C’était une journée assez ordinaire pour Lara. Le sommeil s’était fait léger comme à son habitude donc elle avait commencé de bonne heure par un petit jogging d’une heure comme à son habitude, les écouteurs dans les oreilles. Le temps passait vite lorsqu’elle courait, ses pieds martelant la bordure des quais pas après pas. Elle avait cette sensation de liberté chaque matin lorsqu’elle faisait son petit tour habituel vers le port. De retour à son appartement, la jeune femme retira ses baskets et ses chaussettes pour faire son enchaînement de yoga s’étirant par la même occasion suite à son jogging. Il s’agissait de son rituel habituel lors de son réveil matinal. Après ça, elle prit une bonne douche pour se détendre et se prépara pour le travail, revêtant un jean foncé, une chemisette noire et une veste bleu foncé. Sur le trajet jusqu’au travail, l’Atlante suivit son parcours habituel, s’arrêtant dans un petit café pour prendre son petit déjeuner : pancakes, oeufs brouillés, bacon et un délicieux cappuccino. La brune prit son temps, comme à chaque fois, et dégusta tout cela, repartant du café avec un nouveau gobelet de cappuccino.

Arrivée au centre commercial, étant seule ce matin, la brune s’activa pour l’ouverture de la boutique. Lancer l’ordinateur puis le logiciel de caisse, recompter le fond de caisse laissé par la précédente, faire un tour des rayons pour vérifier qu’il y avait de la marchandise en quantité suffisante puis bientôt fut l’heure de lever la grille. Le mercredi faisait parti des journées les plus agréables, il y avait quasiment toujours une cliente dans le magasin donc sans être débordée, sa matinée était vraiment bien occupée. Le midi fut un peu plus chargé, les employés des autres commerces profitaient souvent de leur pause déjeuner pour flâner de boutiques en boutiques. C’était aussi pour cela qu’elle préférait avoir sa pause en décaler. Cela permettait de diminuer le nombre de personnes qu’elle allait croiser. L’Atlante n’aimait pas plus que ça la foule. Les gens ne cessaient de se bousculer, de vouloir passer devant, agissant de manière égoïste.

Lorsque sa patronne arriva pour prendre la relève en début d’après-midi, la jeune femme était contente d’en avoir fini. Elle avait prévu de faire des recherches concernant les arts martiaux et autres sports de combat pour trouver une discipline similaire à la manière de se battre des Atlantes. Kahlan hésitait encore à demander à Kethryn de l’entraîner. Il faut dire que cela serait l’idéal, elle n’aurait pas besoin de retenir sa force face à elle, ni de cacher sa nature en cas de blessure. Seulement l’Amazone était très occupée aussi, elle ne voulait pas solliciter cette dernière et lui imposer ça. Quittant sa boutique en saluant sa patronne, elle était toujours en pleine réflexion lorsque dans la rue, en évitant une personne qui se moquait bien de l’éviter, elle se mit en travers d’un homme qui la bouscula. Tombant maladroitement, Lara fut contente que le café atterrisse à côté et non sur elle. Relevant la tête, l’Atlante vit une main se tendre vers elle et un visage déconfit, gêné, un faible sourire se dessinant sur ses lèvres. Elle attrapa sa main pour se relever et lui dit :

Ce n’est rien merci de l’aide.

Puis une fois debout, face à face, elle observa plus précisément le jeune homme et le reconnut. Il était ce fameux client qui l’avait bien fait rire un mois en arrière alors qu’il était venu tout gêné demander un ensemble pour lui. La brune lui sourit en retour avant d’ajouter :

C’était ma faute, j’ai évité quelqu’un et je me suis mise en travers de votre chemin. Est-ce que je peux vous payer un café pour me faire pardonner ? Ca me permettra aussi de vous remercier d’avoir égayé une des pires journées de travail de toute ma vie.

