Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.
Nous ne sommes pas entièrement maître de notre destin, je l'ai appris à mes dépends. Je suis née prêt des plages de Brighton, dans un coin de rue assez calme avec une famille qui tenait la route dans un monde où tout allait déjà un peu de travers lorsque je pointais le bout de mon nez, le 15 octobre 2024. N'ayant pas de souvenirs de ces premières années, je vous propose de faire un saut dans le temps pour arriver directement à l'année de mes 10 ans.
A cette époque là, j'étais déjà une grande rêveuse insouciante. La fille modèle à la longue chevelure d'or, le parfait scénario d'un film à l'eau de rose mais, vous savez tout aussi bien que moi que ce qui se passe dans ce genre de film, n'existe que dans les films.
Alors que je menais ma petite vie tranquillement sans me rendre compte de la brutalité du monde extérieur,un événement allait m'en faire prendre conscience. Un soir, en rentrant de l'école, je trouvais ma mère allongée sur le sol et à bout de force. Mon père s'empressa de téléphoner aux urgences pour qu'elle soit hospitalisée en vitesse dans la clinique la plus proche. Les heures d'attentes à l’hôpital me semblèrent interminables, toutes les secondes me paraissaient être des heures, des journées entières. Un homme en blouse blanche s'approcha de nous avec un air contrarié. Il nous convia à venir dans une salle à l'écart des autres familles et prononça un mot qui à l'époque, m'était incompréhensible : Dystrophie musculaire. A vos souhaits.
La suite de la conversation était un charabia, un discours de médecin avec des termes à dormir debout et pourtant, le visage de mon père se décomposait au fil de la conversation. Il donnait l'impression d'être anéantit, comme si on venait de lui planter une épée en plein cœur. Assise à ses côtés tel l'enfant naïve que j'étais, je lui souriais sans retour. A la suite de cet entretien les choses prirent une autre tournure. Ma mère était alitée toute la journée sur un grand lit blanc installé en plein milieu du salon, l'ambiance était morose et les soirées étaient rythmées par le bruit... du silence. De quoi devenir dépressif en moins d'une semaine. Elle me regardait avec la bienveillance d'une mère aimante et m'écoutait avec attention lui raconter mes histoires d'école, des histoires sans importances et pourtant, elle n'en perdait pas une miette. Son visage avait changé, de longs cernes glissaient juste au dessous de ses yeux, elle ne bougeait plus de son lit et une infirmière venait à la maison pour prendre soin d'elle tous les jours.
I . Peu avec la santé vaut mieux que beaucoup avec la maladie.
La dystrophie musculaire, une dégénérescence des cellules musculaires entraînant la fonte des muscles progressive. Une maladie génétique et à l'heure du progrès, toujours incurable et qui m'enlevait la femme de ma vie petit à petit. Mon doux rêve d'une enfance faite de roses et de bonheur qui s'envolait sous mes yeux innocents.
Les médicaments n'avaient aucun effet, la maladie se propageait dans tout le corps tel un virus du diable. Mon père pris la décision à l'aube de mes 16 ans de quitter Brighton dans l'espoir de trouver un remède ailleurs avec des centres de soins à la pointe de la technologie. Alors que les déménageurs s'occupaient de charger tout nos meubles dans un immense camion, nous partions dans une voiture spécialisée dans le déplacement des personnes à mobilité réduite. Loin de notre décors de bord de plage, du train train quotidien assez tranquille de Brighton, plus nous avancions et plus nous pénétrions dans le cœur de la ville. La pollution était visible à l'oeil nu, le ciel était grisâtre sans une pointe de lumière. L'environnement avait pris un sale coup ces dernières années, les maladies étaient nombreuses et terrifiantes mais, les vaccins arrivaient à en éradiquer certaines des plus tenaces... à quel prix ?.
Rapidement hospitalisée, ma mère fut mise sous soins intensifs. Un genre d'essai clinique avec tout un tas de test ADN avec l'espoir à la fin de trouver un remède efficace à sa maladie. Un véritable rat de laboratoire, armé de patch lui administrant des décharges électriques pour réveiller les cellules de ses muscles endormies paisiblement.
Je pris tous mes cours à domicile, en tant qu'élève studieuse je planchais dans mes livres toutes la journée sans rechigner. Je préférais ne pas sortir, la foule était source de stress, je n'avais jamais connu cela auparavant, on m'avait protégé toutes ces années et tenue loin la vie réelle pendant plus de 18 ans maintenant. Comment devais-je faire pour survivre la dehors ?. Et alors que je me posais cette fameuse question, j'étais encore loin de me douter à quel point l’extérieur était redoutable. Féroce. Marche ou crève.
