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 [Livre I - Terminé] May we meet again...
Anastasia Chostakovitch
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MessageSujet: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptySam 2 Mar - 18:29

May we meet again...

Je fixe dans le miroir un reflet qui me déplaît profondément. J'ai beau les regarder depuis cinq ans, je suis incapable de comprendre le sens de tous ces foutus tatouages qui marbrent ma peau d'encre violacée. Ici une constellation, là des chiffres et sur mon abdomen, le tracé stylisé d'un rat qui semble avoir été fait à l'encre de Chine. Il est un peu plus gros que les autres, différent également, il m'obsède... pourquoi celui-là ? Pourquoi est-ce que je me suis fait tatouer une saloperie de rare sous les nichons ? Putain... j'en ai marre de ne rien comprendre, ça m'épuise. À ma sortie de l'hôpital, j'ai coupé mes longs cheveux au cassé pour faire table rase du passé, je n'ai pas cherché à retrouver l'endroit où je vivais auparavant et pourtant, malgré des changements qui ont l'odeur nauséabonde de la fuite, je continue à me chercher, à fixer ce reflet dans la glace en me demandant à qui il appartient. Est-ce que c'est le mien ? Ou est-ce qu'il appartient toujours en quelque sorte à ce fantôme, à cette étrangère dont j'ignore tout ?

Dans un soupir, j'enfile un pull pour cacher les trop nombreuses questions sans réponses et pose les yeux sur une petite croix tracée au stylo rouge au milieu des tatouages sur le dos de ma main. Merde... j'ai dû faire ça hier soir pour ne pas oublier de faire quelque chose, mais quoi ? Il est là, le problème : j'oublie tout, tout le temps, et ça m'use les nerfs. Alors j'attrape mon téléphone, remonte l'unique conversation régulière qu'il contient, à savoir celle de Matthew, et comprends vite que cette croix et lui sont liés. Ok. Passer à l'hôpital en fin de journée, on va manger un bout ensemble. C'est noté, reste à ne pas l'oublier, cette fois. Ce type est d'une patience qui me dépasse et je m'en veux presque de ne pas avoir l'air réceptive à ses attentions, souvent.

Je range le téléphone, attrape mon arme de service, une veste et sors en claquant la porte car pour changer, je suis en retard. J'ai d'ailleurs à peine le temps de sortir de l'immeuble que je reçois un premier texto. : « chef, on est devant l'immeuble du gars, on fait quoi ? » je soupire et leur réponds de m'attendre. Seulement, dans la foulée, je reçois un : « bon on entre, vous nous rejoignez ! » qui me fait pester et accélérer la cadence. Bordel de crétins de cons de... je vais me les faire, un jour, j'vous l'jure ! Aucune patience, aucune notion du protocole à respecter, que dalle ! Toujours prêts à frapper, en revanche... Je m'active, traverse les rues sans un regard pour les gens que je croise et me précipite vers l'immeuble où j'aurais dû me trouver vingt bonnes minutes avant. Si je savais qu'avant de perdre la mémoire j'étais la personne la plus ponctuelle du monde...

En bas de l'immeuble, je trouve deux gars en tenue en train de discuter tranquillement comme s'ils étaient en pause.

« Dis donc, les deux couillons ! Bougez-vous l'cul, au lieu de conter fleurette ! »

Pourquoi on est là, déjà ? Ah oui... un meurtre. Hier soir, on a reçu un appel d'un camé qui n'a pas su nous épeler son nom mais qui a très bien su nous faire comprendre qu'il y avait un mec crevé sous « son » pont à lui. Charmant. On a retrouvé le type en question avec deux balles dans la tête et le corps tellement gonflé d'eau que les légistes n'ont pas pu récupérer grand-chose d'exploitable, à l'exception boule de papier tellement serrée dans son poing qu'il lui a épargné la noyade. Une simple carte de visite avec le nom d'une entreprise et d'un conseiller : Mikkel Lindberg. Encore un nom à coucher dehors, tiens !

Lorsque j'arrive sur le pallier de l'appartement du type, c'est pour trouver la porte enfoncée et un bordel pas croyable dans l'appartement. Alors j'entre, enjambe une table basse et me retrouve nez à nez avec le plus ridicule des spectacle. Trois flics armés qui sont partis sucrer les fraises contre le tapis et un autre qui supplie en balbutiant le type qui le tient pas le col.

” Mais vous êtes tous complètement cons ou ça se passe comment ? Vous connaissez la différence entre interroger un témoin et appréhender un suspect ? Toi, là ! Ouais toi, avec ta gueule de con... relève-toi et va me chercher les deux crétins d'en bas, vous allez me remettre cet appart en ordre, c'est compris ? “

Sans broncher, le type en question se relève en titubant, encore à moitié assommé. J'en profite pour m'approcher du propriétaire de l'appartement. Un grand type aux cheveux blonds et aux lunettes d'intello qui a l'air tellement furax que je sursaute lorsqu'il se tourne vers moi. Et soudain, je vois son visage qui se décompose. En d'autres circonstances, je saurais sûrement qu'il doit avoir l'impression de voir un fantôme et qu'à l'exception d'une voix rendue plus rauque par les blessures qu'il a laissé sur mes cordes vocales, mon ton et mon vocabulaire non pas changé.

” Hum... toutes mes excuses, monsieur Lindberg. Ce n'était pas supposé se passer ainsi et... vous voulez bien lâcher Stan, s'il-vous-plaît ? Il est un peu con mais il ne mord pas et vous allez finir par le faire pleurer, là... “

Alors, pour détourner son attention du crétin qu'il n'a pas l'air décidé à lâcher, je lui tends la main avec un grand sourire.

” Lieutenant Stevenson, j'ai juste deux ou trois questions à vous poser, rien de bien méchant. On peut discuter au calme quelque part ? “


Il commence à me stresser, avec son regard fixe, là… J'ai une merde sur le nez, ou quoi ?
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Andreï S. Rostov
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyMer 6 Mar - 23:50

 
May we meet again

 
Je déteste les jours où je suis supposé me la jouer mec friqué, intelligent et malin, je déteste les jours où j’ai un rôle de figuration, pour représenter les intérêts de Georg auprès de la face claire de la société, je déteste les jours où je porte un costume qui n’est pas uniquement une pièce de tissu, où je dois jouer un rôle qui ne me va pas, qui m’enserre et m’asphyxie comme une corde autour de ma gorge. Je déteste ces jours-là, ça ouais. Mais les nuits qui les suivent… quand je me vautre dans le canapé de l’appartement qui va avec le package du parfait consultant en affaires internationales, ça n’a rien à voir avec les vagues décharges désaffectées qui attirent moins l’attention mais qui n’ont clairement pas le chauffage et l’eau chaude dans toutes les pièces. Ce moment-là, quand je me laisse tomber dans le canapé, n’est en rien comparable à la satisfaction que je peux ressentir quand je brise des mâchoires et que je suis propulsé dans un monde où ne règne aucune loi, ou juste la loi du plus fort, mais il n’a rien non plus à leur envier. Parce que cet appartement respire le luxe, parce que cet appartement n’est là que pour faire figuration, que pour être habité de manière irrégulière, parce que cet appartement est aussi impersonnel que ma vie, mais qu’il a tout le confort que Georg a toujours voulu et pu se payer, mais qu’il a aussi toujours refusé à ses sous-fifres : comme il a si souvent tendance à le dire, ce serait jeter de la confiture aux cochons. Merci bien.

Quoiqu’il en soit, j’ai l’appartement de Mikkel Lindberg pour moi tout seul, et je compte bien en profiter pour juste décompresser, et remettre de l’ordre dans mes idées. Paradoxalement, je déteste être seul, la sensation d’abandon m’affole et à la seule perspective que Georg envisage de se séparer de moi, je suis à deux doigts de vriller complètement, mais ces rares moments où je n’ai plus aucun regard posé sur ma nuque, j’ai tendance à les savourer. Les vingt premières minutes. Quoiqu’il en soit, j’ai envoyé voler mes gobasses dans un coin, j’ai les pieds posés sur la table basse, la télé allumée pour faire une présence et les doigts qui jouent avec mon flingue, pour le démonter, le nettoyer, le remonter et recommencer. Encore et encore. Encore et encore. Dans un mouvement fluide destiné à passer le temps, à me concentrer sur la mécanique du geste, à me perdre dans le côté répétitif de la manip’. Je n’ai pas été habitué à être oisif. Je n’ai pas appris, non plus, à être oisif. On m’a appris à être constamment sur mes gardes, à m’entraîner, voler, insulter, frapper, pas à me tourner les pouces. Pas à être aussi seul, non plus. Au bout d’un temps qui me paraît interminable, mon arme est impeccable, ce serait contreproductif de continuer mon manège, je suis bien obligé de la reposer et j’en profite pour me lever, et me traîner jusqu’au mini bar pour extirper des bières et les rapatrier vers le canapé. Ca ne fait qu’une heure, je suis supposé rester dans le coin toute la nuit, si jamais le contact que j’ai vu cet après-midi se décide à mordre à l’hameçon, à m’appeler ou à faire la connerie de se renseigner et de se pointer directement chez moi. Et ça ne fait qu’une heure… je décapsule une bière, me vautre davantage, change de chaîne, n’arrive pas à trouver le moindre intérêt pour les images qui défilent. Je me fais profondément chier.

Mais au moins, je ne me fais pas trop chier longtemps : je ne sais ni quand, ni comment, mais j’ai fini par m’endormir, et même le contact glacé de la bière que je tenais entre les mains à ce moment-là se déversant sur moi ne m’a pas réveillé. L’odeur, en revanche…

C’est elle qui m’agresse la première, à cinq heures du mat’. Et le bruit de la télévision, toujours allumée. Et la chemise poisseuse qui m’irrite le torse. Et l’humidité glacée. Je me lève d’un bond, dans un Sa mère russe, sans savoir vraiment de quelle mère je parle, mais avec une belle flopée d’injures qui ne se fait surtout pas attendre, alors que la bouteille presque vide roule en bas du canapé, que je heurte la table basse et que je continue de jure. Putaiiin. Ce n’est pas tant que l’odeur m’insupporte, ce n’est même pas le contact écœurant du liquide tiédasse et péguant, c’est plutôt la perspective d’avoir à expliquer ça à quelqu’un. Et puis, bon, je déteste être réveillé comme ça. Pas que ça me soit déjà arrivé, mais… Je râle, je peste, je soupire, Putaiiiin, dans toute la diversité de mon vocabulaire, en me traînant à la salle de bain. Et ça ne va pas en s’arrangeant lorsque je me rends compte que je ne sais pas comment, j’ai réussi à m’en foutre dans les cheveux. Raah… et merde.

Quand je sors de la douche, il n’est même plus question de dormir, il est juste question de ranger le bordel histoire de sauver les apparences si jamais quelqu’un se pointe, les ordres et les principes de Georg sont tenaces, presque malsains, et je me fais violence pour ne pas balancer la bouteille vide par la fenêtre ou contre la fenêtre, histoire de. Allez tous vous faire foutre. Surtout que j’ai beau tenter de laver, l’odeur accroche à mon odorat trop sensible, j’en ai presque le goût sur la langue, un goût à m’en écœurer pour des semaines, comme si c’était pas déjà suffisant de…

Je prête l’oreille. Je ne sais pas quelle heure il est, mais la routine de l’immeuble est… mon instinct me fait sentir avant que mon intellect n’ait le temps d’analyser les données qu’il y a quelque chose de louche. Un ou des intrus. Des voix qui ne sont pas familières, qui ne parlent pas de manière normale, qui… Je me crispe, tends l’oreille. J’ai potentiellement l’air flippant, à avoir les yeux rivés sur la porte, qui ne voient plus rien, qui se contentent d’entendre. J’ai pas les idées claires, mais je suis certain que quelque chose ne va pas. En quelques pas, j’ai attrapé mon flingue et je l’ai glissé dans mon dos, à portée de main mais invisible sous le tee-shirt que j’ai enfilé en sortant de la douche. Un autre mouvement, j’ai mon portable à la main. A envoyer un message à Georg. Intrus chez Mikkel ; c’est prévu ?, et je garde le téléphone serré dans ma pogne, dans l’attente d’une vibration. Et quand ils frappent à la porte, je reste bêtement con, sans instruction de mon dieu personnel. Une hésitation que je paie immédiatement : la porte est enfoncée, mon cœur accélère brutalement, j’ai beau voir les uniformes reconnaissables, je suis incapable d’assimiler que Mikkel Lindberg n’est peut-être pas supposé réagir comme ça, mes réflexes prennent le dessus. Tout se passe très vite, s’étire dans un temps que je distends, ils ont pas le réflexe de tirer leur flingue, moi, j’ai celui de ne pas hésiter à frapper aux parties et à la gorge. Quatre. Un cinquième arrive. Je resserre ma poigne sur le seul des flics à ne pas être déjà à terre, indifférent aux bris de verre brisé, indifférent à mon tee-shirt déchiré, au sang que quelques plaies font goutter, aux lèvres explosées et aux joues tuméfiées des flics. Qu’est-ce que vous foutez là ? Il faut que je me contrôle. Un cinquième arrive. Au moment où l’unique renfort passe la porte, son odeur se superpose à celle de la bière, à la sueur des quatre mecs, une odeur qui efface tout le reste, qui me fait immédiatement lâcher le col.

J’ai le cœur qui accélère dans ma poitrine. Je n’ose pas me tourner dans sa direction. Mais comme si l’odeur ne suffisait pas, sa voix s’interpose et me lacère les tripes. « Mais vous êtes tous complètement cons ou ça se passe comment ? Vous connaissez la différence entre interroger un témoin et appréhender un suspect ? Toi, là ! Ouais toi, avec ta gueule de con... relève-toi et va me chercher les deux crétins d'en bas, vous allez me remettre cet appart en ordre, c'est compris ? » Interroger un témoin et appréhender un suspect. Bien malgré moi, j’essaye d’additionner A et B, pour me peindre un tableau de la situation, de qui ils sont venus chercher, de qui elle est venue chercher, de ce qu’ils peuvent me reprocher, de ce qu’elle peut me reprocher. Mon portable, que j’ai balancé à la tronche du premier venu pour le dérouter, est au sol, à quelques mètres de là, et se décide précisément à vibrer maintenant que… je n’ai plus le choix. J’entends celui qu’elle a désigné se relever, se casser. Et je suis bien obligé, maintenant que j’ai desserré ma prise sur le flic et que je n’ai plus l’intention – dans l’immédiat – de lui refaire le portrait, de me tourner dans sa direction. Parce qu’il ne faut pas que je paraisse suspect, Georg n’aimerait pas que j’attire davantage l’attention sur nous, parce que même si je suis déjà foutu, elle va me reconnaître, il ne faut pas que j’entre dans son jeu, ou que je lui donne des infos qu’elle n’avait pas.