Elle était sincère, le soir où Iskander était venu lui demander conseils, elle avait pris des remarques épouvantables de la part d’une cliente mécontente, une insatisfaite permanente, ce qui l’avait tendu comme un string, ayant du mal derrière à rester agréable avec les autres clientes. Il lui avait réellement changé les idées, lui permettant de décompresser rapidement.

Le contact entre leurs mains dura le temps nécessaire à la relever, ni plus ni moins. A croire que la jeune femme était en train de lui brûler la main, sans le geste de fuite en plus. Son attitude est plutôt fermé. Est-ce qu’il est toujours comme ça ou cela vient-il de la gêne qu’il avait ressenti au magasin pour sa demande particulière ? A la suite de son départ, sa patronne était venue lui demander si ça s’était bien passé. Lara lui avait avoué avoir trouvé le client plutôt tendu, mal à l’aise, mais aucunement impoli. Sa supérieure avait apprécié que cela soit le cas, n’ayant rien contre les hommes s’habillant en femme mais préférant que sa boutique reste le plus calme possible. C’était le service client qui en pâtirait sinon. L’Atlante ne connaissait pas trop ce genre d’individus alors le soir, elle s’était un peu plus renseignée sur ce que sa chef avait insinué sur le comportement du garçon. S’il était avéré que certaines personnes de ce genre là ne s’assumaient pas forcément ou pas totalement, elle avait dans l’idée que ce n’était pas le cas de ce client, qu’il y avait autre chose. Ce qui était sûr, c’est qu’après la brasse monumentale et le rangement qu’elle avait eu à faire à cause d’une seule et même cliente, le passage de ce petit rigolo dans sa boutique lui avait fait du bien, l’avait décrispé.

Un soupir, la tête qui se baisse, il ne semblait en rien à l’aise et la brune regretta déjà sa proposition. Elle ne pensait jamais à mal mais elle avait compris avec le temps que son naturel avenant ne convenait pas à tout le monde. Finalement il accepta tout de même, avouant avoir besoin d’un café et qu’il avait repéré une terrasse non loin d’ici. Elle lui adressa un petit sourire alors qu’il déclina ses remerciements, lui confirmant que lui n’avait pas vu leur première rencontre sous le même angle. Sincèrement désolée, se demandant ce qui avait bien pu le pousser à agir de la sorte si cela ne lui convenait pas, elle se mit en marche, suivi du jeune homme juste après avoir dit :

Alors allons-y.

Leurs pas les menèrent bien vite à un petit café où il n’y avait pas grand monde en ce début d’après-midi. Ils prirent place à une table, à l’opposé l’un de l’autre, et la serveuse vint prendre rapidement leur commande. Lara se laissa tenter par leur cappuccino et Iskander demanda ce qu’il souhaitait également avant qu’elle ne reparte leur préparer tout ça. Reportant son attention sur le brun, il était temps de faire la conversation. Seulement, parler de leur première rencontre ne semblait pas l’enthousiasmer. D’un autre côté, l’Atlante n’avait pas franchement d’idées de sujet de conversation avec ce jeune homme qui devait être bien plus jeune qu’elle, malgré l’aspect physique qui laissait entendre que quelques années tout au plus. Comme n’importe quel peuple mythique, Kahlan vivait plus longtemps, le vieillissement de son corps était donc ralenti par rapport à celui d’un humain.

Je vous demanderais bien pourquoi vous étiez venu dans mon magasin contre votre envie mais vu que le sujet ne semble pas vous ravir, dites-moi plutôt ce que vous faites dans la vie ?

Ainsi, la brune avait laissé entendre qu’elle aimerait en savoir plus sur cette première rencontre plutôt incongrue, sans le mettre au pied du mur. Si le jeune homme ne souhaitait pas répondre, il avait une autre réponse à lui apporter, bien plus anodine, permettant bien plus de liberté. Leurs boissons chaudes arrivèrent rapidement et Kahlan en profita pour se réchauffer un peu les mains contre sa grande tasse fumante. Une fois que son interlocuteur eut fini de lui répondre, elle se permit d’ajouter :

Excusez-moi je ne me suis même pas présentée, je m’appelle Lara. Et vous ?

