Une journée avec ma fille, alors que je laisse les affaires de côtés, je passais la journée pour pouvoir racheter des affaires à ma Nymeria. Nymeria avait déjà son petit caractère et quand elle voulait quelque chose, il était difficile de maintenir un non pendant plus de deux semaines. En l’occurrence là, c’était même plus une nécessité. Une enfant de trois ans grandit particulièrement vite, encore plus quand elle mange pour 4 pour combler le nombre de vitamines qui lui faut pour le combat qui ne saurait tarder avec mes sœurs. Ces sœurs, ces filles que nous avions réussi à retrouver suite au génocide que nous avions eu sur notre île. Ce génocide m’avait permise de me rendre compte qu’il fallait absolument qu’on refasse des filles et qu’on puisse redevenir le clan que nous étions avant. Cette image, et ce rêve d’antan étaient très certainement inaccessibles mais au moins je mettais mise au travail. Bon ok, je reconnais que le père de Nymeria n’était pas le GOOD GUY du moment mais bon il avait fait son boulot, au moins. Je n’avais pas besoin d’un homme dans ma vie pour élever ma fille, j’avais mes sœurs pour rendre de cette enfant, une guerrière comme il faut, une vraie Amazone. Nous n’avions jamais eu d’hommes pour nous élever cela ne nous avait pas du tout nuit, bien au contraire.

Sans quoi, nous avions décidé de nous rendre au centre commercial, un samedi. Cela attirait particulièrement du monde, et surtout que ce jour là il semblait y avoir une action spéciale vu le monde d’un coup qui avait débarqué. Peu m’importe, je tenais fermement la main de Nymeria pour ne pas la perdre dans cette foule, je deviendrais folle si je perdais ma fille à ce moment-là. Son sourire, ses petits yeux pétillants, et sa voix douce, j’avoue que je portais mon attention sur la foule et sur l’ambiance tendue qui était dans ce centre commercial. Après avoir réussi à lui acheter deux nouveaux pantalons et 3 ou 4 tuniques au-dessus, nous nous dirigeâmes vers la sortie. « Maman, on peut prendre une glace. » Une glace ? J’eus besoin de quelques secondes avant de lui répondre, mais ces quelques secondes d’inattention furent comme fatale. D’un coup un cri dans la foule, et un mouvement de foule dans l’escalator évidemment, il ne me fallut même pas trente secondes, trente petites secondes pour que Nymeria lâche ma main et je la perds de vue pendant que quelqu’un me percute. Un peu désarçonnée et au bout d’une ou deux minutes, je crie « NYMERIA, NYMERIA ». Je me suis retrouvée en bas

Une fois le mouvement de foule terminait et que tout le monde ait pu retrouver son calme, je pus reprendre vraiment mes esprits mais toujours sans ma fille. Son père allait littéralement me tuer avant que j’aie pu le faire si je ne lui remettais pas la main dessus immédiatement. Je la cherchais partout, dans les boutiques, partout. Rien, où était-elle passée ? « Nymeria ! Où es-tu mon Dieu ? » Quand soudain j’entends la voix de l’accueil « La petite Nymeria attend sa maman à l’accueil » Je me précipite à l’accueil pour retrouver ma petite fille qui me saute dans les bras, avec les larmes aux yeux. « Mais mon Dieu Nymeria, j’ai eu la peur de ma vie, que t’est-il arrivé ? » Je la prends à bras, rassurée d’avoir ma petite fille de retour contre moi. Et je vois un homme qui la suit de près. « C’est ce monsieur qui m’a ramené, Maman. » Je suis soulagée quand je regarde ce jeune homme. Il semble plus jeune que moi, une vingtaine d’année quand même, je lui tends la main. « Merci beaucoup d’avoir pris soin d’elle, et de l’avoir ramené près de l’accueil. Je peux vous offrir un café pour vous remercier ? » Vous allez vous dire, elle est complètement malade, c’est un homme inconnu, blabla. Oui, bah il a ramené ma fille à bon port, honnêtement je pourrais lui offrir un bateau si j’en avais un sous la main.