Mon cœur accélère davantage, je me sens pâlir quand je croise son visage. Et j’ai envie de gerber, aussi. A la voir aussi… aussi… « Hum... toutes mes excuses, monsieur Lindberg. Ce n'était pas supposé se passer ainsi et... vous voulez bien lâcher Stan, s'il-vous-plaît ? Il est un peu con mais il ne mord pas et vous allez finir par le faire pleurer, là... » Automatiquement j’achève de le libérer, j’en ai rien à battre de lui, je veux juste… ne pas paniquer. Ne surtout pas voir rouge. Ni Anya. Ne pas voir Anya. D’un mouvement brusque, je repousse ledit Stan, considère la main qu’elle me tend, incapable de la lâcher du regard. Et je m’en saisis brièvement, son contact me brûle, alors qu’elle poursuit, plus sadique et vicieuse, plus perverse et cruelle que dans mes souvenirs. Excellente comédienne, ça, en revanche, elle l’était déjà. « Lieutenant Stevenson, j'ai juste deux ou trois questions à vous poser, rien de bien méchant. On peut discuter au calme quelque part ? »

Discuter. Au calme. Sur son visage et son sourire se superposent parfaitement un visage tuméfié et un rictus de haine. J’ai du mal à déglutir. Et pourtant, il faut que je me reprenne. Mikkel Lindberg, mais vous le savez déjà. A quoi tu joues, putain, Anya ? Je m’écarte d’elle, pour aller ramasser mon téléphone. Démerde-toi avec, tu es trop grand pour que je te change tes couches, au moins, Georg est clair. Au moins, il ne débarquera pas à l’improviste. Parce qu’elle est morte il y a cinq ans dans son esprit, il a écarté une traitre de l’organisation et il a récupéré ma loyauté pleine et entière ; et je n’ai aucun intérêt à ce qu’il remette en question cette certitude. C’est cette pensée qui me pousse à me reprendre vraiment. J’inspire profondément. Mon téléphone trouve sa place dans ma poche. Mon cœur et ma lucidité, eux, sont encore totalement aux fraises. On peut discuter ici, non ? je réponds, sur la défensive. Stevenson qu’elle a dit ? Des questions à propos de quoi ? Parce que si vous vouliez critiquer la déco, vous auriez pu me le dire avant de tout démolir Parler me maintient à flots, le temps que je parvienne à… le temps que je parvienne à… Si vous faites dégager le plancher à vos larbins, je peux vous proposer à boire et qu’on en discute dans mon bureau. Je désigne une porte fermée, qui s’ouvrira à ma demande sur le bureau de Lindberg. Parler, continuer à parler. Le temps que j’arrive à me souvenir que je la déteste, et qu’elle m’a fait bien plus de mal que moi je ne lui en ai fait en la tuant, en la presque-tuant, et que même si je perds actuellement mes moyens face à elle… ce n’est que temporaire. Elle a trahi Georg. Elle m’a trahi. Il faut que je m’en souvienne. Il faut que je me souvienne de pourquoi j’ai fait ça. Elle a trahi Georg. Et on ne trahit pas Georg. Je ne vous propose pas ma chambre, on n’est pas encore assez intime pour ça. Parler, toujours parler. Tenir un rôle, éloigner tout le reste. T’es pas la seule menteuse et comédienne du lot, Anya. On a été élevé presque au même endroit, rappelle-toi.





Dernière édition par Andreï S. Rostov le Dim 7 Avr - 23:51, édité 1 fois
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Anastasia Chostakovitch
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyJeu 7 Mar - 17:02

May we meet again...

Parfois – souvent, même – je regrette d'avoir accepté d'être promue. C'est sûr, c'est classe, je peux brandir mon insigne de lieutenant, faire la fière, mais… mais putain que ça me barbe de faire la baby-sitter pour une bande de bras cassés ! Incapables de se tenir convenablement ou d'obéir à des ordres, il faut sans cesse qu'ils prennent les devants, tout en sachant qu'ils se prendront une mandale à notre retour au commissariat. Y a rien à faire, ça ne leur rentre pas dans le crâne. Faut dire que certains sont aussi cons que méchants, ce qui ne m'aide pas vraiment au quotidien. Pourtant, entrer dans un appartement comme un troupeau de buffles enragés et agresser littéralement un type qui, pour le moment, n'est ni soupçonné ni accusé de quoi que ce soir, c'est une grande première ! J'hésite entre les aligner tous dehors pour leur jeter des œufs ou leur remettre le trophée de la connerie. Bande de cons…

Et l'autre blond à bouclettes qui me fixe comme s'il n'avait vu de nana de sa vie… il est quoi, eunuque ? Ou alors c'est un ermite. En tout cas, il n'a pas l'air très futé lui non plus et le manque d'enthousiasme qu'il met à me serrer la main me fait me dire qu'il vient sûrement de faire un AVC. Je suis entourée de cons et de légumes, c'est merveilleux. Pourtant, Lindberg finit par se présenter et enchaîne directement sur l'agressivité. Pour une raison que j'ignore, je perçois toujours très bien les humeurs dans la voix des gens, comme si j'étais sensible au ton à adopter pour les persuader de me suivre sans discuter. Parfait. Névrosé et agressif, il va me plaire, ce con. Je reste un moment silencieuse, croise les bras en me montrant ouvertement sur la défensive et le fixe sans ciller. Il y a quelque chose qui me dérange, maintenant que nous nous regardons dans les yeux sans nous fuir. Un… quelque chose, une impression de déjà vue qui n'a pas de sens… il m'évoque quelque chose. Un mélange d'attirance, de colère, de… haine ? On se calme, Anya, ça n'a aucun sens : tu ne connais pas ce Lindberg.

” On se calme, Médor, mes gars ont fait n'importe quoi mais je ne suis pas ici pour vous arrêter ni vous accuser de quoi que ce soit. Je suis simplement sur une affaire qui implique l'un de vos clients, c'est un simple interrogatoire de routine. “

Et il répond sur un ton très semblable au mien, du tac au tac… comme si, dans notre agressivité, nous trouvions une forme de dialogue un peu étrange. Je considère les deux idiots qui s'affairent à tout remettre en place et le troisième qui se masse le crâne en marmonnant des jurons et hésite un instant. Je ne sais rien de ce type. Il est agressif, il a foutu trois de mes hommes au tapis et surtout, l'arme postée sur la table basse ne m'a pas échappée. N'est-ce pas un peu étrange, pour un simple consultant ? Habituellement, j'ai confiance en mes capacités, en ma rapidité et en mon efficacité mais là, je me sens soudainement démunie, sur la défensive. Et si, face à lui, je me retrouvais en difficulté ? Rien à faire, ce que cet inconnu m'inspire me fait froid dans le dos. Au bout d'un long moment, je soupire.

” Laissez ça, les gars et cassez-vous. Pas de question, vous m'attendez en bas, je m'en occupe. “

N'ai-je pas fait une énorme erreur ? Lorsque nous nous retrouvons tous les deux et qu'il se permet une petite blague de mauvais goût sur sa chambre et le fait que nous ne soyons pas encore assez intimes, j'hausse les sourcils. Pour qui il se prend, ce mec ? Il ne serait pas à trois mètres de mois, je lui aurais sûrement mis mon genou dans les parties pour lui passer l'envie de me sortir ce genre de connerie. Mon esprit plus ou moins rationnel d'amnésique a envie de lui rétorquer d'aller se faire foutre et de faire gaffe à ce qu'il dit mais les mots qui m'échappent à cet instant vont à l'opposé de ce que j'ai pu imaginer.

” Ça dépend… sous la couette, vous vous mettez plus facilement à parler ? “

C'est quoi, ça, Anya ? J'écarquille les yeux, probablement aussi surprise que lui, et me passe nerveusement une main dans les cheveux.

” Bref… votre bureau fera très bien l'affaire. “

Je le suis donc, rassurée par la présence d'un flingue à ma ceinture tandis que le sien reste sur la table basse du salon. C'est con… c'est vraiment très con. Matthew a tendance à dire que je souffre d'un excès de confiance en moi à cause de mon absence totale d'empathie et je comprends maintenant ce qu'il a pu vouloir dire : en cinq ans, c'est la première fois que je me sens aussi désarmée. Je n'aime pas ça. Il faut que je foute le camp et vite. Pourtant, je reste stoïque et affiche un sourire détendu lorsque je me laisse tomber sur un siège face à son bureau. Pour me mettre à l'aise, je retire mon écharpe, dévoilant un collier qui ne me quitte plus depuis réveil à l'hôpital, un collier d'argent serti de diamant que je regarde chaque soir en espérant qu'il fera remonter quelques souvenirs. Le bijou s'agite à mon cou lorsque je me penche, réfléchissant la lueur blafard d'un soleil bien matinal.

” Bon… venons-en au fait. On a retrouvé hier soir aux alentours de 23h le cadavre de Samuel Smith, conseiller financier de l'une des entreprises pour lesquels vous faites du consulting. Pas b'soin d'vous faire un dessin, ce n'est ni l'âge, ni la quantité astronomique de donnuts qu'il s'enfilait qui l'ont tué. Trois balles dans la poitrine, une dans le crâne, il était mort avant de toucher le sol. “

Il paraît qu'elle a quelque chose d'effrayant, ma façon de décrire les meurtres… et que je suis particulièrement nulle pour annonce un décès aux proches des défunts. Tant pis, si Lindberg connaissait Smith et qu'il a envie de pleurer, qu'il le fasse, ça ne m'empêchera pas de continuer. Je tire de ma poche un petit carnet ainsi qu'un stylo et l'ouvre sur une page déjà couverte de notes. Comme à mon habitude, je renseigne scrupuleusement tout ce que je fais dans une journée, presque machinalement maintenant : heure du lever, ce que j'ai mangé, ce que j'ai fait dans la journée… on dirait une petite vieille atteinte d'Alzheimer. Tournant la page, j'indique la date du jour et l'objet de notre rencontre.

”Vous connaissiez bien monsieur Smith ? Et vous savez s'il avait des ennemis, des personnes qui auraient pu lui en vouloir ? “

Bien sûr que ça doit avoir l'air naturel, ce rôle qu'il pense que je joue. Ce n'est pas un rôle, c'est ça ma vie, maintenant. Questionner des suspects ou des témoins, arrêter des gens, remplir de la paperasse… rien à voir avec l'existence de hors la loi que j'ai pu vivre avant mon "accident".

” Dites… vous pouvez arrêter de me fixer comme si vous aviez vu un fantôme ? Ça devient gênant… “

Il m'agace. Et il va vite me chauffer s'il continue à être à ce point sur la défensive. Y a une ambiance pesante, tellement pesante, dans ce bureau… j'ai envie de m'enfuir en vitesse. Plus vite cet interrogatoire sera fini, mieux ce sera !
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Andreï S. Rostov
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyDim 24 Mar - 14:35

 
May we meet again

 
« On se calme, Médor, mes gars ont fait n'importe quoi mais je ne suis pas ici pour vous arrêter ni vous accuser de quoi que ce soit. Je suis simplement sur une affaire qui implique l'un de vos clients, c'est un simple interrogatoire de routine. » Pas ici pour m’arrêter, à quoi elle joue ? Je cligne des yeux. Réfléchis, Andreï, ne perds pas le contrôle. Reprends le contrôle. Tu sais faire, tu sais te calmer avant que les choses ne dérapent. Tu peux te calmer, juste discuter, tu peux gérer sans que les choses ne dérapent encore plus. Je serre le poing, je la fixe, je me concentre. Et je me force à attendre. « Laissez ça, les gars et cassez-vous. Pas de question, vous m'attendez en bas, je m'en occupe. » J’inspire à fond alors que les flics détalent comme des lapins. Sauf elle.

Ce serait se foutre de la gueule du monde que de dire que lorsque les larbins se cassent, je commence à mieux respirer. Pourtant, c’est presque ce qu’il se passe. Si je veux réussir à gérer le cauchemar qui se profile devant moi, un cauchemar avec un caractère de merde, une multitude de tatouages que je connaissais par cœur, un vocabulaire des plus vulgaires et un corps à se damner, il faut que j’y mette absolument toute ma concentration et toute ma volonté. Et je ne peux pas me laisser distraire par le reste, par le regard qu’elle me lance, par la nervosité dans mes mains, par les tremblements qui m’agitent, et toutes les questions qu’elle peut soulever. Elle a survécu. J’en ai la certitude depuis quelques temps déjà, mais il y a une différence entre savoir quelque chose et ne plus avoir le droit de le nier. Elle a survécu. La traître a survécu. Anastasia a survécu. Anya est devenue une putain de flic, et elle a en mémoire tout ce qu’il faut pour me détruire, pour nous détruire, pour tout détruire. Elle est là, devant moi, à me narguer par ce petit jeu qu’elle m’oblige à jouer, elle est là, devant moi, à me narguer dans son silence, son indifférence, le détachement parfait qu’elle m’inflige. J’ai envie de gerber, parce que je ne peux même pas me voiler la face : elle n’en a rien à foutre de moi, alors que moi… Ne t’attache à personne, c’était un ordre de Georg, l’un des premiers qu’il nous a donnés. Ne fais confiance à personne. Encore un autre que j’ai piétiné. Anastasia est l’étendard de toute mon incompétence, de tous les coups de poignard que j’ai pu planter dans le dos de Georg. Et elle en joue. On a été élevé au même endroit, par les mêmes personnes, dans le même but. Elle m’a surclassé dans la plupart des disciplines. Et elle me surclasse encore par son calme, sa maîtrise, alors que moi… putain, j’ai vraiment le cœur au bord des lèvres, à ne pas réussir à détacher mon regard d’elle, à peiner à réfléchir. Où est ce putain d’Hermès quand j’ai besoin de lui ? Pas là, et c’est tant mieux. Si je n’ai aucun intérêt à ce que Georg débarque à l’improviste, j’en ai encore moins à ce que ce soit mon ombre qui débarque, ça non…

Les larbins ont rendu l’atmosphère à peine plus respirable, je me tiens malgré tout à distance. Reprendre le contrôle. Me concentrer sur le principal, sur le fondamental. Georg. Elle l’a trahi, elle m’a trahi, il n’y a que ça qui importe. Rien d’autre ne doit exister, rien d’autre que les Rats, que mon allégeance aux Rats, que la survie des Rats. Ce que je dois faire ? Jouer le même jeu qu’elle. Me jouer d’elle, savoir ce qu’elle compte faire maintenant qu’elle m’a mis la main dessus, savoir ce qu’elle a en tête. Mon cœur bat à toute vitesse, sonne le tambour à mes oreilles, couvrirait presque le sien, bordel, pour mieux m’interdire de l’entendre, pour mieux m’aider à croire que celui d’Anya ne bat plus, ne bat plus depuis cinq ans. Mais si je peux ignorer les boum, boum intempestifs, son odeur elle… elle s’infiltre en moi comme de l’acide. De l’acide tentateur. Comme un parfum que je suis incapable d’oublier. Toute personne a une odeur corporelle qui lui est propre ; en dix ans, en dix ans j’ai eu le temps d’apprendre la sienne, de connaître la sienne, de dessiner dans mon esprit le rythme de ses respirations, le schéma de tout ce qui la constitue et que personne d’autre que moi ne peut voir. Parler me maintient à flots. Mais parler à Anastasia…

Je ne dérape pas, j’essaye de me dire. Je vacille juste. Répondre au tac au tac, répondre comme on répondait avant. Je lui proposerai bien ma chambre plutôt que mon bureau, Anya, on a été élevé au même endroit, comprends bien par là que nous sommes peut-être deux étrangers aujourd’hui, je te connais. « Ça dépend… sous la couette, vous vous mettez plus facilement à parler ? » J’ai un rictus crispé, l’intention de rétorquer qu’un peu de pratique vaut toujours mieux que beaucoup de théorie, mais elle me coupe l’herbe sur le pied en se reprenant aussitôt, « Bref… votre bureau fera très bien l'affaire. », me laissant décontenancé, immanquablement déçu et… Reprends toi. Ne s’attacher à personne, ne faire confiance à personne, et certainement pas à une personne qui a la trahison dans le sang.