Le garçon semblait des plus gênés. Peut-être était-il de nature réservé après tout. A ce rythme là, leur entrevue risquait de rapidement s’écourter. Lara n’était pas du genre à s’imposer, vraiment pas. Gentille, attentive, elle était toujours très serviable mais jamais à l’excès. En tant que vendeuse, les clientes l’appréciaient en grand partie pour cela. La brune faisait en sorte de s’adapter à chaque individu, se faisant très présente pour celles qui aimaient être accompagnées et aiguillées dans leur recherche. Elle pouvait également être très effacée pour celles qui préféraient se débrouiller seules, quitte à venir la chercher si jamais elle avait une question ponctuellement. Elle restait systématiquement à disposition de sa clientèle. Sa responsable de magasin ne lui disait plus rien sur sa gestion de la boutique et l’accueil qu’elle réservait aux clientes tant l’Atlante connaissait bien son métier à présent.

Clairement, Kahlan ne reviendrait pas sur cet après-midi. Même si sa curiosité aurait aimé être satisfaite, elle était bien trop gentille pour fouiner comme son amie Kethryn savait si bien le faire. En même temps, c’était devenu une seconde nature chez l’Amazone dont le travail consistait à rassembler des preuves pour mettre les criminels derrière les barreaux. Avec sa jumelle, elles faisaient clairement la paire sur ce plan là comme bien d’autres. La jeune femme avait donc laissé une porte de sortie à son interlocuteur qui restait bien silencieux. Elle se sentit obligée de s’excuser pour sa maladresse avant de réparer l’impair en se présentant, ne donnant que son prénom pour essayer de détendre l’atmosphère avec un peu moins de formalités. Seulement le soupir du jeune homme ne laissait présager rien de bon. Pourquoi avait-il accepté de boire un café avec elle s’il était aussi mal à l’aise et aussi peu intéressé ? Il y a des choses que la brune ne s’expliquerait jamais.

C’est alors qu’un son sortit enfin de sa bouche, se présentant à son tour sous le nom de Hermès. Lara fut surprise d’un tel prénom. Il n’était en rien humain. Hermès était le nom d’un dieu grec, celui des voyageurs et messager des dieux de l’Olympe. Il était rare d’entendre pareil nom. Généralement, on le croisait plus dans des ouvrages sur la mythologie grecque. Si l’Atlante ne connaissait pas grand chose à l’histoire humaine, il n’en était pas de même concernant l’histoire des dieux, que cela soit selon la mythologie égyptienne, grecque ou encore romaine. Les hommes à travers l’histoire avaient retrouvé certains traces, certains écrits sur les dieux, ne faisant pas toujours le rapprochement entre les différentes mythologies.

C’est un prénom original.

Leur commande leur fut apportée et alors que la brune prit sa tasse entre ses mains, elle fit son interlocuteur en faire de même avec la sienne, triturant plus que nécessaire l’objet à l’aide de ses doigts. Hermès était nerveux. Etait-elle si impressionnante ou bien cela venait-il uniquement de ce qu’il s’était passé lors de leur première rencontre ? Kahlan lui aurait bien dit qu’elle s’en moquait bien et qu’elle n’allait pas s’arrêter à cela mais elle aurait trop peur de le rendre encore plus stressé par la situation présente. Aussi se contenta-t-elle de réfléchir sur ce qu’elle pourrait lui dire lorsque ce dernier finit par reprendre la parole, hésitant. Au vue de son métier, elle pouvait comprendre qu’il avait une certaine réticence à en parler et pourtant, il le disait de manière normale, naturelle, à une parfaite inconnue. Etait-ce un métier classique dans le monde des hommes d’aujourd’hui ? C’était une question que la jeune femme poserait à Anastasy, c’était certain. Surtout que le brun qui lui faisait face semblait bien jeune pour traîner dans ce genre de magouilles. Lara n’en avait pas pour autant perdu le sourire. Sa réaction aurait probablement été la même s’il lui avait dit être boulanger.