Ma mère quitta se monde à peine ma majorité passée, tout était confus dans mon esprit. J'avais l'impression que mon destin venait de me dire d'une façon très maladroite « vol petit oiseaux » en m'ôtant la moitié de mes ailes. J'aurais du être horriblement triste et pourtant, ce fut un genre de soulagement de la savoir ailleurs qu'à l'hopital. Les médicaments qu'elle avait avalés lui avaient fait perdre une partie de la mémoire, elle se souvenait de moi une fois sur deux. Après toutes les larmes versées dans les bras de mon père durant de longues années, l'espoir avait quitté mon être il y avait bien longtemps. Ce jour là, ce fut une délivrance pour nous deux. Mon deuil était fait depuis notre arrivée dans cette ville. Toutefois, une vocation était née en moi. Je devais œuvrer pour trouver un remède à toutes ces fichues maladies, ces souches résistantes que nous n'arrivions plus à éradiquer. Le monde était en guerre aux quatre coins de la planète, nos hommes politiques étaient dépassés par les événements.
Je pris donc le chemin des études supérieures de biologie, diplômée du bac à 17 ans seulement j'avais de longue années devant moi pour réussir à comprendre les mystères de la génétique, des médicaments, des virus... c'était ancré en moi, le monde était dans un mauvais état, les hommes étaient cruels mais, une petite voix au fond de moi me criait de ne pas me laisser influencer du mauvais côté et ne pas écouter toutes les rumeurs des médias. Je devais me fier à moi-même uniquement.
25 ans, toutes mes dents. Voilà 8 années sur les bancs de l'école qui prenaient fin.Un travail de longue haleine et des centaines d'heures de révisions pour réussir mon doctorat en biologie. Au même moment, les troupes Européennes faisaient leurs come-back sur nos terres, la dynamique économique était parfaite pour s'implanter dans un grand cabinet de recherche. Les chercheurs, à présent collègues étaient à l'origine même de ce que l'on appelait le vaccin universel. Des résultats spectaculaires au premier abord sur des maladies jusqu'à présent incurables mais, une composition des plus suspectes et une administration de masse qui n'était absolument pas contrôlée. Qu'allait devenir tous ces patients vaccinés ? Personne ne le savait vraiment. Je postulais sans hésiter, Europolis était en train de se construire devant mes yeux, une véritable aubaine pour une jeune diplômée. La curiosité est un défaut humain parfois très dangereux mais l'envie d'aller fourrer mon nez dans les dossiers du vaccin universel était de plus en plus présente. Des cas de troubles étranges survenus sur des personnes vaccinées étaient relayés par les médias, un jour, je franchirai le pas. Avant cela, je devais m'assurer d'une chose : la dystrophie musculaire. Était-elle dans mes gènes ? Toutes ces années, j'étais restée dans l'ignorance, par volonté. Aujourd'hui, je devais en avoir le cœur net. Avais-je oui ou non un compte à rebours au dessus de la tête ? L'enveloppe était entre mes mains, à l'intérieur se trouvait une lettre de mon destin. Verdict...
Aélia Berkelay : Dystrophie
Positif.
Tout mon corps se mit à trembler, le chrono au dessus mon épaule venait de se lancer. J'avais 10 années devant moi sans l'arrivée d'un remède. Toute mon attention serait donc focalisée la dessus. Je passais du statut de chercheuse en pathologie génétique à chercheuse pour sauver sa propre vie.
II . Je croyais au bonheur, aujourd'hui je vis dans la terreur.
Cette nouvelle avait l'effet d'une bombe, je ne pouvais plus vivre tel un fantôme comme je l'avais toujours fait. Je devais m’imprégner de la réalité de notre monde, ne pas être juste une fille de passage sur terre mais,une fille qui change les choses.
Pour la première fois en 25 ans, je pris mon courage à deux mains pour vérifier toutes les accusations des médias. La sécurité était dite en déclin, les gangs, les méchants, la terreur semblait s'emparer de notre ville une fois la nuit tombée. Ce soir là, dans un coin de rue, une dispute m’interpella. Deux hommes se faisaient face l'un à l'autre et un coup de feu retentit. L'un d'eux s'écroula au sol en une fraction de seconde, la police était à seulement quelques mètres et fit mine de rien. Comme ça !? Un homme venait de se prendre une balle et était au sol. Les hommes étaient-ils aussi pourris que ce que les images télé le montraient ?. Une fois seule, je m'approchais de lui. Son épaule était maculée de sang, l'homme allait probablement mourir si hémorragie n'était pas stoppée.
«
Ne bougez pas, je vais appeler les secours »
L'homme m'attrapa le bras et fit tomber mon portable au sol. Son regard était si noir que mon corps tout entier fut parcourut d'un immense frisson.