Je réajuste mes habits débraillés dans les dernières minutes, ouvre la marche vers le bureau d’un pas rapide. L’avantage de l’expérience c’est que je n’ai jamais besoin de véritablement me concentrer pour jouer un rôle, lorsqu’il ne s’agit que de se mouvoir, que d’avoir l’attitude, l’assurance maladivement arrogante et l’aura de celui que je suis supposé être. Qui est Mikkel Lindberg ? Jusque-là un nom sans saveur, invisible, insipide, qui ne s’inscrivait pas dans les esprits de ceux qui n’avaient pas à s’intéresser à lui. Qui est Mikkel Lindberg ? Jusque-là, ce n’était personne. Maintenant que les yeux des flics sont rivés sur lui, je lui offre de la contenance, je lui offre des certitudes, je lui offre une confiance en lui qui s’inscrit dans la mienne, qui s’ancre dans mes propres convictions. Régler ça rapidement, proprement, rendre Georg fier de moi et ne surtout pas le décevoir. Même si Hermès n’est pas là pour me cadrer et me servir de back up. Je me laisse tomber dans le siège du bureau, le cuir trop rarement utilisé craque, je suis le maître des lieux et pas un imposteur quand mon regard replonge dans celui d’Anya. Et Mikkel se fendille.

Explose en morceau à l’instant où le soleil accroche un collier dans son cou. Je sais qu’elle le fait exprès, je sais qu’elle le fait sciemment, que le geste qui a fait sortir la constellation argentée de son gilet pare-balles était calculé de sa part ; salope. Mais j’ai beau le savoir, ma réaction n’en reste pas moins inchangée, mon cœur repart à toute vitesse, mes poings se serrent, j’ai le souffle coupé. Ne pas perdre le contrôle. La dernière fois que je l’ai vu, le monde s’est strié de rouge, mon esprit a vrillé et quand j’ai fini par retrouver un soupçon de lucidité, elle n’était plus qu’un amas de chair tuméfié. Et mes phalanges rougies. Ne pas perdre le contrôle. Est-ce qu’elle attendait de voir ma réaction pour reprendre, ou au contraire, est-ce qu’elle a juste voulu me foutre un coup de pied dans les parties pour me déconcentrer, histoire que je parle plus facilement ? Sûrement les deux. Avec elle, c’est toujours les deux. J’essaye tant bien que mal de m’accrocher à ses mots et d’ignorer sa voix pour m’éloigner du bord de la falaise. « Bon… venons-en au fait. On a retrouvé hier soir aux alentours de 23h le cadavre de Samuel Smith, conseiller financier de l'une des entreprises pour lesquels vous faites du consulting. Pas b'soin d'vous faire un dessin, ce n'est ni l'âge, ni la quantité astronomique de donuts qu'il s'enfilait qui l'ont tué. Trois balles dans la poitrine, une dans le crâne, il était mort avant de toucher le sol. »

Samuel Smith. Le mec que j’ai rencontré hier. La surprise se peint sur mon visage, incapable d’être masquée, incapable d’être camouflée. Un coup dans les parties, ou son équivalent, on a beau être entraîné à l’encaisser, ça a toujours la même efficacité. Je ne retiens aucune de mes réactions. Vingt-trois heures, soit deux heures après notre rencontre. Trois balles dans la poitrine, raide mort. Ah ben merde alors… , on ne pourra pas nié que mon naturel prêche mon innocence dans cette connerie, tout comme mon absence de compassion pour le conseiller financier  est le stigmate d’un gros problème d’empathie chez moi. Mais bordel, pour une fois qu’un rendez-vous s’était bien passé, il faut que le karma me rattrape et qu’il y ait malgré tout un cadavre de semé. Ça va faire marrer Hermès, tiens. Au moins, je cerne mieux sous quel prétexte Anastasia a fait enfoncer la porte de l’appartement. « Vous connaissiez bien monsieur Smith ? Et vous savez s'il avait des ennemis, des personnes qui auraient pu lui en vouloir ?  Dites… vous pouvez arrêter de me fixer comme si vous aviez vu un fantôme ? Ça devient gênant… »

Des ennemis, des personnes qui auraient pu lui en vouloir. Ce n’est pas que j’ai vu un fantôme, c’est plutôt qu’elle se fout ouvertement de ma gueule, vraiment, qu’elle s’amuse à me balader par le bout du nez. Parce qu’il ne faut pas croire, je ne suis peut-être pas une lumière mais il ne faut pas abuser pour autant : on sait tous les deux de quels ennemis elle parle, à quelles personnes mal intentionnées elle peut bien faire référence. Je ne vois pas un fantôme et c’est bien ça le problème. Tout aurait été plus simple, pour tout le monde, si j’avais eu la force de l’achever. Tu sais quoi, Anya ? Je ne vais pas te donner la satisfaction de péter un câble tout de suite. Je vais jouer ton jeu. Et on va voir qui va craquer le premier. Désolé d’être gênant, mais on vient de m’apprendre que quelqu’un a assassiné un de mes collaborateurs… tout le monde n’est pas comme vous, aussi à l’aise avec le concept... Jouer un rôle, l’empêtrer de mensonges sincères ; jouer un rôle à la perfection, le temps de trouver un réponse plus… adéquate. Je ne suis pas à l’aise lorsqu’il faut réfléchir, prendre du recul, analyser et peser chaque mot utilisé. On m’a appris à réagir à l’instinct, à l’intuition impulsive du soldat formé pour agir, pas pour prendre des décisions et des initiatives. Une mission, un objectif. Pas de grand tableau peint avec des détails, pas de recul pour le voir dans sa globalité. L’exact opposé, en gros, de ce que je suis supposé faire depuis cinq ans. Et on se demande pourquoi je ne brille pas à cet exercice. Mes doigts pianotent sur la surface du bureau, je rassemble les feuilles qui n’y trainent pas. Choisir ses mots avec soin. Ce n’est pas compliqué, il suffit de choisir les bons mots ; faire entre à la personne ce qu’il veut entendre et ce qu’il pense devoir entendre. Facile, présenté comme ça par Anastasia. Dans les faits… je suis plus doué pour frapper que pour parler. Mais soit. Nous sommes à Europolis. Tout le monde a des ennemis, surtout lorsqu’il y a de l’argent en jeu. C’est une ville où la corruption règne. Je ne connaissais pas bien Smith, j’ai dîné avec lui hier, pour une négociation de contrats. Mais nous savons tous les deux que ce n’est pas rare que des casseroles qu’on traîne depuis des années nous rattrape sans crier gare…. Ce que j’essaye de lui dire ? Que nous savons tous les deux que se retrouver face à l’autre maintenant, c’est admettre que nous avons un combat à finir. Et une mise à mort à achever. Tout se paye un jour. Tout nous rattrape un jour.

Je me penche sur l’un des tiroirs, l’ouvre dans un tour de clé. En extirpe des dossiers. Réels, bien tangibles, des fausses pistes, que du vent, pour qui ne fouille pas trop. J’ai ici une partie des contrats que nous avions déjà négocié avec l’entreprise représentée par Smith. Mais je ne pourrai rien vous apporter de plus. Qu’elle comprenne là que je n’ai que du vent pour elle, et un majeur levé dans sa direction. Parce qu’elle ne trouvera rien risquant d’exposer les Rats au bout de cette paperasse, et elle le sait autant que moi. En revanche… c’est toujours une enquête de plus. Et un risque d’intéresser Georg. Vous avez déjà des pistes de votre côté ? Je vais bien évidemment devoir faire un rapport à mon supérieur, il voudra en savoir un maximum. Georg sera au courant de ton existence à l’instinct où tu quitteras la pièce.

Si j’ai le courage de le faire.

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Anastasia Chostakovitch
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyDim 24 Mar - 18:57

May we meet again...

C'est moi où il a l'air complètement con, l'bouffeur d'anguille ? Quoi ? Oui, il paraît qu'on mange de l'anguille au Danemark. Et si j'avais tous mes souvenirs, je me souviendrais sûrement que j'y suis allergique. En tout cas, ça ne change rien au fait que l'autre con me fixe avec un air ahuri et que ça commence, ou plutôt ça continue, à me gonfler prodigieusement. Je commence même à me demander si ce n'est pas un ermite ou un moine guerrier qui aurait grandi loin de la civilisation et qui n'aurait jamais vu de femme de sa vie. Quelle tristesse, si c'est le cas... Alors récapitulons. Violent, tête de con, ahuri... il a vraiment tout pour lui ! Quelque part, je me sens encore moins rassurée lorsque je me retrouve toute seule avec lui et tous mes sens me hurlent de fuir en vitesse. Il y a chez lui quelque chose d'inquiétant, de sombre, quelque chose qui éveille en moi une peur qui n'a rien de naturel. Ce n'est pas que je crains rien mais selon les dires de Matthew, j'éprouve si peu la peur que ça en ruine le peu d'instinct de survie que je peux avoir. Là... je me sens comme un petit animal face à un prédateur et je n'aime pas du tout cette sensation. Mettre fin à l'interrogatoire le plus rapidement possible, concentre-toi sur ça, Anya.

Je commence par les questions de routine, l'exposition des faits, blablabla, type retrouvé mort, blablabla, besoin de témoins, blablabla... et si j'ai déjà pu observer un paquet de réaction chez beaucoup de gens, celle de Lindberg est de loin la plus surprenante.

” Merde alors ? On dirait que ça vous en touche une sans faire bouger l'autre, vous ne deviez pas beaucoup l'estimer. “

J'inscris ça sur mon carnet dans la colonne des infos à charge. Tant pis pour lui, sa réaction a beau avoir l'air sincère, ça ne le disculpe absolument pas. Pourtant, j'observe une réelle surprise sur son visage, un écarquillement des yeux et un relâchement des traits typiques des gens qui ne mentent pas sur leur étonnement. Il a donc l'air sincère, mais... l'info lui fait aussi peu d'effet que si c'était à moi qu'on l'avait annoncé. L'espace d'un instant, je reste silencieuse et fixe son visage. Aurais-je rencontré quelqu'un qui, comme moi, ne comprends pas vraiment les émotions et les conventions humaines ? C'est d'autant plus surprenant qu'il se rattrape en me faisant croire qu'il est choqué. À d'autres, tiens !

” Pour quelqu'un que ça n'a pas eu l'air d'émouvoir tout à l'heure, je vous trouve gonflé. Je suis flic, c'est normal que je suis « à l'aise avec le concept », sinon j'aurais fait une dépression depuis longtemps. Faites pas celui qui est ému... “

À l'aise avec le concept... c'est con mais je me suis sentie jugée et attaquée par cette remarque, alors même que j'accepte depuis seulement quelques mois l'idée de ne pas comprendre les raz de marée d'émotions qui touchent certaines personnes. Qu'est-ce que j'y peux, si le mauvais coup que j'ai pris à la tête m'a rendue bizarre ? Sans m'en rendre compte, je me mets à tapoter sur le bord du bureau, en rythme avec elle, comme si nos nervosités respectives étaient le reflet l'une de l'autre. Les deux faces d'une même pièce, séparées par un simple panneau de bois, 5 années d'absence et... une mémoire en lambeaux dans mon cas. Je le laisse donc poursuivre, sans perde une miette de ce qu'il dit jusqu'à plisser les yeux, méfiante. Nous savons tous les deux ? Pourquoi est-ce qu'il me dit ça sur le ton de la confidence ? On ne se connaît pas, après tout... Bah... tu te fais des idées et tu vois le mal partout, Anya.

En revanche, s'il y a bien une chose qui me surprend vraiment depuis le début de notre entrevue, c'est ce tas de dossiers qu'il sort d'un tiroir et pose sur la table. Alors ça... on ne me l'avait jamais faite ! Soit il fait très mal son boulot, soit il a une idée derrière la tête, ce con !

” Vous êtes le type le plus étrange que j'ai jamais vu, vous... habituellement, les gens paniquent quand ils me voient arriver parce que même s'ils sont innocents, ils se sentent coupable. Vous, ça vous passe tellement au-dessus que vous êtes prêt à me filer des données confidentielles de votre entreprise alors que je n'ai même pas de mandat. Alors deux solutions. Soit vous vous en foutez que votre patron soit inquiété, et ça c'est dommage parce que ça pourrait vous retomber dessus, soit vous savez pertinemment qu'il n'y a que du vent dans vos dossiers et que je vais juste perdre du temps en les lisant. Ou alors vous êtes con, c'est vous qui voyez. “

Je me laisse aller contre le dossier du fauteuil, jette un œil à la page criblée de notes sur le bureau et constate que j'ai toujours le même souci de graphie : celui Matthew, entre mes membres amochés et mon cerveau, j'ai l'écriture d'une enfant de primaire.

” C'est moi qui pose les questions, ici. J'ai peut-être des pistes, je n'en ai peut-être pas, de toute manière, votre boss n'a pas à le savoir. En revanche, si vous pouviez me donner son nom, histoire que j'aille l'interroger lui aussi, ça me serait bien utile ! “

Je reprends mon stylo, prête à noter le nom du type en question. Quant aux dossiers, je les tire vers moi. Je vais refiler ça à la bleusaille, ça les occupera une demi-journée, même si ça ne sert finalement à rien. Faisant cliquer mon stylo dans un geste nerveux et horripilant, je relève les yeux vers Lindberg.