Oh d’accord. Et cela fait longtemps ? Je ne connais pas particulièrement ce milieu je dois dire, je ne sais pas du tout comment il fonctionne.

L’Atlante en profita pour lever sa tasse en direction de son visage et souffler doucement sur le liquide brûlant. Elle songea que le garçon travaillait peut-être pour l’armée ou la police. Après tout, ces deux entités officielles et légales devaient bien s’approvisionner en armes d’une manière ou d’une autre. Elle était loin de savoir comment cela fonctionnait et ne pensait pas une seconde que l’homme qui lui faisait face était forcément un mercenaire travaillant dans les bas fonds d’Europolis pour fournir le premier criminel venu en armes, moyennant paiement.

Vous avez toujours vécu ici ou vous êtes venu vous installer à Europolis pour le travail ?

A sa réaction, ce n’était probablement pas la première fois qu’on lui faisait cette remarque. Lara était loin d’imaginer qu’il s’agissait d’un pseudonyme. Mais c’est vrai qu’elle imaginait mal quelqu’un nommait son enfant Hermès, même chez les Atlantes qui croyaient en leurs dieux. Cela ne risquait pas d’arriver chez les Amazones et les Valkyries qui seraient les plus aptes à user de tels noms étant donné qu’elles abandonnaient leurs fils ne conservant que les femmes au sein de leur peuple. En tout cas, il ne sembla pas tant surpris par sa remarque. Peut-être allait-il enfin se détendre un peu, à moins que sa présence l’importune réellement. Auquel cas, pourquoi le jeune homme n’avait-il pas tout simplement décliné sa proposition de café ? Etait-ce si difficile de dire non ? La brune l’avait dit plus d’une fois à son père et à son mari. Certes cela n’avait pas eu beaucoup d’effet, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas eu envie de l’écouter. Au contraire même, elle avait fini par arrêter d’essayer de les en empêcher, ayant l’impression que cela les stimulait plus qu’autre chose, rendant les coups plus durs à encaisser et les hématomes plus long à disparaître.

Le garçon qui lui faisait face était jeune, plus qu’elle en tout cas même si avec son vieillissement au ralenti comme tous les Atlantes, la différence d’âge ne se voyait pas vraiment. Hors, lorsqu’il lui annonça travailler dans la branche depuis près de six ans, elle se demanda si ce n’était pas un peu jeune pour débuter une carrière dans la vente d’armes à feu et d’armes blanches. Même si Lara baignait dans le monde des hommes depuis quelques années à présent, elle avait encore du mal à se faire à certaines choses, en particulier à la violence que certains s’employaient à répandre. Pourquoi des membres de l’espèce avait décidé d’annihiler son peuple ? Les Atlantes ne s’étaient jamais montrés menaçants envers eux après tout. Ils n’avaient fait que demander de l’aide pour contenir la menace qui portait sur le monde depuis que les portes du Tartaros s’étaient ouvertes et tout ce qu’ils avaient récoltés étaient un génocide de leur race, ne laissant que peu de survivants. Ces précisions sur l’apprentissage du maniement d’une arme à feu et la nécessité de garder son autorisation de port d’armes sur soi terminèrent de convaincre la brune de son travail totalement légal.

Je n’avais pas vu ça sous cet angle. Mais vous donnez des cours de tirs en prime ou vous dites ça simplement pour les essais ? J’ai l’impression que de plus en plus de gens ont une arme aujourd’hui alors je suppose que c’est plutôt bénéfique pour votre travail ?

