était pas juste une putain de sensation non. Je l’entends avant de la voir, je reconnais son pas avant de sentir son parfum. Et oui, je dois inspirer profondément pour ne pas juste lui coller mon poing dans la gueule en guise de bonjour. J’ai un sourire mauvais alors qu’elle lève les mains en guise de bonne foi. Ça marcherait avec quelqu’un qui la connaît pas, mais je sais de quoi elle est capable. Et je sais reconnaître le renflement d’une arme sous une veste, sans parler de son couteau qu’elle doit planquer je sais pas où. Mais je m’en cogne. Physiquement, j’ai le dessus au corps à corps, faut bien que j’ai quelques qualités quand même. Je la saisis au cou, la plaquant contre le mur de l’appart sans ménagement, claquant la porte du pied. On a pas vraiment besoin de témoin… même si ça risque de dégénérer assez pour qu’on en ait quoi qu’il en soit.

« Fais mine de sortir ton flingue Riley et ton sourire sera beaucoup moins sexy. » Ma main se serre autour de sa gorge et j’attrape son poignet, juste par précaution. « Parler de la mort de McHall ? Du chef sous les verrous ? Ou de ta trahison plus globalement ? »

Et j’ai pas besoin de me voir dans un miroir pour savoir que je ferai peur à la plupart des gens, que j’ai revêtu le masque glacial de Fantôme. A moins que ce ne soit plus brutal que glacial. Et que ce ne soit pas le masque. Toute façon, on s’en cogne, elle n’est pas la plupart des gens.

La colère, la rage, je connais. Cette impression d’être tout le temps sur les nerfs et d’être à deux doigts d’exploser, cette sensation de tension et de violence qui se ressent presque dans chaque geste. Et je gère relativement bien depuis le temps, me défoulant de manière plus ou moins légale. Non seulement j’ai appris à vivre avec, mais je ne saurais pas vraiment faire sans de toute façon. Le truc auquel je m’habitue pas, c’est cette inactivité, cette incapacité à agir, cette saloperie d’impuissance. Parce que clairement, qu’est-ce que je peux faire ? Ouais, faut que je vois sans doute la grande manitou de l’autre côté pour tenter de sortir le chef de là, mais vu la merde et la couverture médiatique, ça va être tendu. Et sinon ? Et sinon, j’en veux à McHall de s’être fait avoir comme un con, même si personne n’aurait pu faire autre chose. J’en veux au chef d’avoir voulu jouer les héros et d’être tombé comme un con. Et je m’en veux de pas avoir été foutu de faire quelque chose et d’avoir laissé tout ça nous exploser à la gueule. J’en veux à la terre entière putain… et bordel ça fait chier. Parce que même pour moi, c’est trop. Et j’en veux à Riley surtout, à elle et à ses putains de sentiments de merde.
J’avais pas envie de la voir. Parce que j’étais pas certain de pas la buter, mais que ça restait une Fox… je crois. Ou elle l’avait été. Bref. D’autant que comme elle semblait vouloir prendre contact, autant la laisser faire, j’avais pas envie de me faire chier pour elle en plus. Même si j’étais encore plus nerveux, et en rogne, depuis qu’elle était passée une première fois ici j’avoue.

Je la connais assez pour savoir qu’elle reviendra, quel que soit l’accueil que je pourrais lui réserver. Elle me connaît aussi. Et comme quoi, je peux pas toujours me gourer, je me retrouve à la plaquer contre le mur de l’appart. Okay, j’avais déjà pensé à le faire, il y a bien longtemps, mais pas vraiment dans ce contexte, ni dans cet état d’esprit. Parce que là, je dois quand même lui faire mal. Et ça me fait du bien, même si c’est loin de suffire. Je la fixe les yeux plissés, resserrant mon étreinte quand elle commence à parler. Je finis pourtant par relâcher son poignet, pour attraper son arme, avant de la vider d’une main et de la jeter sur le canapé. Continuant de dévisager Riley, le regard noir, sans faire mine de défaire ma prise, je finis par lâcher un rire sans joie. Elle croit quoi ?

« J’en ai rien à foutre de ton pseudo-sentiment de culpabilité, j’en ai rien à foutre que t’en veuille au chef putain ! » Et pas qu’un peu au vu de son regard quand j’ai parlé de lui. « T’as merdé. T’as tué McHall. T’as fait exploser le groupe. On est tous en danger à cause de toi. » Et j’en ai rien à foutre d’être injuste ou d’exagérer, elle est peut-être pas la seule responsable, mais sans elle, rien de tout ça ne serait arrivé, point. « Et en parlant de ma jolie logeuse, évite de recommencer ton cirque. Tu veux me voir, tu viens me voir, t’attends pas qu’elle soit seule. »

Non pas que je veuille particulièrement la protéger, c’est pas parce que je la baise et que je squatte chez elle de temps à autre que je vais me transformer en putain de chevalier servant, faut pas déconner. Mais que Riley ait pas les couilles de venir me voir, ça me gonfle. Et ouais, que Sasha flippe à cause d’elle, c’est prise de tête assurée, donc ça m’emmerde. Je la fixe un moment en silence, le visage sombre et fermé. Dire que j’ai envie de la relâcher juste pour avoir l’occasion de la cogner est un euphémisme, mais quelque chose me dit que ça ne sera pas aussi amusant que ce que j’aimerais. Je finis pourtant par le faire, retirant ma main de sa gorge sans la quitter des yeux. Et je m’éloigne, juste un peu, non sans qu’une partie de moi souhaite qu’elle réagisse et tente de me buter. Elle est rapide et je suis sûr qu’elle peut tenir un peu même en corps à corps… Et c’est presque étrangement la même partie qui ne le souhaite pas. Parce que Fox tout simplement. Elle a trahi, mais elle en est une. C’est chiant hein ?

« Je te déconseille de vouloir jouer, tu gagnerais pas. » Je la soupèse à nouveau du regard. « Je croyais qu’il y avait que celle que le chef se tapait ? On les a toutes… presque toutes butées, doit pas y en avoir tant que ça. Si ça se trouve c’est la seule, qu’est-ce que tu veux qu’elle fasse cette conne ? T’as des infos sur elle ? Comment t’as appris d’ailleurs ? Et t’avais parlé de la mission à qui pour que ça foire autant ? Comment tu peux être aussi conne et être encore en vie putain ? » Et voilà, le peu de calme que je tentais de reprendre s’envole et je la fixe de nouveau totalement en rogne. « Tu nous as vendu bordel, t’as contacté les flics et tu nous as vendu ! Comment tu peux te pointer ici en me parlant de ces foutues Valkyries de merde alors qu’on s’en cogne ? C’est à cause de toi qu’on est tous en danger ! Tu aurais dû nous en parler à NOUS ! Ça t’est même pas venu à l’idée putain ? Comment t’as pu faire ça Riley ? Comment tu peux vivre avec ça ? »

D’accord, respire. Serrer et desserrer les poings n’aident pas les masses. Ni coller un coup dans le mur d’ailleurs, à quelques centimètres de son visage. Mais je l’ai évité elle déjà, je m’impressionne moi-même.