” Je ne sais pas si vous cachez quelque chose ou si vous êtes juste mentalement limité, mais y a un truc pas net dans votre façon de vous comporter. Donc je vais vous l'demander une seule et unique fois. À quoi vous jouez ? “

Si toutefois il joue... je ne suis déjà pas réputée pour être aimable en temps normal mais là... il me stress, ce con. Il me stress et ce que je ne vois pas, c'est que mes mots, mes actions et mes réactions le stressent plus encore. Alors, quand je porte la main à ma ceinture, près de mon arme, dans le but de saisir mon téléphone, je dois surtout donner l'impression que je m'apprête à le menacer et non simplement à regarder l'heure qu'il est.
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Andreï S. Rostov
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyDim 7 Avr - 23:52

 
May we meet again

 
Plus les secondes s’effritent sous mes doigts, piétinées par mes battements de cœur qui résonnent à mes oreilles, plus je prends toute la mesure de la situation. Anastasia est devant moi. Anastasia est vivante. Anastasia est flic. Anastasia me regarde, me parle, identique à elle-même et pourtant si différente. Anastasia joue avec moi, comme un chat avec une souris, comme un prédateur avec un rat isolé. Anastasia, la traitresse. Anastasia, la parjure. Anastasia, ma moitié. Plus les secondes se cassent et se brisent en éclats sur le sol, plus je m’enfonce dans un marécage et des sables mouvants - émouvants - qui attirent ses moqueries (arrêtez de me mater qu’elle me bave) et son agacement. A quoi tu joues, Anya, à quoi on joue, où est-ce qu’on va comme ça et plus que tout qu’est-ce que tu me veux, putain ? Me tuer, me faire tomber, faire exploser les Rats en plein vol, les exposer en plein jour, remuer la vase et les égouts pour les noyer et les faire sortir de leurs cachettes, terminer ce que tu as commencé il y a je ne sais même pas combien d’années ? J’oscille, je vacille, je chancèle sur le fil tendu de la colère et de la désillusion. J’ai envie de vomir. Vraiment, j’ai le cœur au bord des lèvres des échos incessants de notre dernier face à face. Je t’aime, Anya, que je lui avais bavé. Putain, mais quel con. Elle le sait, elle le sait en plus. Je sais pas si elle s’en souvient, je peux même pas affirmer qu’elle l’a entendu, mais rien à foutre, je le lui ai dit. Et elle le sait. Et je mettrais ma main à couper qu’elle en joue, qu’elle s’amuser à me pousser à me demander où elle veut en venir avec cette mascarade de la petite flic proprette qui vient juste poser des conneries de question. Venons-en aux faits. Ouais, je veux bien, avant que ta petite comédie ne vole en éclats et qu’on en vienne aux vrais faits, aux seuls faits qui importent vraiment.

Comme ta trahison, par exemple. Qui n’est pas expliqué cinq ans après, qui n’est pas explicable. Qui l’est bien trop aussi. Tu aurais pu être à sa place, Dreï, que j’ai parfois tendance à me dire. Après tout, on était deux à détourner des fonds, on était deux à prévoir de disparaître, on était deux à… elle a été la seule à me planter un couteau dans le dos en essayant de vendre mon nom. Mes mains se crispent, j’essaye d’écouter. Le cadavre de Samuel Smith. Ah. Ah ben merde alors. Ma réaction n’est peut-être pas celle à laquelle elle s’attendait, mais c’en est une. Je suis surpris, ouais, vraiment. « Merde alors ? On dirait que ça vous en touche une sans faire bouger l'autre, vous ne deviez pas beaucoup l'estimer. » Je lève les yeux au ciel. Retiens de justesse le tu sais quoi ? ta gueule que je lui aurais craché cinq ans plus tôt. Elle joue à la flic, moi je joue à être Mikkel Lindberg et Georg me fait confiance pour ne pas tout faire merder, je ne peux juste pas être moi. Je suis Mikkel. Je ne suis pas très expansif que j’argumente, avant qu’elle n’insiste avec ses questions à la con et sa suspicion tout aussi chiante. Fais pas genre, Anya, fais vraiment pas genre, on sait tous les deux ce que tu as en tête…

Des ennemis, des personnes qui pourraient lui en vouloir, tu agites le cadavre sous mon nez pour faire sortir les charognards que sont les rats, c’est ça ? Que j’arrête de regarder ? Te fous pas de ma gueule Anya… tu sais très bien qu’en dix ans, je n’ai jamais su détacher mon regard de toi… Plus ça va, plus la colère enfle et plus le contrôle que j’ai sur elle s’amenuise. Garder le contrôle, mais garder aussi la colère sans pour autant flancher devant l’envie pressante de lui demander des explications. Un équilibre à trouver que je ne sais pas trouver, une précision d’horloger dans mes sentiments, moi qui j’ai jamais véritablement su les gérer. Bordel que je suis mal barré. Et là voilà qui rajoute une couche, comme quoi faut que j’arrête de la fixer. Mais ta gueule, putain. Je me love dans une hypocrisie naturelle, un rôle qu’on me demande de jouer et que je sais jouer. Elle veut me faire craquer, je refuse de lui donner cette satisfaction. « Pour quelqu'un que ça n'a pas eu l'air d'émouvoir tout à l'heure, je vous trouve gonflé. Je suis flic, c'est normal que je suis « à l'aise avec le concept », sinon j'aurais fait une dépression depuis longtemps. Faites pas celui qui est ému... » J’hausse les épaules. Chacun sa manière de gérer ses émotions. Et mes lèvres se tordent dans un sourire gêné, le sourire de celui qui veut s’excuser de ne pas avoir réagi de manière conventionnelle, qui ne sait pas s’il doit s’excuser ou juste demander à l’autre d’avoir deux sous de jugeote, le sourire du malaise, le sourire du peu importe ce que tu en penses, moi je sais ce que je dis ; le genre de sourire que j’ai appris à faire sans avoir à réfléchir. Jouer un rôle, c’est une seconde nature. Anastasia ne peut pas l’avoir oublié en cinq ans, elle sait qu’on a été éduqué au même endroit, par les mêmes personnes. Même en me sous-estimant, elle ne devrait pas se dire que c’est ça qui va faire voler en éclats ma couverture, tout de même, non ? Je la fixe – puisque ça la dérange, autant continuer – tout en réfléchissant à la suite, tout en laissant mes mains extraire d’un tiroir qu’elles ne connaissent pas, des dossiers qu’elles ne connaissent pas, mais qui ne sont là que pour faire figuration.  

Du vent. C’est du vent que je dépose, en même temps que mes propos. Du vent, du vent qui souffle dans deux sens différents. Ne me sous-estime pas, Anya. T’as peut-être été capable de totalement me leurrer, je refuse que ça recommence. J’inspire. Ma loyauté va à Georg. Je suis un Rat. Je ne m’attache pas. Et je refuse d’admettre que je n’ai qu’une envie : l’embrasser tout en lui plantant trois balles dans la poitrine. Une envie qui s’accentue lorsqu’à mes doigts qui pianotent sur la table dans ce langage codé qu’on avait inventé répondent les siens. Mélodie miroir, mouvement identique. Il faut que je garde le contrôle, tape ma main droite. Respire fort et détends toi, qu’elle me répond. Elle pourrait tout aussi bien rajouter Tu es pathétique que ça serait la même chose. Anya joue avec mes nerfs. Elle veut faire sortir le monstre, ça commence à me paraître assez clair et, pire que tout, ça lui ressemble tellement que ça ne m’étonne juste de ne pas l’avoir compris plus tôt. Envoyer ses hommes pour me prendre par surprise et me faire surréagir, mentionner à mots couverts les Rats, Georg, se jouer de mon absence d’empathie, faire sortir la chaîne du collier que je lui ai offert et maintenant répondre au message que je tape sur la table, avec moquerie et ironie, comme pour me faire comprendre que ce sera forcément vain et que je vais craquer à un moment ou à un autre. Il y a ce qui me semble désormais être une éternité, elle m’envoyait ce message quand je commençais à m’approcher dangereusement du point de rupture, piqûre de rappel, réflexe acquis par l’expérience. Mais aujourd’hui… le rythme de mes doigts bascule, va te faire foutre tapent-ils au moment même où elle reprend.  

« Vous êtes le type le plus étrange que j'ai jamais vu, vous... habituellement, les gens paniquent quand ils me voient arriver parce que même s'ils sont innocents, ils se sentent coupables. » Et alors ? « Vous, ça vous passe tellement au-dessus que vous êtes prêt à me filer des données confidentielles de votre entreprise alors que je n'ai même pas de mandat. Alors deux solutions. Soit vous vous en foutez que votre patron soit inquiété, et ça c'est dommage parce que ça pourrait vous retomber dessus, soit vous savez pertinemment qu'il n'y a que du vent dans vos dossiers et que je vais juste perdre du temps en les lisant. Ou alors vous êtes con, c'est vous qui voyez. » Mes doigts s’immobilisent. Garde le contrôle. Je m’avance légèrement sur le bureau, avec un sourire tranquille, dangereusement rafraîchi par mes prunelles immobiles. Qu’elle ose mentionner Georg et remettre en question ma loyauté envers Georg alors que c’est elle qui l’a trahi, et que c’est elle qui m’a contraint à m’en prendre à elle pour regagner la confiance de Georg, qu’elle ose le mentionner une nouvelle fois et une nouvelle fois encore remettre en question ma loyauté et je lui arrache la gueule. Il y a une autre option que tu négliges. Je peux aussi ne pas être le clampin que tu me penses être et avoir suffisamment la confiance de mon employeur pour qu’il me sache capable de sortir des informations confidentielles quand je le juge nécessaire. Tu entends ça, traitresse, tu m’entends ?

Je suis toujours le Petit Prince des Rats, quand Georg en est le roi. Je suis celui qui a désormais sa confiance, je suis celui qui le seconde, je suis celui à la tête des discussions et des entrevues pour les contrats, je suis à la tête de l’Europolis des rongeurs. Tu entends ça, Anya ? Je suis peut-être pas très futé sur bien des plans, je suis peut-être même con, mais je ne suis pas un vulgaire pécore. Je ne suis pas rien. Je ne suis pas brisé, je ne suis pas dysfonctionnel comme tu peux sembler le croire, comme Hermès le pense, comme Georg en est convaincu. Je peux me débrouiller seul, sans toi, Anya. Je suis le Prince des Rats. Et toi, tu es une traite. Mes yeux se durcissent, mon regard veut lui dire ça, glacier brûlant de la colère que je contiens à grand peine. Je te hais, Anya, je te hais pour m’avoir trahi, pour m’avoir forcé à te tuer, pour m’avoir planté un couteau dans le dos, pour m’avoir abandonné. Je te hais, et parce que je suis Mikkel Lindberg et pas Andreï Rostov, je te souris avec patience et bienveillance en lui réclamant des informations supplémentaires pour mon supérieur.

Va te faire foutre. ” C'est moi qui pose les questions, ici. J'ai peut-être des pistes, je n'en ai peut-être pas, de toute manière, votre boss n'a pas à le savoir. En revanche, si vous pouviez me donner son nom, histoire que j'aille l'interroger lui aussi, ça me serait bien utile ! Je ne sais pas si vous cachez quelque chose ou si vous êtes juste mentalement limité, mais y a un truc pas net dans votre façon de vous comporter. Donc je vais vous l'demander une seule et unique fois. À quoi vous jouez ? » Je me force à me laisser aller contre le dossier de mon fauteuil, qui se fend d’une légère rotation pour l’occasion. Mon arme glissée sous ma cuisse au moment où je me suis assis, vieux mouvement réflexe que je fais sans réfléchir désormais, a quelque chose de rassurant. Les propos d’Anya, eux, se contentent d’être de plus en plus irritant. Et que fait le rat quand il se sent menacé ? J’en sais foutrement rien, je suis pas vétérinaire, mais en tout cas, moi, j’attaque. Avec les armes que j’ai le droit d’employer : celles de Mikkel Lindberg. Permets moi de remettre les choses au clair. J’ai été patient jusque-là mais ne prenez pas ma patience pour de la naïveté. Moi, naïf ? merci bien. Et patient, je ne vais pas l’être bien longtemps. Anya, tu veux jouer à la flic enquêtrice ? Et bien moi, je joue au consultant blablabla. Vous débarquez aux aurores ou peu s’en faut sans mandat, sans la moindre légalité, vous saccagez mon salon, alors que je coopère avec bonne volonté depuis le début. Et parce que je coopère, tu te permets d’encore exiger de moi toujours plus ? Le nom de mon employeur, il te suffit de faire tes devoirs pour le savoir. A quoi je joue ? Je joue à la personne qui vient d’apprendre qu’un de ses récents collaborateurs a été assassiné et qui voulait agir de bonne foi. Mais vu le manque de reconnaissance, je vais vous orienter vers les avocats de l’entreprise, ce que j’aurais dû faire plus tôt.. Et puis, tu commences à me gonfler avec ton petit jeu.

Je ne suis pas un traitre. Je ne cracherai pas le prénom de Georg et tu le sais : le seul employeur que tu pourras demandé sera dissimulé derrière une armée d’avocats verreux qui t’enverront chasser Baba Yaga et le Dahu de l’autre côté de l’Europe. Sans compte qu’Anya n’avait aucune raison de vouloir retrouver Georg.

Mes doigts retrouvèrent sans que je ne le prévoie la surface du bureau. Casse-toi. Si Georg te voit, il te tuera. qu’ils tapent, à un rythme inégal. Je garde de mon côté les yeux rivés sur elle. Je sais pas à quoi tu joues, Anya, mais c’est un sacré jeu de con que de vouloir t’en prendre frontalement à Georg de cette manière. Je t’ai laissée pour morte, je pensais pas que tu laisserais de ton côté tout ton instinct de survie.

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Anastasia Chostakovitch
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyLun 8 Avr - 23:10

May we meet again...