Si la jeune femme n’était pas naïve, elle n’était pas non plus du genre à remettre en cause tout ce qu’on pourrait lui dire contrairement à Kethryn. Elle aimait encore croire que certaines personnes étaient honnêtes. Peut-être que finalement, elle était un peu naïve au vue du monde dans lequel elle n’avait cessé d’évoluer. Sa réponse fit écho en elle. L’Atlante était arrivée ici plus par défaut qu’autre chose mais elle y restait bien volontier à présent qu’elle avait trouvé des amies fiables. Hermès semblait s’intéresser enfin un petit peu à la conversation et cela lui fit plaisir. Portant son cappuccino à ses lèvres pour boire une gorgée, elle reprit la parole une fois qu’elle eut reposée sa tasse.

Cela fait à peu près quatre ans que je travaille dans cette boutique. Et j’avoue ne pas avoir le même problème que vous quand au fait que mes clientes gardent la marchandise. Je n’ai pas non plus besoin de leur apprendre à porter un soutien-gorge.

Regardant deux secondes autour d’elle, Lara se rendit compte qu’effectivement elle n’avait pas ce genre de problèmes. Ses clientes les plus jeunes étaient toujours accompagnées de leur maman ou d’une amie.

Je suis arrivée à Europolis un peu par hasard, en quête d’un travail. Et du compte fait, malgré bons nombres de mauvais côtés, cet endroit ne me déplait pas.

Lorsque Lara se mit à parler du travail un peu inhabituel du jeune homme, celui-ci semblait surpris de sa réaction. Il est vrai que pour elle, tout le monde ne se baladait pas dans la rue avec une arme. Et puis si cela était le cas, elle n’y voyait que du feu. En même temps, la brune imaginait mal des gens se balader avec une arme à la vue de tous. Enfin, peut-être que cela deviendrait la normalité un jour mais elle espérait que non. Elle avait en horreur les armes à feu qui étaient pour elle une façon très lâche de se battre. Et si elle n’aimait pas la violence, elle aimait encore moins la lâcheté, comme celle de son père ou de son mari de s’en prendre à quelqu’un de plus faible ou qui ne cherchait pas à se défendre. Depuis qu’elle avait retrouvé Aurora, l’Atlante ne cessait de se retourner le cerveau en songeant au fait qu’un jour, elle pourrait se retrouver nez à nez avec son père ou son mari. Si elle était gentille, elle n’était pas trop gentille. Elle ne croyait absolument pas en le fait qu’ils puissent avoir changer, l’un comme l’autre. Aussi, la jeune femme voulait pouvoir se défendre. Il était pour autant hors de question d’avoir recours aux armes des hommes. Ce qui était certain c’est que le garçon avait esquivé sa question, volontairement ou non.

Kahlan enchaîna sur sa façon d’exercer son métier, en comparaison de ce que venait de dire Hermès concernant le sien. Évidemment, faire une telle comparaison était risible et ridicule. Mais c’était là le but recherché. Et pour le coup, elle fit mouche. Même si la réaction obtenue fut un peu too much, le garçon eut une réaction qui sembla le détendre un petit peu. Une petite grimace se dessina sur le visage de son interlocuteur, un semblant de sourire. C’était déjà un début, le jeune homme était donc capable de sourire. Cependant, ses paroles restaient encore assez limitées au cours de leur conversation. Lara ne discutait pas seule, mais clairement, elle parlait bien plus que lui et ça la gênait. Elle n’allait pas tarder à regretter de l’avoir invité à boire un café tant les mots prononcés par le vendeur d’armes se faisaient rares. La réaction à sa remarque idiote fut très courte, une fois de plus. Par la suite, elle lui expliqua que malgré tous les côtés sombres de cette grande ville, la brune avait fini par y trouver son compte. Il faut dire qu’à partir du moment où elle était plus tranquille qu’en Atlantide, elle ne pouvait guère rêver mieux. Si seulement elle avait réussi à se dépatouiller, à s’assumer mieux que ça.