«
Ne dit rien. Aide moi, sauve moi. »
Pour une première virée de nuit, j'étais servis en beauté. Un futur cadavre tout frais tombé dans mes bras. Avec 8 ans d'études en biologie j'avais eu l'occasion de plancher sur des livres de médecine et avait même pris des cours en parallèle, j'étais en mesure de l'aider mais j'étais aussi terrorisée. Avait-il mérité ce qui venait de lui arriver ? N'allait-il pas me tuer après ? Devais-je le laisser sur place et faire la sourde oreille comme les policiers ?. Impossible, ma conscience ne me l'aurait jamais pardonnée. Je continuais de me persuader moi-même que seule la maladie pouvait m'atteindre, la gangrène de la méchanceté resterait loin. Avec le peu de forces qui lui restaient, je parvenais à le soulever et à le ramener dans la chambre de l'hôtel ou je logeais, l'air de rien. Une vielle chambre rongée par l'humidité mais, qui ne me coûtait pas grand chose et où personne ne pouvait m'embêter. Je mis un tas de serviettes sur le lit, y déposait l'inconnu et prit toute ma boite à pharmacie. Je devais trouver un moyen de me procurer un calmant sans quoi, il allait hurler et me faire repérer. Je fermais donc la porte à clé pour retourner en ville trouver une pharmacie. Avec l'air d'un chat apeuré et totalement perdu, je m'adressais à la pharmacienne.
«
Bonjour, il me faudrait de la morphine ou quelque chose du genre.... »
La jeune femme me regarda très méfiante, sa main prêt du téléphone elle me répondit d'une façon peu courtoise qu'elle ne pouvait rien me donner sans ordonnance. Évidemment. Tout le monde ici passait au dessus des règles, j'en étais la preuve vivante mais, non, la pharmacienne était encore dans les clous. Je sortais, démunie. Un homme présent au même moment dans l'établissement s'approcha de moi et me murmura « j
'ai ce qu'il te faut, suit moi ». Je restais abasourdie. La prochaine fois que l'envie de découvrir le monde me prendrait, je me contenterais de regarder Avatar en replay tranquillement sur mon canapé. Cette soirée était un fiasco total, me voilà, avec mon mètre soixante deux et mon air de sainte ni-touche à suivre un nouvel inconnu dans le but de trouver un médicament pour sauver un gars, inconnu aussi, d'une blessure par balle. Fabuleux.
L'homme me donna une petite fiole d'un liquide blanc, il me fit signe de me taire et tourna les talons. De nouveau chez-moi, je secouais le flacon rongée par le doute. Devant moi se dessinait trois options :
Ne rien injecter et tenter la méthode film d'action avec un bout de tissu dans la bouche au risque d'être entendue et retrouvée par l'auteur du crime si les médias venaient à s'en mêler.
Lui injecter un produit inconnu dans le corps au risque de le tuer.
Ne rien faire et le laisser mourir mais, cette option, j'aurais du la choisir là bas. Pas une fois l'homme allongé sur mon lit.
Je me munis donc d'une seringue et injectais le produit blanc. En quelques secondes l'homme fut apaisé, son corps ne réagissait plus à la douleur. Je procédais maintenant à la suite des opérations et lui ôtais la balle de son épaule avec toutes la prudence possible. Celle-ci était logée tout prêt du plexus brachial, le moindre faux mouvement et il serait partiellement paralysé. Je stoppais au mieux l’hémorragie avec tout le linge possible avant de recoudre la plaie. Les mains pleines de sang, je regardais le temps s'écouler sur le réveil posé sur la table de chevet. L'homme se réveilla le lendemain, il me remercia plus d'une fois avant de quitter la chambre par la porte arrière de l'hôtel. Je ne savais pas qui il était, ni pourquoi il s'était fait tirer dessus. Et je préférais cela. J'avais juste sauvé un homme, accomplie une bonne action à mes yeux et goutter à cette douce sensation : l'adrénaline.
Loin d'imaginer que cette soirée allait me poursuivre longtemps, plusieurs soirs par semaine, je voyais des hommes et des femmes blessés par la rue se pointer devant ma porte à des heures improbables. Plusieurs soirs par semaine, je me rendais à ce coin de rue rejoindre cet homme, devenu mon fournisseur de calmant. J'avais appris qu'il s'agissait d'une nouvelle drogue aux effets puissants, un liquide qui paralysait le corps et endormait la douleur mais, qui laissait planer l'esprit. Ce n'était pas un calmant, ce n'était pas conseillé mais, c'était efficace. Inconsciemment mon visage de petite fille vulnérable avait changé, j'étais tout autant vulnérable mais, je venais de monter un pseudo centre de soin illégal dans lequel je dealais de la drogue en piqure...
Lorsque la lumière du jour pointait son nez, ma deuxième facette reprenait sa place. Aélia, chercheuse dans un gros laboratoire. La jeune fille brillante pour son jeune âge, seule face à ses recherches.
III . Bad life
Conclusion ? Je ne savais ni me battre ni me servir d'une arme, je vivais seule dans un quartier chaud et je devenais la femme à abattre pour tout un tas de raisons.
Au début de cette histoire, je croyais au destin heureux et aux comptes pour les enfants. A présent, je devais continuer ma vie tel un fantôme, loin des « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ». Je devais me faire discrète et prier pour que mes agissements restent bons et charitables. Une ordure de plus dans cette ville n'était pas nécessaire.