Je ne suis pas très expansif, qu'il me dit, le blondin... no shit, Sherlock ! Il est tellement avare de mots et d'émotions que j'ai l'impression de parler à un bloc de granite. Et je ne dis pas ça uniquement à cause du fait qu'il est taillé comme une armoire à glace. Étrange pour un simple négociant, quand j'y pense... mais bon, ça ne dois pas être bien important, au final. Et bon sang, qu'est-ce qu'il a à me regarder comme ça ? Y a une rage et une colère qui bouillonnent dans son regard, quelque chose dans l'azur de ses yeux qui se change en acier à mesure que les minutes s'écoulent. Habituellement, le regard haineux des types que j'interroge ne me fait ni chaud ni froid mais là... je me sens bizarre. Perturbée. Mal à l'aise. Et avant que je n'ai le temps de réaliser que c'était une très mauvaise idée de foutre mes gars à la porte, je me rends compte d'une chose : j'ai peur. Ce type me fait peur. Mais pourquoi ? Il n'est pas plus terrifiant ni plus impressionnant que les autres, la peur n'a rien à faire là et je m'agace de ne pas comprendre. Je ne suis pas quelqu'un de peureux et j'aimerais que mon cœur cesse de battre la chamade comme s'il craignait à tout moment de voir Lindberg se changer en croquemitaine. Mikkel Lindberg, Mikkel Lindberg... décidément, son nom ne me dit rien, mais je le griffonne dans un coin de mon carnet pour ne surtout pas oublier de me pencher sur son cas une fois que je serai retournée au commissariat. Et puis chacun sa manière de gérer les émotions ? Il me fait rire, ce con... il a l'air de gérer les émotions aussi bien que moi, c'est à dire pas du tout. Les émotions, je me torche avec, et je suis polie. Un type est mort ? M'en fous, c'est pas mon problème. Et bien lui, il a l'air de gérer ça de la même manière. Si sa réaction m'agace, je me contente de pincer les lèvres et me tais, tandis que mes doigts se mettent à tapoter en rythme la surface boisée du bureau. Sans que je m'en rende compte, ils adoptent un ritournelle bien précise, une formule rythmique qui n'est pas dénuée de sens mais qui m'échappe car je n'y fais pas attention.

Mais lui... lui, il comprend tout. Parce que lui, Andreï, il a connu Anastasia, il sait qui j'ai été, il connaît celle qui dort au fond de moi et que je n'arrive pas à réveiller. Il connaît cette Anya parce qu'il l'a aimée, parce qu'il l'a traquée, parce qu'il l'a tuée. Morte et enterrée. Ce qui reste de cette Anya, c'est une coquille, occupée actuellement par une remplaçante qui ne lui arrive pas à la cheville. J'ai les réflexes d'Anya, sa souplesse, sa rapidité, ses talents de combattante mais j'ai perdu en stratégie, mon instinct de survie est aux fraises et surtout, son instinct meurtrier a été anéantit. Suis-je encore cette Anya ? Si je savais qui elle est, je me poserais sûrement la question. Par moments, j'ai envie de retrouver la mémoire, de savoir qui je suis, et puis par d'autres, je suis soulagée d'être amnésique... parce que si je retrouve mes souvenirs, c'est moi qui vais mourir. Anya Stevenson n'aura plus de raison d'être si Anastasia Chostakovitch reprend le dessus, c'est aussi simple que ça. Mes doigts s'agitent, transmettent à Lindberg les vestiges d'une personnalité profondément enfouie en moi.

Et puis voilà qu'il commence à m'agacer. Il prend ses aises, commence à devenir menaçant et surtout... je rêve où il me tutoie, là ? Comme si nous étions de vieux ennemis, c'est quoi ce délire ? Pourquoi est-ce qu'il a l'air de croire que je le prends pour un clampin ? Bon ok, depuis le début, je le prends clairement pour un con. Mais il me perturbe, son discours, parce qu'il me parle vraiment comme si nous nous connaissions et ça n'a pas de sens... sauf si...

” Dis donc, mon vieux... vous allez baissez d'un ton direct, on ne se connaît pas, on a pas arpenté les rues d'Europolis main dans la main donc vous êtes gentils, vous arrêtez de me tutoyer, c'est clair ? “

Et pourtant si. On les arpentées, les rues d'Europolis. Plus d'une fois. Et main dans la main qui plue est. La tension monte, je commence à m'énerver et lui aussi, ça se sent. Mes doigts pianotent de plus en plus frénétiquement sur la table, jusqu'à ce que je récupère mon stylo pour ne plus m'acharner sur ce pauvre bureau. Je me laisse aller contre le dossier du fauteuil et le fixe avec un air de défi. À quoi est-ce qu'il joue, bon sang ? C'est quoi, son problème, à ce type ? Et voilà qu'il se laisse à son tour aller contre le dossier du siège, dans une parfaite copie de la posture que j'adopte actuellement. N'importe qui d'observateur verrait trop de similitudes dans nos comportements respectifs pour ne pas trouver ça suspect. Moi, je me contente de m'agacer un peu plus à chaque minute qui s'écoule. Mes yeux glissent vers le dossier du siège, puis vers cette forme si caractéristique qui se profile sous sa cuisse : celle d'une arme. Ok. Les choses sont claires, tu me cherches, mec. Je relève les yeux à l'instant où il se met à parler et ne peux m'empêcher de sourire avec un air de défi évident. T'es pas naïf, mon gars. T'es con, c'est tout. Et oui, je dis ça uniquement parce que je suis vexée de ne pas le voir simplement coopérer.

” Ok, mon vieux. Tu veux pas jouer comme ça ? Très bien. Le mandat, à l'heure qu'il est, il est en route, c'est juste compliqué de faire lever un juge aux aurores, comme tu le dis si bien. Arrête de me raconter des conneries, depuis tout à l'heure tu t'énerves, ça monte crescendo et t'as l'air de m'en vouloir pour une raison que j'ignore. T'as des problèmes avec les flics ? Tant pis pour ta gueule. Mais si tu continues à me chauffer, je t'embarque et t'iras répondre à mes questions depuis une vraie salle d'interrogatoire, c'est clair ? T'inquiète pas, le nom de ton employeur, je le trouverai avec ou sans ton aide. “

Et sans demander mon reste, je me lève, prête à partir. Un geste qui pourrait répondre à la mise en garde qu'il tapote sur le bureau, qu'il doit même interpréter de la sorte, mais que je n'ai pas pourtant pas remarqué au départ. Ce n'est qu'en me penchant pour récupérer les dossiers que je remarque son petit manège. Comme hypnotisée, je fixe ses doigts, qui répète inlassablement le même rythme comme un glas sonnerait l'heure fatidique. Je le fixe, incapable de détourner les yeux et, au son mat et sourd que produisent ses doigts sur le bois répond celui, violent et suivi d'une intense réverbération de l'hallucination auditive qui me prend soudain. Ça s'impose à moi que ces flashs que j'ai parfois, ça résonne dans ma tête et j'entends alors plus que ça. Ça tape, ça tape, je grimace et en perds l'équilibre, à tel point qu'il me faut m'agripper au dossier du fauteuil pour ne pas tomber.

” Arrêtez ça... “

Mais ça continue, ça tape, et ça tape, c'est assourdissant, j'en ai envie de vomir.

” ÇA SUFFIT ! “

J'ai le cœur qui bat à tout rompre dans ma poitrine, l'estomac au bord des lèvres et les yeux d'une folle. Je les déteste, ces moments où mon passé semble ressurgir. À chaque pièce qui s'ajoute, le puzzle devient plus complexe mais cette fois, j'ai compris une chose. J'ai compris la signification de ce qu'il s'est obstiné à tapoter sur le bureau.

” Qui est Georg ? “

Et dans mes yeux, on ne peut s'y tromper : ce n'est pas de la comédie ni de la provo, mais bien de la terreur et une incompréhension comme Andreï n'a jamais dû en voir dans mon regard.
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Andreï S. Rostov
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptySam 27 Avr - 13:36

 
May we meet again

 
Pas très expansif. En le disant, j’ai intérieurement le rire jaune de celui qui sait qu’il est en train de raconter une connerie. Pas très expansif… un sacré foutage de gueule quand on sait à quel point j’excelle lorsqu’il s’agit de gérer mes émotions, de contrôler mes réactions. Pas très expansif, si je n’avais pas tant conscience de ce qui est en train de se jouer, si la colère ne m’aidait pas - pour une fois - à garder les idées claires et une lucidité effrayante, je serais déjà parti dans un violent éclat de rire. Pas très expansif ? Non, juste complètement détaché face à la mort d’un mec lambda. Que l’autre soit crevé, ça me surprend sincèrement et ça me fait tout aussi sincèrement chier, ça c’est certain. Mais est-ce que je vais pour autant partir dans des sanglots hystériques ? Non. En revanche, virer complètement berzerk, ça, c’est une possibilité. Mes doigts s’agitent sur la table à un rythme régulier, qu’elle imite pour mieux me provoquer. Garde le contrôle, me soufflent mes doigts. Respire fort et détends toi, qu’elle me répond. Mon regard se durcit, sous le rappel. Mes muscles se contractent, ma respiration se complexifie sous la contrainte que j’exerce sur elle, pour qu’elle reste mesurée. Est-ce qu’Anya se rend compte de toute l’énergie que je déploie pour rester calme, pour conserver l’apparence posée et tranquille de Mikkel Lindberg, est-ce qu’elle se rend compte qu’elle est à deux doigts de gagner ? J’en mettrais ma main à couper. Sinon comment expliquer qu’en face, elle enfonce le clou ? Je vois clair dans son jeu, je la connais aussi bien qu’elle me connait, malgré les années. Et malgré les années, également, je ne lui ai pas pardonné. Sa mort - pas si définitivement que ça - n’aura pas suffi pour que je lui pardonne ; cinq ans n’ont pas été suffisant non plus.

J’ai envie de la prendre dans mes bras tout autant que de lui tirer une balle dans le bide, à bout portant. Respire fort et détends-toi s’agitent ses doigts. Je n’ai même pas besoin de les regarder pour les entendre et le rythme qu’ils imposent, les battements qui heurtent le bois du bureau, encore et encore, résonnent dans mes tempes comme des tambours moqueurs. Ils ont le son d’une ritournelle vieille de cinq ans. Dix ans. Quinze ans. Ils ont la mélodie d’un air qu’on sifflait à deux. Ne pas s’attacher, j’ai payé cher ma désobéissance à Georg et je n’ai pas encore fini de rembourser la dette de sang qu’elle a créée, putain. Quand je la regarde, j’entends son éclat de rire, je sens mes doigts découvrir le grain de sa peau, je la vois danser, flinguer un mec, manipuler des cons, je la vois soupeser un flingue avec un sourire satisfait. Quand je la regarde, j’ai l’impression de la voir sans la voir. De la reconnaître sans la reconnaître. Tout est tâché d’une trahison, tout est perverti par ce qu’elle m’a caché. Je vois le cadavre d’Anastasia, je vois une inconnue. Mes yeux se durcissent, je lutte pour garder le cap, désespérément. Garder mon calme, garder le cap. Andreï Rostov la déteste et se déteste de l’aimer encore, malgré tout ce qu’elle a fait. Mais Mikkel Lindberg doit, de son côté, défendre ses intérêts et ceux de sa société fantôme.

Et pour les défendre, il les défend. Je ravale difficilement tout ce que j’ai envie de lui cracher à la gueule dans un sourire poli, un regard menaçant. Le fauteuil grince quand je m’avance pour mettre les choses au clair. Fini de joué, Anastasia. Il gémit davantage encore quand je me laisse aller contre son dossier. La tentative de vouvoiement que j’ai pu faire tout à l’heure s’est complètement dissoute dans ma colère tout juste maîtrisée, dans la patience de Lindberg qui s’effiloche. « Dis donc, mon vieux... vous allez baissez d'un ton direct, on ne se connaît pas, on a pas arpenté les rues d'Europolis main dans la main donc vous êtes gentil, vous arrêtez de me tutoyer, c'est clair ? » Je lui renvoie un sourire crispé. Limpide que je rétorque, d’une voix chargée d’un mépris que je veux insultant. Parce qu’on les a parcourus main dans la main ces rues justement. Parce que je peux encore retrouver sans les chercher les bars qu’on a pu fréquenter à deux pendant nos différents passages dans le coin. Parce qu’on les a écumées de nuit, ces rues, dans nos fuites volées. Main dans la main, des escapades pendant lesquelles nous cessions d’être des rats pour juste être des… des… Parce qu’on s’est embrassé, à deux blocs d’ici. On ne se connaît pas. Du bout des lèvres, mépris suintant, je répète et concède un On ne se connaît pas, en effet. Mon amertume, je m’efforce de la cacher, de la ravaler, de m’étouffer avec s’il le faut mais de ne surtout pas le lui offrir. Je pensais la connaître, je pensais la connaître suffisamment pour lui faire confiance et lui confier ma vie. Visiblement, je ne la connaissais pas tant que ça.

Le fauteuil gémit une nouvelle fois, je pose un sourire mesurément agacé sur mes lèvres. Mikkel n’est pas inquiété, bien évidemment, puisque Mikkel est innocent. Mais Mikkel est également irrité et soucieux de la tournure des choses, et vexé de se voir remit en question. Je le suis également. Qu’Hermès prouve chaque jour à quel point Georg a eu raison de ne plus me confier le gros des négociations est insultant. Que Georg lui-même persiste à douter de ma loyauté et de mon entier dévouement aux rats est une plaie béante. Mais qu’Anastasia s’amuse elle-même à pointer du doigt à quel point je ne suis rien sans elle pour m’équilibrer… Ma colère est glacée, complètement sous mon contrôle pour une fois. Je ne suis pas dysfonctionnel. Je ne suis pas bancal. Ne me sous-estime pas, Anya. Je ne suis peut-être pas très futé, mais je suis dans l’illégalité depuis suffisamment d’années – depuis même toute ma vie – pour connaître mes droits sur le bout des doigts, pour savoir les limites qu’impose une soi-disant justice aux flics pour protéger des sociétés comme celle que je suis supposé représenter et qui a toute une armée d’avocats pour la protéger, pour faire diversion et pousser les pistes à se perdre dans des ramifications d’administration. Elle est venue sans mandat, je parie, et dans l’affaire, je suis la victime agressée chez elle par des flics corrompus, n’est-ce pas ?. « Ok, mon vieux. Tu veux pas jouer comme ça ? Très bien. Le mandat, à l'heure qu'il est, il est en route, c'est juste compliqué de faire lever un juge aux aurores, comme tu le dis si bien. Arrête de me raconter des conneries, depuis tout à l'heure tu t'énerves, ça monte crescendo et t'as l'air de m'en vouloir pour une raison que j'ignore. T'as des problèmes avec les flics ? Tant pis pour ta gueule. Mais si tu continues à me chauffer, je t'embarque et t'iras répondre à mes questions depuis une vraie salle d'interrogatoire, c'est clair ? T'inquiète pas, le nom de ton employeur, je le trouverai avec ou sans ton aide. »

Mes mains se plaquent sur la table. Tout son baratin sur le fait de me coffrer, je n’en ai rien à battre, je l’ai déjà battue une fois, je me sais tout à fait capable de la réduire à néant une seconde fois et de disparaître sans laisser de trace. Ce qui me retient de répondre à ses menaces par la violence, c’est la certitude qu’en détruisant la couverture de Mikkel, je ferai plus de tort que de bien aux Rats. Et à Georg. Tout son baratin, du coup, je prends sur moi pour le laisser passer avec une indifférence marquée. Pour le reste… Trouver le nom de mon employeur, c’est trouver le nom de Georg. Trouver le nom de Georg, c’est l’exposer aux yeux des flics, donner une existence à un fantôme, laisser une marque dans des archives. Et laisser une marque dans des archives, c’est créer un précédent, c’est fragiliser l’armure de son intangibilité, c’est risquer de le perdre ou de mettre des flics sur sa piste. Trouver le nom de mon employeur, c’est achever ce qu’elle a commencé il y a plus de cinq ans.