La remarque d’Hermès concernant Europolis la surprit un peu. Non, à vrai dire, elle n’était pas attachée à cette ville mais à la vie qu’elle avait réussi à se construire ici, rien de plus. Si elle n’était pas venue ici, la jeune femme n’aurait probablement jamais rencontré Anastasy ni retrouvé Alcide. Ils étaient les deux personnes qui devaient le plus compter pour elle aujourd’hui, les seules sur qui elle pouvait se reposer un petit peu. Cela ne lui ressemblait pas en soit, mais elle savait qu’en cas de besoin, elle pourrait le faire. Elle pensait pouvoir le faire en tout cas, même si dans la réalité des choses, Kahlan se débrouillait seule depuis que son frère avait quitté le domicile parental sans se retourner. Elle avait tellement souffert de ce départ que se fier à quelqu’un d’autre par la suite n’avait pas été chose aisée. La nervosité de son interlocuteur était toujours présente car ce dernier commençait même à se ronger les ongles. La vendeuse était sur le point de mettre à terme à ce qui semblait être une torture pour lui lorsqu’il reprit la parole, la prenant un peu par défaut. Hermès était en train de lui expliquer ce qui l’avait amené dans sa boutique lors de leur première rencontre. Il se mettait enfin un peu à parler de lui-même aussi un joli sourire s’étira sur les lèvres de l’Atlante, sincère.

A vrai dire, j’avais imaginé quelque chose dans le genre ou bien que vous vouliez faire une surprise à votre amie. C’est mon travail de servir les gens, quelque soit la raison de leur présence dans ma boutique.

Marquant une pause, la jeune femme porta sa tasse à ses lèvres, terminant son contenu. Elle en profita pour jeter un oeil à son portable afin de voir l’heure qu’il était. Les recherches qu’elle avait prévu cet après-midi risquaient de se cantonner à des recherches sur son ordinateur. En soit, cela serait tout de même un bon point de départ pour commencer. La brune n’allait pas trouver chaussure à son pied si aisément. Elle devait se méfier des gens sur qui elle allait tomber, ne pas dévoiler sa véritable force qui pourrait éveiller des soupçons. Leur rencontre allait bientôt toucher à sa fin. L’Atlante ne put s’empêcher de poser une dernière petite question, piquée par la curiosité.

Je dois dire que vous voir dans ma boutique m’avait changé les idées et je vous en remercie. Mais ne vous inquiétez pas, si je me suis souvenue de vous, c’est principalement parce que vous aviez égayé ma journée. Je pense pas que grand monde se souvienne du garçon qui est venu acheter des sous-vêtements. Par contre, qu’avez-vous fait de l’ensemble que vous avez acheté ?

Le garçon semblait se détendre et apprécier un peu cette rencontre contrairement au début. Pour autant, il n'en restait pas moins peu bavard. Observant sa tasse, Lara avait pratiquement vidé son contenu. Cela faisait déjà un petit moment qu'ils étaient installés là de toute évidence. Et dire que leur seconde rencontre était due à une coïncidence, à un surplus de foule. La jeune femme parla alors de ce qu'elle avait imaginé en le voyant dans sa boutique. Les représentants de la gente masculine se faisaient rares, mais cela n'était pas impossible qu'un homme vienne acheter un ensemble pour sa copine, voir qu'il lui demande conseil pour acheter quelque chose qui ferait plaisir à sa compagne selon les goûts qu'il lui connaissait. La réaction de Hermès ne laissa pas d’hésitation sur son interprétation. Il était gêné. Les raisons de cette gêne pouvaient cependant être multiple : peut-être avait-elle mis les pieds dans le plat proprement ou au contraire, peut-être que cette idée ne lui plaisait pas, ne lui convenait pas pour une raison qui lui échappait complètement.