Et c’est pousser Georg à déployer ses avocats en protection, utiliser ses pions et pire que tout - à cette pensée mon cœur se serre – c’est le pousser à tourner son regard dans la direction d’Anastasia. Comme un peu plus tôt, mes doigts retrouvent la surface du bureau. S’agitent. La préviennent. La menace. Si elle trouve Georg, alors Georg la trouvera. Et si Georg la trouve… Georg saura que je ne l’ai pas trouvée, Georg la tuera et me tuera, Georg… J’ai les yeux rivés sur elle. A quoi tu joues, Anya ? Elle refuse de me regarder, fixe mes doigts. Mon rythme accélère. Devient pressant. J’entends presque mes doigts hurler ce que je veux lui dire. Casse-toi, si Georg te voit, il te tuera. Casse-toi, si Georg te voit, il te tuera. Casse-toi, si Georg te voit, il te tuera.

Casse-toi, Anya. Si Georg te voit, il… « Arrêtez ça... » il te tuera. Casse-toi, Anya, si Pardon ? J’ai un sourire tendu, mais mes yeux, eux, ne sourient pas. Casse-toi, putain, Anya ! Fuis, pars d’Europolis. Ne me fais pas tomber avec toi, ne me fais pas retomber avec ! Laisse-moi tranquille, laisse-moi retrouver la confiance de Georg, et arrête de remuer le couteau dans la plaie béante de ta trahison. Tu m’as fait déjà assez de mal, Casse-toi, hurle ma main, quand je me lève sans quitter le contact du bureau. Casse-toi, si Georg te voit, il te tuera. Casse-toi, si…

« ÇA SUFFIT ! » Son hurlement résonne dans la bureau. Je me lève complètement, mes mains s’immobilisent et mes poings se referment. Est-ce qu’elle a compris le message ou est-ce qu’il faut que j’en rajoute une couche ? Mikkel Lindberg continue à jouer le jeu. Quoi encore ? Sortez de chez moi ! mais elle n’en a que faire. « Qui est Georg ? »

J’entends son cœur battre dans sa poitrine, à un rythme affolé que même la meilleure des espionnes n’aurait pas pu simuler volontairement. Et quand je croise son regard, c’est pire encore. J’y lis la terreur à laquelle je m’attendais, mais j’y vois également une incompréhension qui n’aurait jamais dû être là. Mes sens et mon intuition sont formels. Elle ne ment pas.

Reste à savoir comment elle peut ignorer qui est l’homme qui nous a transformés tous les deux en monstre, qui nous a battus comme un forgeron bat le métal chauffé à blanc, qui nous a élevés, qui s’est placé au centre de nos vies pour qu’on ne gravite qu’autour de lui et de ses désirs. Reste à savoir comment elle peut ignorer qui est la personne la plus importante de sa vie. Reste à savoir si… Qui donc ? Ma voix tremble, n’est pas aussi convaincante qu’elle aurait dû l’être. Je déglutis avec difficulté. De quel Georg parlez-vous ? Mes poings se serrent, mes phalanges blanchissent. Vous êtes complètement démente, ma parole Si elle ignore qui est Georg…

Je retrace bien malgré moi toute la conversation qu’on vient d’avoir. Découvre ses mots et ses interventions sous un autre angle. Tu sais qui est Andreï au moins ? Mes doigts posent cette question, tapent contre ma cuisse. La mort dans l’âme.

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Anastasia Chostakovitch
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyDim 5 Mai - 0:33

May we meet again...

Je n'ai pas bien compris ce qu'il s'est passé. En l'espace de quelques minutes, notre conversation est de passée de simple interrogatoire de routine à une espèce de cauchemar que j'aurais préféré ne jamais vivre. Je me sens oppressée, j'étouffe comme si je manquais d'oxygène et des images m'assaillent de toutes parts. Je n'ai pas ressenti ça depuis tellement longtemps que j'en suis bouleversée au point que j'ai du mal à différencier le réel du cauchemars que m'imposent des souvenirs mis dans le mauvais ordre. Après mon réveil à l'hôpital, j'ai eu des flashs, des sensations, la conscience d'un passé qui refusait de remonter à la surface, et puis les jours, les semaines, les mois ont passés. Plus je guérissais, moins je me souvenais, jusqu'à ce que même dans mes rêves, les souvenirs se fassent rares. Ça ne m'empêche pas aujourd'hui de faire des crises d'angoisse en pleine nuit, mais je ne me souviens jamais de ce qui a pu m'angoisser. Le psy parle d'un mécanisme de protection que mon cerveau met en place pour empêcher le traumatisme de me noyer dans un abîme de folie. Pour lui, il faut que j'aille puiser les souvenirs les moins traumatisants pour me reconstruise, et que je laisse ceux de l'accident derrière moi, mais... il en a de bonnes, lui ! Comme si je pouvais choisir de quoi j'ai envie de me souvenir ? Je ne sais même pas comment je m'appelle ni qui sont mes parents ! Alors j'ai fini par apprendre à vivre avec tout ça, avec les amnésies récurrentes, les petites pertes de mémoire qui me prennent régulièrement mais que j'arrive à combattre, et j'ai fait une croix plus ou moins définitive sur le reste.

Jusqu'à aujourd'hui. J'ai des images, des sons, des odeurs qui m'assaillent, une tornade incontrôlable qui se saisit de moi et bientôt, je me retrouve à trembler, incapable que je suis de bouger d'un iota. J'ai les yeux rivés sur les doigts de Lindberg qui dansent sur le bureau, des doigts qui, par je ne sais quel magie, répètent inlassablement « Casse-toi, si Georg te voit, il te tuera ». Mais qui est ce Georg ? Pourquoi ai-je si peur et à ce point envie de fuir lorsque je lis ce nom dans le code rythmique qu'il martèle sur le bureau ? Ai-je connu un Georg qui m'aurait fait du mal ? Peut-être est-ce lui, l'inconnu qui m'a réduite en bouillie ce jour-là ? Mais si c'est le cas... et si ce que Lindberg tapote n'est pas un pur hasard mal interprété par mon cerveau malade... pourquoi est-ce que j'arrive à le comprendre ?

Je relève les yeux, fixe ceux de Lindberg et y cherche des réponse. J'imprime chaque trait de son visage, de la barbe naissante qui lui couvre le menton au bleu de ses yeux, et finis par le trouver familier. Comme si ce n'était pas la première fois que je le voyais. Est-ce qu'on se connaît, lui et moi ? Ou est-ce que j'hallucine, encore une fois ? Le martèlement de ses doigts résonne en un bourdonnement sourd dans mes oreilles, les flashs m'aveuglent et j'entends alors des rires, des phrases prononcées en russe mais avec tant d'écho que je n'en saisis pas le sens. Il y a deux silhouettes qui déambulent dans les rues d'une grande ville, près d'un cours d'eau. Deux personnes qui rient, s'enlacent et s'embrassent, puis un nouveau flash. Une silhouette qui fait face à une autre, prostrée au sol. La même voix, la même intonation qui résonne, des suppliques et des larmes, et puis un coup de feu qui me fait sursauter. Quelqu'un est mort. La silhouette soupire, se tourne vers l'autre, s'en approche... et nouveau flash. La première silhouette est au sol, la seconde hurle au-dessus d'elle en frappant, encore et encore... et c'est le noir total.

Lorsque les flashs cessent, j'ai l'impression que mon cœur va s'éjecter de ma poitrine, je me retiens difficilement au dossier du fauteuil et je sens ma gorge s'assécher à chaque respiration sifflante. Qu'il arrête... faites qu'il arrête, bon sang ! Alors je hurle, le supplie d'arrêter et lui se met sur la défensive, se lève et m'ordonne de partir mais je suis figée sur place, incapable de faire le moindre pas. Qui est Georg ? Pourquoi ce nom m'est-il familier alors même que je ne connais pas le moindre Georg dans cette foutue ville ? Il me traite de démente... peut-être le suis-je, en effet. En tout cas, c'est l'impression que je dois donner, avec mon regard affolé et ma respiration d'asthmatique. Quelque chose ne va pas, je suis de plus en oppressée et l'oxygène commence à me manquer. Qui est ce putain de Georg, bon sang ? Je baisse à nouveau les yeux, fixe ses doigts... ils ont changé de rythme. Pendant un instant, je me dis que j'ai simplement dû rêver mais après trois occurrences identiques, j'en comprends le sens : Tu sais qui est Andreï, au moins ?

Andreï ? C'est qui, ça, encore ? Andreï, Andreï... je me répète le nom en boucle, cherche à le lier à Georg mais me rend vite compte qu'il ne m'évoque pas la même chose. Là où c'est une peur viscérale qui me saisit à l'évocation de Georg, c'est un étrange mélange de tendresse et de colère sourde qui m'engloutit lorsque je songe à Andreï. C'est stupide... on ne peut pas avoir de l'affection pour quelqu'un et avoir envie de le frapper... Bon sang, mais qui est Lindberg et pourquoi est-ce que ses gestes me mettent si mal ? Quand je relève les yeux vers lui, une larme roule sur ma joue. Pas parce que j'ai peur, pas parce que j'ai mal. Mais parce que mon corps réagit au chagrin qu'éprouve celle que j'ai été, celle à qui je refuse la parole depuis cinq ans.

« Je... je ne sais pas... je ne sais plus... Andreï, je... je ne me souviens pas qui... », je marmonne en russe sans m'apercevoir que je suis passée d'une langue à une autre.

Un nouveau flash me fait grimacer et à nouveau, je revois les deux silhouettes l'une au-dessus de l'autre. Celle du dessus a finit de frapper, l'autre ne bouge plus. Et au milieu d'insupportables échos, je perçois quelques mots : « Je t’aime, Anya, mais t’aurais jamais dû faire ça. » Anya... est-ce vraiment un souvenir ? Tout tourne autour de moi, mes jambes tremblent et, tandis que je m'accroche désespérément au fauteuil, je baragouine quelques mots.

« Qu'est-ce que vous m'avez fait ? »

Et silence radio. Le noir se fait autour de moi, je n'entends qu'un bruit sourd lorsque je m'effondre au sol, inconsciente. J'ai l'impression qu'on perce mon crâne avec des aiguilles chauffées à blanc... faites que ça s'arrête !
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Andreï S. Rostov
Andreï S. Rostov
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyLun 6 Mai - 10:53

 
May we meet again

 
J’ai un don pour savoir quand quelqu’un ment. Plus qu’un don, même, parce que ça ne laisse jamais la moindre place à un quelconque doute. Je sais quand quelqu’un ment. Je le sais, je l’entends, je le sens. Et Anastasia, bordel, je la connais suffisamment bien pour le lire dans ses yeux. Elle arrête de jouer à ce jeu de cons qu’elle tenait à mener, elle entend ce que mes doigts lui hurlent, elle comprend ce que je lui dis et en même temps, elle ne comprend pas. Qui est Georg ? Mais c’est quoi encore cette connerie, Anya ? Depuis quand tu ne sais pas qui est Georg, depuis quand tu as oublié jusqu’au nom de notre créateur, à tous les deux, jusqu’au nom de celui qui a fait de nous ce que nous sommes, le nom de notre axe de gravité, le nom de celui vers qui devait aller ta loyauté, le nom de celui que tu as trahi, quand tu m’as trahi. On se fait face, comme des cons. Ses cris, les miens, Mikkel Lindberg garde le cap mais moi… Putain Anya, qu’est-ce que tu me fais ? J’ai du mal à parler, j’ai du mal à articuler. Elle ne ment pas quand elle me demande qui est Georg. C’est une vraie question, je l’entends, je l’entends si fort que je suis bien incapable de ne pas l’entendre, que même si je le voulais, je ne pourrais tout simplement pas arrêter de l’entendre. Ca suffit Ca suffit quoi ? Le silence, la colère, ce double-discours qu’on mène tous les deux, cachés derrière nos couvertures, nos mensonges, nos identités ? Ca suffit quoi, Anya ? Toute cette comédie ? Et bien oui, ça suffit. J’ai le cœur qui bat dans ma poitrine, qui veut arracher ma cage thoracique pour se barrer de l’autre côté de la Terre, comme on était supposé le faire. Tu t’en souviens, de ça, Anya ? Tu te souviens de nos plans, tu te souviens de nos objectifs, loin de Georg ? Tu te souviens de nos rêves, de ces rêves qu’on n’assumait même pas ? Tu t’en souviens, d’eux ? Non, forcément. Si tu as oublié Georg, alors tu as oublié ça, tu as oublié tout ça. Après tout, tu les as oubliés quand tu as voulu me livrer aux autorités, quand tu as voulu disséquer et démembrer notre univers.

Mais nos nuits ensemble, nos dix ans passés à s’apprivoiser, passer à s’apprendre et se comprendre, à se faire confiance, tu ne les as pas oubliés quand même, hein ? Tu n’as pas oublié mes lèvres, mes regards, ma loyauté absolue – presque absolue – tout de même. Tu n’as pas oublié nos entraînements, nos blessures, nos privations, tout ce qu’on a subi et supporté ensemble, tu ne l’as pas oublié ça, j’espère ! Si, forcément. Tu as oublié tout ça. Parce que si tu as oublié Georg, comment pourrais-tu te souvenir de ça, des années où il était autour de nous, à l’origine de tout, maître et dieu unique de nos vies ? Si tu ne te souviens pas de Georg, alors tu ne te souviens pas de tout ça.

Mais de moi, tu te souviens de moi ? Tu peux avoir oublié nos projets, tu peux avoir oublié nos hésitations, tu peux avoir oublié notre vie complète, mais moi, tu te souviens de moi, Anya ? Tu te souviens d’Andreï ? Quand mes doigts changent de rythme, sur ma cuisse, continuent de s’agiter mais sur un rythme différent, j’ai la poitrine nouée. Et je commence à avoir peur. A être terrifié. A reprendre la conversation, les yeux ouverts. Tu sais qui est Andreï au moins ? Est-ce qu’elle se souvient du mec qui l’aimait, du mec qu’elle a trahi, du mec qui l’a tuée ? J’en ai rien à foutre de la voir se décomposer en face de moi. Rien à foutre de la discussion abandonnée, des charges abandonnées, de Smith qui est mort et du bordel qu’on va devoir nettoyer, des avocats qu’on va devoir déployer, des heures sup qu’Hermès va devoir faire. J’en ai rien à foutre de tout ça. Je veux juste une réponse. Mikkel donne le change, mais moi, je veux une réponse. Juste ça. Elle ne bouge pas. Ses phalanges sont blanches, crispées sur le dossier du fauteuil. Les miennes ne sont guère mieux. Une main qui parle, l’autre qui se serre, qui se ferme sur un poing prêt à frapper, prêt à noyer la tension qui se déploie dans mes muscles et me pousse sur la brèche.

Silence. Seuls mes doigts s’agitent. Seul son cœur continue de s’affoler. Ce n’est jamais totalement silencieux autour de moi. Silence. Et finalement, elle relève la tête. J’ai envie de vomir quand je me rends compte que cette larme qui coule sur sa joue, j’ai envie de la cueillir, de la faire disparaître. Quand je me rends compte qu’à la voir aussi… vulnérable, je suis incapable de la haïr, je suis incapable de la détester, même après ce qu’elle m’a fait. « Je... je ne sais pas... je ne sais plus... Andreï, je... je ne me souviens pas qui... » Le russe s’étire entre nous, se fait confident. J’ai envie de gerber. J’ai le cœur au bord des lèvres, ce cœur qui s’affole toujours un peu plus dans nos poitrines. J’ai envie d’envoyer valser la table, j’ai envie de prendre mon flingue, et de viser entre les deux yeux cette fois, pour achever ce cauchemar, pour que la détonation me réveille, et que je me rende compte que je suis encore affalé dans le canapé, une bière renversée imprégnant mes vêtements, maculant mes cheveux. Le hic, c’est que je suis incapable de faire le moindre geste. Le monde s’est renversé, déchiré. Je suis incapable de réfléchir. Ni même de parler. Elle grimace, encore. S’agrippe davantage à son support. Et sa voix grogne, retrouve de la hargne, cherche masquer sa vulnérabilité derrière… quoi ? Le pseudo flic qu’elle prétendait être tout à l’heure ? J’ai envie de vomir. Elle ne prétendait pas être flic. Elle se croit flic.. Non : pire. Elle est flic.   « Qu'est-ce que vous m'avez fait ? » J’ouvre ma gueule pour laisser Mikkel rétorquer vertement que je n’ai rien fait, que je ne l’ai même pas empoisonnée, qu’elle est juste conne de pas avoir pris de petit déj avant de venir défoncer ma porte parce qu’elle m’a tout l’air de faire de l’hypoglycémie, mais…

Je n’ai pas le temps d’articuler tout ça, elle n’a même pas le temps de vraiment finir sa phrase qu’elle s’effondre. Anya ? Je ne réfléchis pas. Instinct. ANYA ?! Mouvement brusque, mouvement vif, je contourne le bureau, je suis accroupi, mes doigts posées sur sa gorge, à la recherche d’un pouls que j’entends pourtant. Anya ? Merde, merde, merde… Ma respiration s’emballe, je lui fous une claque, puis deux, sans qu’elle ne réagisse. Ce n’est plus une flic, ce n’est plus une traitre. Pendant une trentaine de secondes, c’est Anya. Uniquement Anya. Anya, réponds-moi, Anya, merde, qu’est-ce que tu me fais ? Je cherche mon téléphone d’une main, l’autre refusant de la lâcher, je commence à numéroter une suite de chiffres que je connais par cœur, m’arrête alors qu’il ne m’en reste qu’un à renseigner. Qu’est-ce que je suis en train de faire, là ?

C’est une traitre. Pourquoi est-ce que je m’inquiète pour elle ? Elle ne se souvient même plus de moi, aux dernières nouvelles. Je supprime le numéro, laisse retomber mon téléphone dans ma poche, me relève doucement pour m’éloigner. L’abandonner au sol, les yeux écarquillés, les muscles tremblants. Je n’ai pas à la sauver. Ça arrangerait même les Rats que j’en profite pour régler son compte. Ça nous coûterait des emmerdes, ouais, s’il y a enquête. Ça compromettrait la société, détruirait l’identité de Mikkel, mais… sans un mot, sans hésiter, je récupère mon flingue, enlève la sécurité. Vérifie le chargeur au passage. Récupère le silencieux, que je greffe au canon. Plus simple de l’abattre maintenant. Au moins, ça me confirmerait que ma loyauté n’a pas changé, n’a pas faibli. Tellement plus simple de régler cette histoire une bonne fois pour toute. Surtout qu’elle ne se souvient pas de moi. Donc je l’ai complètement perdue. Je n’aurais jamais d’explication sur pourquoi elle m’a trahi. Pourquoi elle a trahi Georg. Pourquoi elle m’a tourné le dos, pourquoi elle m’a abandonné. J’ai une boule dans la gorge. Une nausée croissante. Ca va salir le tapis, mais on pourra s’en débarrasser facilement. Il faut juste que j’ajuste bien mon tir pour que les éclaboussures ne nous demandent pas non plus de refaire tout le parquet et de changer les fauteuils. Ou alors je me contente de l’étrangler, plus propre, moins gênant pour la suite. Mais… dans tous les cas, tuer maintenant l’agent Stevenson me compromettra, donc, pourquoi prendre toutes ces précautions ?

Les secondes passent, mon bras ne faiblit pas et dans sa continuité, il y a le canon du flingue, et la tête d’Anya. Et je n’appuie pas sur la détente.

Il faut que je la tue. Je l’ai déjà fait une fois. Je peux le refaire. Je le dois à Georg.  Je lui ai déjà failli une fois, il est hors de question que je recommence. Je ne suis pas un traître. Je ne veux pas être un traître.

Elle n’est plus rien pour moi, après tout. Pourquoi est-ce que je me cherche des excuses ? Pourquoi est-ce que je me cherche des justifications ? Mon doigt se pose sur la détente. Y reste. Fais chier !

Mon bras retombe, remet la sécurité, mon flingue retrouve sa place, dans mon dos, accessible mais pas armé. Moi, je retombe à côté d’elle, lui refous une claque. Putain, tu vas causer ma mort, connasse Rien à foutre qu’elle entende. Je vérifie une nouvelle fois son pouls, Putain…, et la prends dans mes bras pour l’amener dans ma chambre, la déposer sur le lit, et doucement replacer ses cheveux derrière ses oreilles, dégager son front, caresser les courbes de son cou pour accrocher le collier, et le pendentif qui y est accroché. Quel con… qu’est-ce que tu es en train de faire… Parler tout seul, et me foutre dans la merde, voilà ce que je suis en train de faire. Je me lève brusquement du lit, pour récupérer mon téléphone et appeler les urgences, avant d’aller me resservir un verre. Pas de la bière, non, mais quelque chose de plus fort. Quand je reviens dans la chambre, je traîne avec moi une chaise, pour la surveiller, surveiller son cœur, sa respiration. Je m’en sers de point de repère pour lâcher des jurons toutes les dix secondes.

Mes doigts tapotent machinalement sur le verre. Réveille-toi. Je t'aime, réveille-toi, sans y penser vraiment.


Dernière édition par Andreï S. Rostov le Sam 11 Mai - 22:50, édité 1 fois
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Anastasia Chostakovitch
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyMar 7 Mai - 21:39

May we meet again...

Je n'ai aucune certitude sur mon passé. Je ne sais pas qui je suis, d'où je viens, qui sont mes parents ni si j'ai étudié l'astrophysique ou arrêté l'école en cinquième. Je sais que mon accent trahit des origines russes – mais au dernière nouvelle, c'était un putain de grand pays – et que je ne suis pas la plus idiotes des gonzesses sur cette foutue planète. Je sais que j'ai un don pour persuader les gens et les pousser à me faire confiance... il faut croire que j'ai été bonne diplomate dans une autre vie. Mais toute mon histoire, tout ce qui date d'avant ces cinq putain d'années, n'est basée que sur des suppositions. Y a pas de faits, pas de preuves, pas de certitudes. Rien que des paysages qui me semblent parfois familiers ou encore des visages qui m'évoquent vaguement quelque chose. Je ne suis même pas capable de faire la différence entre de vrais souvenirs et de simples « déjà vus ».

Pourtant, aujourd'hui, je suis en train de vivre quelque chose d'inédit, prise dans un tourbillon d'émotions qui vont bien au-delà ce que j'ai pu éprouver auparavant. En quelques mots échangés et haussement de ton, Lindberg vient de me faire basculer d'Anya Stevenson, lieutenant de police sûre d'elle, à Anya l'amnésique, Anya la vulnérable, Anya dont les flashs et les souvenirs viennent se superposer à la réalité avec la force d'un train lancé à pleine vitesse. Les tapotements incessants de Lindberg contre sa cuisse résonnent à mes tempes, comme un roulement de tambour, lourd et pesant, incessant, le leitmotiv de mes cauchemars les plus honteux. Je perçois alors des bribes de conversations, des images m'agressent et les sentiments les plus contradictoires me prennent à la forge : c'est la première fois que je me rapproche autant d'un véritable souvenir et au moment où je sens que mes genoux et le reste de mon corps m'abandonnent, faisant de moi une bête poupée de chiffon, les flashs deviennent plus violents encore. Je ne sens pas me tête heurter le sol, pas plus que je ne sens les claques assénées par Lindberg. Dans mon inconscience, à mi chemin entre le rêve et le chaos total, je perçois à nouveau des ombres qui se meuvent autour de moi. Il y a celle qui me tétanise de peur, et celle que j'ai à la fois envie d'enlacer et de frapper. À gauche, la peur, à droite, l'amour et la haine. J'ai l'impression d'être face à un choix cornélien sans pour autant savoir ce qu'on me propose. Ce ne sont que des ombres, des silhouettes, après tout... elles n'ont pas d'âme... si ? Et puis elles se mettent à parler en même temps, m'assénant des mots violents tels que trahison, haine, violence, meurtre... J'ai peur et alors que l'une des silhouettes lève son arme pour m'abattre, Lindberg pointe la sienne contre mon crâne. Étonnant comma réalité et cauchemars peuvent parfois se superposer... J'ai envie de hurler, de lui dire de ne pas tirer mais dans mon rêve comme dans le monde réel, je suis muette et incapable de bouger. Pourtant, lui il bouge. L'ombre, la silhouette qui me menace, elle continue à proférer des menaces, à s'énerver et bientôt, elle s'approche de moi, tant et si bien que je finis par distinguer ses traits.

Lindberg ?

Et c'est la chute. Tout redevient noir autour de moi, les sons du monde réel parviennent jusqu'à mes oreilles comme amplifiés à l'extrême et je grimace, me débats contre l'inconscience qui engourdit encore tout mon corps. Je ne suis même pas sûre d'être en train de me réveiller, finalement... je sais seulement que j'entends toujours des tapotements qui, cette fois, sont martelés sur une surface en verre. « Réveille-toi, je t'aime », qu'ils me disent... mais ça n'a pas de sens ! Ne suis-je pas en train de tout inventer ? C'est ça... je deviens vraiment folle... à moitié dans le cirage, les yeux toujours résolument clos, je lève péniblement la main. À tâtons, elle part chercher celle de Lindberg, non pas pour l'empêcher de continuer son battement mais parce qu'inconsciemment, c'est son contact que je vais chercher. Mes doigts se serrent un instant contre les siens et immédiatement, mon rythme cardiaque et ma respiration retrouvent un rythme normal... comme si ce contact était suffisant pour m'apaiser. Pendant de longues secondes, je suis incapable de rompre ce contact, celui de sa peau contre la mienne, de la douce chaleur de sa paume contre mes doigts glacés, de cette sensation si familière, si rassurante...

« Ne fais... Andreï... ne fais pas ça... »

Je ne t'ai pas trahi... ces quelques mots refusent de franchir la barrière de mes lèvres et lorsque j'ouvre les yeux, je retire vivement ma main avec un regard presque honteux. Merde... qu'est-ce que je fous allongée dans un lit ? Il ne m'a quand même pas droguée, l'enfoiré ? Impossible, je n'ai rien bu. Qu'est-ce que c'est que cette merde... je me redresse, grimace et porte une main à mon crâne. Super... je vais encore avoir une grosse bosse...

« Qu'est-ce que... que s'est-il passé ? »

Et là, moment de panique. Où suis-je ? Qu'est-ce que je fais là ? Qui je... fébrilement, je relève vivement la manche de ma veste, attrape le bracelet qui est accroché à mon poignet et le regarde un long moment. Je suis Anya Stevenson, lieutenant de police et je vis à Europolis. Parfait, tout ça, c'est en place. Dire que je trouvais ce bracelet pour amnésique aussi ridicule que la médaille d'un chien... finalement, ça s'avère bien utile. Lorsque je relève les yeux vers Lindberg, j'esquisse un sourire qui se veut rassurant et tente une pointe d'humour.

« Et bien... je ne pensais pas que nous passerions à votre lit si rapidement. »

Ok, c'est très nul, comme blague. Dans un grognement, je m'assois au bord du lit, face à Lindberg.

« Écoutez, je... je suis désolée de m'être montrée aussi agressive tout à l'heure. Et désolée que vous ayez vu... ça. »

Ça, voilà comment je qualifié mon petit handicap. Mais si je m'arrête là, il va définitivement me prendre pour une folle. Alors je relève les yeux, affronte le jugement que je suis sûre de lire dans les siens et suis surprise de n'y voir qu'inquiétude et stupéfaction. C'est peut-être pour et grâce à ça que je me décide à poursuivre.

« J'ai perdu la mémoire il y a cinq ans. À la suite d'un accident, m'a-t-on dit. Je n'ai aucun souvenir de cet événement ni de quoi que ce soit avant, c'est comme si mon cerveau avait effectué une remise à 0. Je sais parler, marcher, foutre des raclés... mais je suis incapable de donner le nom d'une personne qui a pu m'être chère avant ça et... ça me manque cruellement. J'ai sûrement l'air d'une garce ou de ce que vous voulez mais je préférerais cent fois vous foutre la paix et savoir qui je suis, vous me suivez ? Je ne sais pas ce qui a déclenché la crise de tout à l'heure, si ce n'est... »

Je baisse les yeux vers ses doigts, qui ont cessé de s'agiter pendant quelques instants.

« Ce que vous avez fait avec vos doigts... ça m'a rappelé quelque chose. Enfin je crois, c'est peut-être une extrapolation de mon cerveau. Enfin, je... voilà. Je suis désolée. »

Et là dessus, je me lève, titube et me raccroche à la première bouée venue, à savoir l'épaule de Lindberg. Je me redresse précipitamment, perturbée par cette impression de déjà vu croissante lorsque je le regarde.