Il faut dire que dans le fond, la brune n’attendait que ça, de trouver chaussure à son pied. Avec la vie qu’elle avait eu, l’Atlante ne rêvait que de trouver une personne qui saurait prendre soin d’elle et dont elle pourrait prendre soin à son tour. Elle n’était même pas capable d’y croire réellement, ayant l’impression que seules les belles histoires, celles des contes de fées, finissaient bien. Cela faisait près d’un mois qu’elle hésitait à se jeter à l’eau avec l’Amazone, à tenter l’aventure, sachant pertinemment que le temps lui manquerait. La preuve en était que ses hésitations étaient de plus en plus fortes et présentes au quotidien vu qu’elles ne s’étaient pas revues depuis un mois. Kahlan avait l’impression que sa tête allait exploser à force de ne pas savoir, de basculer un jour du côté “seulement amies” et le lendemain de l’autre côté, “plus si affinités”. La vendeuse n’avait jamais vécu ce type d’expérience auparavant. Elle avait bien déjà fini dans les bras d’un ami, mais ce dernier était un homme et les circonstances étaient tellement différentes. Et en même temps, pourquoi cela serait-il si différent ? A l’époque, elle ne s’était pas interrogée sur le fait qu’elle risquait de ruiner son amitié avec Alcide. Mais aujourd’hui, c’était bel et bien le plus gros argument qui la bloquait dans l’idée d’aller plus loin avec Anastasy.

Lorsqu’elle enchaîna sur le fait que peu de personnes autres que elle devaient se souvenir de son passage dans la boutique, son interlocuteur fronça les sourcils. Alors que la jeune femme pensait le rassurer, cela semblait être tout l’opposé. Sa remarque semblait tellement avoir troublé le brun qu’il répondit totalement à côté de la plaque. Qu’il l’ait porté ou pas l’importait peu, elle se disait juste que cela était dommage si ce dernier avait fini à la poubelle alors qu’il était flambant neuf. C’est alors qu’il reprit la parole, lui expliquant que l’ensemble avait fini dans la bouche d’un ami, celui qui avait eu le malheur de lui lancer ce défi légèrement stupide. Lara tiqua sur sa dernière phrase. Cela l’avait-il tant traumatisé de réaliser ce gage ? Peut-être n’avait-il pas tant que ça appréciait son accueil et la façon dont elle l’avait servi. Attrapant sa tasse, elle en vida le contenu, appréciant la boisson chaude et énergissante et portant toujours une oreille attentive au garçon. Sa dernière remarque donna un petit sourire à la brune. C’était une maigre consolation qui sonnait plus comme une simple formule de politesse ou une tentative de se rattraper.

Dites vous que c’est derrière vous, ce n’est pas comme si vous alliez refaire ça régulièrement.

Sortant son portefeuille de son sac, elle déposa un billet sur la note, le coinçant à l’aide de petit bout de plastique prévu à cet effet, puis rangea son portefeuille dans son sac à main.

Je crois que je vais pas vous embêter plus longtemps. Encore désolée pour votre café tout à l’heure Hermès et au plaisir.

Le sourire aux lèvres la brune ne se sentait pas de lui imposer plus longtemps sa présence. S’il avait jugé l’après-midi de leur rencontre comme l’après-midi la plus horrible de toute sa vie, cela révélait à quel point le jeune homme devait avoir une vie tranquille et paisible. Pour elle, subir un tel gage relevait de la rigolade pure et dure. Mais bon, chacun avait ses propres antécédents et sa façon de voir le monde. Anastasy comme Alcide la comprenaient au moins. Une fois levée, elle s’éloigna tranquillement, sortant son téléphone pour demander à l’Amazone si elle allait être disponible prochainement pour qu’elle se revoit. Ce n’était pas la première fois mais très certainement pas la dernière non plus. Elle était tellement occupée que très souvent, elle lui répondait qu’elle reviendrait vers elle sans le faire. Elle ne pouvait lui en vouloir, admirant toutes les responsabilités auxquelles elle arrivait à faire face avec brio. Mais elle se demandait si son besoin d’attention serait suffisamment contenté ou si l’Atlante finirait par ressentir un manque. Elle ne voulait pas qu’un tel fardeau repose sur les épaules de son amie.