« Mes hommes doivent attendre en bas, je vais vous laisser, et... restez dispo, on aura sûrement d'autres questions à vous poser. »

Je me dirige vers la porte de la chambre quand soudain, n'y tenant plus, je me retourne.

« Vous allez trouver ça bête, mais... votre visage m'est familier. Et c'est la première fois que ce genre d'épisode m'arrive en cinq ans... on ne serait pas croisés quelque part ? »

Dans une autre vie, un ailleurs, quelque chose qui n'existe plus mais qui ne demande qu'à se reconstruire...
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] May we meet again...    [Livre I - Terminé] May we meet again...  EmptyVen 24 Mai - 21:49

 
May we meet again

 
Par trois fois, je trahis tout ce que Georg m’a transmis. Par trois fois, je tourne le dos à ce qu’il m’a foutu dans le crâne par la douleur, la terreur, les cajoleries et le meurtre. Par trois fois, je le trahis encore. Une première fois quand mes doigts s’affolent sur ma cuisse, supplient Anya de s’enfuir, de partir, d’arrêter de faire chier. Mikkel Lindberg peut dire tout ce qu’il veut pour garder la face, pour maintenir les apparences, pour protéger sa couverture, moi, je trahis Georg. Casse-toi, Anya. Si Georg te voit, il te tuera. Choisir Anya et non Georg. Tu sais qui est Andreï au moins ? Choisir l’angoisse et non la raison.

Et je continue à lui tourner le dos quand elle s’effondre et que la panique prend le pas sur tout le reste. Ce n’est pas une de ces colères qui me font perdre toute lucidité, non. Ce n’est pas un aveuglement bestial, une rage primale qui s’empare de moi, m’arrache au monde des hommes pour me transformer en bête qui n’a dans les tripes qu’une violence et une soif de sang qui ne demandent à être assouvies. C’est une panique lucide, c’est une terreur extrêmement claire, qui me propulse vers elle, qui me pousse à poser un genou à terre, à trouver son pouls, à hurler de détresse, à la gifler, à l’appeler, encore et encore. Une panique trop lucide : je l’aime. Et c’est une traitresse, c’est une ennemie des Rats, c’est une ennemie de Georg, c’est celle qui a planté un couteau dans le dos de tous les Rats, et surtout dans le dos de Georg. Et dans le mien. Pendant un instant, je reviens à la raison, je me souviens de ce qu’il faut que je fasse, de ce qu’on attend de moi. Eliminer les traitres, tuer les faibles, protéger les Rats. Protéger Georg. Sauf que… le coq chante une deuxième fois. Mon bras faiblit, lui sauve la vie, et moi, je trahis Georg. Encore. Putain, je la hais, je la hais plus que jamais parce que je la prends dans mes bras, avec douceur, parce que je suis bien obligé d’admettre qu’elle est là, toujours envie, toujours fidèle à elle-même, parce que j’ai envie d’arracher de sa petite nuque la chaîne qu’elle n’a plus le droit de porter, parce que j’ai envie de lui tordre le cou, de lui briser la colonne vertébrale pour ce qu’elle m’a fait, parce que j’en suis incapable. Fais chier Je me répète peut-être, mais je n’en ai plus rien à foutre. Mais quel con… mais quel con que je fais, putain.

Je vais continuer à m’insulter longtemps, je pense, parce que j’appelle les urgences, parce que lorsque je reviens à proximité de mon lit, c’est pour la fixer sans un mot, c’est pour river mon regard sur elle, sur son visage apaisé, sur sa silhouette, ses formes, sur tous ces détails que je cherche à deviner derrière son uniforme. C’est ça, le troisième et dernier chant du coq. C’est ça, la troisième trahison que je plante dans le cœur de Georg. Quand je la fixe, je ne peux que savoir ce que je n’ai même pas réussi à me cacher ces cinq dernières années. C’est tellement plus simple de l’admettre quand elle ferme sa putain de gueule et quand elle est loin de moi, hors de portée et pourtant si proche. C’est tellement plus simple d’admettre que je l’aime encore, quand elle ne me donne plus de raison de la haïr. Mes doigts heurtent la surface du verre, que je n’ai même pas encore vidé, à un rythme qui me dépasse, qui va dans le prolongement de mes pensées. A cet instant, je sais que j’ai déjà trahi Georg trois fois. En lui préférant Anya à chaque fois, alors qu’elle m’a tout pris et tout donné. Réveille-toi. Je t’aime, réveille-toi. Réveille-toi, je t’aime. Je t’aime, réveille-toi. C’est une supplique, alors que mes yeux veulent sa destruction, alors que je n’arrive pas à trancher, alors que je veux la haïr, de toute mon âme, de toute ma colère destructrice, de tout l’absolu de mes pensées. On ne s’attache pas, on ne se compromet pas, on ne nourrit aucun sentiment, aucune émotion, on se contente d’agir. C’est ça que voulait Georg, non ? Ne pas risquer de se perdre dans des regrets et des remords qui ne seraient d’aucune utilité ? J’ai du mal à respirer, je me noie la trachée d’une nouvelle gorgée – bordel, ça pourrait être du petit lait que ça ne me ferait pas moins d’effet. J’ai l’esprit trop ailleurs pour sentir la brûlure de l’alcool au petit matin, j’ai les yeux trop perdus sur elle, tous mes sens trop orientés dans sa direction pour faire attention à quoique ce soit d’autre. Qu’est-ce que je vais faire d’elle, si elle continue à faire sa fouineuse ? Et si elle est à ce point amnésique, qu’est-ce que je vais faire pour lui éviter de finir en rat mort dans le caniveau ? Est-ce que ça vaudra le coup, aussi ? Comment est-ce que je peux continuer à vouloir protéger une connasse qui a voulu me vendre aux flics, avant de les rejoindre, qui n’a aucun souvenir de moi ? Ça n’a pas de sens. Rien n’a de sens. Et je ne sais pas ce que je vais faire. Cinq ans pour regagner la confiance de Georg, cinq ans passés à tout faire pour lui prouver ma loyauté ; moins d’une heure pour saccager tout ça, moins d’une heure pour décapiter tous mes efforts, pour tout détruire. Et tout ça pour quoi, pour qui ? Pour elle. Toujours pour elle.

J’avale une nouvelle gorgée, puis une autre, et une autre, le verre se vide et continue de se réchauffer entre mes paumes. Je me penche un peu plus, à un bras d’elle. A un rien d’elle. Suffisamment près pour l’étrangler. Suffisamment près pour l’embrasser. Suffisam… Un changement de respiration. Elle se réveille. Tend la main. Je me fige, incapable de bouger. Incapable de choisir. La vie, ou la mort ? Je devrais la tuer. « Ne fais... Andreï... ne fais pas ça... » Sa main se referme sur la mienne, me brûle, me consume. J’ai envie de la frapper, si fort, j’ai envie de la rassurer, si fort. Ne fais pas ça ? La tuer. Quoi que je crache, d’une voix tendue d’inquiétude et de colère cumulées. Comment ose-t-elle m’interdire de choisir ? Ou m’obliger à choisir ? Ou… Toutes mes pensées disparaissent. Mes yeux se perdent dans les siens. Un instant de silence, puis le temps reprend. Avec violence.

Elle retire sa main, moi je me recule brutalement, je me lève pour reprendre de la distance, les yeux écarquillés. Dos au mur. Il est où l’assassin russe, l’assassin des rats ? Il est en vacances. Même pas capable de tuer une gonzesse. Et qu’est-ce que ça fait de moi, si je ne suis même plus capable de faire ce pour quoi Georg m’a forgé ? Un outil brisé, inutile, inutilisable, tout juste bon à être une mascotte pour les prochains rats, s’il ne me transforme pas tout simplement en terrain d’entraînement, en cible pour leurs flingues. Ou juste, il me transformera en cadavre, comme j’en ai déjà transformé un paquet d’autres. Une fin normale, pour un vulgaire outil, après tout.

Elle se redresse, je secoue la tête. Mikkel Lindberg tente de se tracer un chemin vers moi. L’outil n’est pas encore détruit. Juste dysfonctionnel. Heureusement que Mikkel est là pour prendre le relai. « Qu'est-ce que... que s'est-il passé ? » Je récupère mes lunettes, celles de Lindberg, dans ma poche, les pose sur mon nez. Tu… vous vous êtes évanouie. Le tutoiement disparaît totalement. Ecrasé par tout le reste. Par l’émotion qui m’étrangle. J’ai le cerveau en accordéon, qui vibre et oscille. Amour, haine. Je la déteste, je l’admire ; je lui fais confiance, je ne lui ferai plus jamais confiance. Je veux lui tendre la main, je veux lui arracher le cœur. Je veux la protéger, je veux être celui qui la fera crier de douleur. Je cligne des yeux, incapable de réfléchir. Et lorsqu’elle panique, cherche à son poignet un bracelet, je ne fais pas le moindre mouvement. Lorsqu’elle relève les yeux dans ma direction, je ne fais pas le moindre geste. Et quand elle sourit à Lindberg, Lindberg reste impassible. Incapable de sourire. « Et bien... je ne pensais pas que nous passerions à votre lit si rapidement. » Et même sa pointe d’humour me laisse complètement de marbre. Mal au cœur. Cœur blessé. Blessure qui ne se referme pas, qui suinte et suinte encore, du pus chargé de rancœur. Encore et encore. Elle s’assoit, je reste à distance, les yeux rivés sur elle, sur ses battements de cœur. Sur les sons autour de nous. « Écoutez, je... je suis désolée de m'être montrée aussi agressive tout à l'heure. Et désolée que vous ayez vu... ça. » Ca quoi ?

Ca elle ? Ca, cette douleur dans la poitrine, croissante, qui m’écartèle entre deux sentiments complètement contraires, que tout voudrait opposer ? Elle relève les yeux vers moi, je soutiens ses prunelles. Visage complètement fermé. Mikkel n’a pas pris le relai, Andreï non plus. Stanislav, si. Ne rien ressentir, ne rien accepter, ne rien tolérer. Pour se protéger. Un peu rouillé, le Stanislav. Complètement distant. Ecrasé sous des années de torture, écrasé sous la haine et la fureur, écrasé sous la rancœur. Ecrasé, piétiné, morcelé. Quasi annihilé. Ressorti du placard pour gérer. Encaisser. Encaisser son regard vide, différent, collé sur un visage identique. « J'ai perdu la mémoire il y a cinq ans. » Je ne veux pas écouter ça. Cinq ans. Chacun de ses mots, accident, me laisse de l’acide dans la gorge, qui me pousse au silence, qui pousse dans mes retranchements. « J'ai sûrement l'air d'une garce ou de ce que vous voulez mais je préférerais cent fois vous foutre la paix et savoir qui je suis, vous me suivez ? Je ne sais pas ce qui a déclenché la crise de tout à l'heure, si ce n'est... » Je croise mes bras sur ma poitrine, pour cacher mes doigts qu’elle fixe. « Ce que vous avez fait avec vos doigts... ça m'a rappelé quelque chose. Enfin je crois, c'est peut-être une extrapolation de mon cerveau. Enfin, je... voilà. Je suis désolée. » Je suis désolée. Mikkel continue à prendre le relai. « Okay. » Bref et concis. Qu’est-ce que je pourrai dire de plus ? Amnésique. Elle ne ment pas. A aucun moment elle n’a menti, je le sais. Et je crois que j’aurai préféré le contraire. Elle ne se souvient de rien. Elle ne se souvient pas de m’avoir trahi, de m’avoir vendu, d’avoir vendu Georg.

Elle ne se souvient pas de ma haine. De ma colère. De ma folie. De ses genoux explosés, de l’amertume de mes mots. Je t’aime, Anya, mais tu n’aurais pas dû faire ça. Et ce serait clémence que de te foutre maintenant la balle dans le crâne que tu étais supposée avoir il y a cinq ans. Elle se lève, fait un pas. Titube. Se rattrape à mon épaule. Mes bras se décroisent par réflexe, pour la rattraper, pour crocheter son poignet. Andreï prend le dessus, adoucit mon visage d’une inquiétude marquée, d’un souffle coupé, une fraction de seconde avant que Mikkel ne se place en bouclier entre elle et moi. Je ne la connais pas. Et je ne dois pas la connaître. « Mes hommes doivent attendre en bas, je vais vous laisser, et... restez dispo, on aura sûrement d'autres questions à vous poser. » Ma main s’ouvre, la libère, la laisse reculer, sortir de la chambre. J’ai appelé les secours, vous devriez faire un tour aux urgences, vous avez peut-être pris un mauvais coup. je rétorque machinalement. Les avocats de la société se tiendront disponibles, je rajoute même. Mettre de la distance. Je ne la connais pas, elle ne me connait pas. Et c’est mieux pour elle comme moi que les choses restent comme ça.

Mais c’est sans compter sur le caractère de merde d’Anya. Elle se retourne, je me suis à peine décollé du mur, épuisé. Mal au crâne. Envie de gerber, sans savoir si c’est l’effet de la bière, de la tension, ou juste de sa présence. « Vous allez trouver ça bête, mais... votre visage m'est familier. Et c'est la première fois que ce genre d'épisode m'arrive en cinq ans... on ne serait pas croisés quelque part ? » J’hausse un sourcil. Je prends la tête entre les mains, pour étirer mes traits, tenter de m’extirper de ce cauchemar. Du cauchemar d’un monde avec Anastasia, mais sans Anya. Ou le contraire. Je ne sais plus. Et moi, complètement paumé. Tiraillé. Putain, que j’ai envie de la buter que tout s’arrête. Ouais, complètement con. J’dois avoir un visage très commun ou alors vous avez une méthode de drague totalement merdique.

La violence est toujours une solution. La violence est toujours ma solution. Non, nous ne nous sommes jamais croisés et pour être honnête, j’aurais préféré que les choses restent telles qu’elles étaient. Que mon associé ne soit pas tué, que la porte de mon appartement ne soit pas défoncé et qu’on ne vienne pas m’emmerder avant mon… troisième café. Ma main tire à nouveau mes traits, avant que je ne me résolve à sortir de ma chambre pour la dépasser et reconquérir mon salon, histoire qu’elle comprenne qu’il est réellement temps qu’elle se casse. La prochaine fois, envoyez un mail ou passez un coup de fil. Et allez voir un médecin. Vraiment, Anya, va voir un médecin. Ou crève et lâche moi. J’ai un serrurier à appeler. Vous permettez ? Rien à foutre qu’elle ne me permette pas. Je suis épuisé de la voir. Epuisé de devoir la subir. Et j’ai un Hermès à appeler.

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