Le voilà. Devant moi. Se dressant fièrement comme une insulte dont le but ne serait que de me provoquer. Mon ennemi juré : le centre commercial. Véritable nid de vie, insupportable et débordant de personnes qui riaient, s'esclaffaient, parlaient forts pour s'entendre par-dessus les musiques diffusées dans les boutiques. Jamais deux fois la même musique entre les boutiques. Un combo magique pour faire souffrir mes oreilles et ma tête, un endroit où je ne devrai jamais mettre les pieds sans avoir une véritable raison d'y venir. Pourtant j'avais décidé d'y venir. Non que je souhaitais acheter quelque chose de particulier, je voulais apprendre à contrôler mon ouïe. Je m'étais fait une raison, jamais je n'arriverai à entendre normalement, j'aurai toujours cette super-ouïe à s'en arracher les oreilles quand le ton monte dans un bar jusqu'aux cris. Inutile de dire que je ne mettrai plus jamais le pied dans un pub d'Arsenal un soir de match, je n'y survivrai pas, pas même avec la bonne dose de bière. Je venais ici pour essayer d'apprendre à gérer et aussi parce que cet endroit me foutait une peur idiote et stupide. Si j'occupais mon esprit, avec ma musique dans les oreilles, il n'y avait aucune raison, absolument aucune que je n'arrive pas à y faire quelques courses. J'avais fait une petite liste en regardant la description des boutiques par étage et j'avais choisi un article par étage. Un seul type de boutique à chaque fois. Ca serait un petit début mais ça serait un début. 11 articles en tout et ça serait déjà pas mal.

J'en étais au 8ème article quand je tombe sur une scène des plus surprenantes. Un mouvement de foule devant moi dans un escalator que je m'apprêtais à emprunter pour monter. Ce dernier était  étrangement plein de jeunes femmes et quelques jeunes hommes à la façon d'un métro en pleine heure de pointe. Je ne sais pas ce qui devait se passer à précisément 15h30 dans une boutique du 17ème étage mais visiblement ça valait la peine de s'y dépêcher et moins ça ne m'intéressait pas conséquent pas le moins du monde. Ca s'agite en haut de l'escalator, il doit y avoir une super promo ou une personnalité qui se rend à cet étage, j'emprunte l'escalator alors que le mouvement de foule s'apaise un peu, j'y suis seul, visiblement tout le monde avait jugé bon de se dépêcher en haut. Tout le monde sauf une petite demoiselle, haute comme trois pommes qui prenait toute seule l'escalator descendant. Elle appelait sa maman, bien en vain, l'air inquiet sur le visage et il n'y avait pas de maman à l'horizon. N'oublions pas que ce que je fais à ce moment-là est interdit, c'est mon moment bad boy de la journée, je change d'élévator sans arriver en haut pour pouvoir rejoindre la petite demoiselle inquiète de ne pas trouver sa maman, le visage embué de larmes.

En bas de l'escalator je discute un peu avec elle, elle m'explique qu'elle a perdu sa maman, qu'il y a eu beaucoup de monde et qu'elle s'est retrouvée sur l'escalier descendant. Je lui propose de chercher sa maman avec elle et lorsque je lui demande comment je dois l'appeler elle me répond de la plus adorable des façons qui me fait sourire malgré sa situation : "Bah … C'est maman." Le temps de lui expliquer que je ne peux pas l'appeler maman parce que ce n'est pas la mienne, elle me dit son prénom et je lui propose d'aller à l'accueil chez une dame qui peut retrouver sa maman en l'appelant. Elle accepte et prend ma main quand je lui propose, pas question de la perdre une fois encore. Nous sommes vite à l'accueil, le temps d'apprendre qu'elle avait envie d'une glace mais que maintenant elle veut surtout retrouver sa maman. Les larmes ont cessé mais les yeux sont encore rouges, j'explique la situation à l'accueil et m'assois sur un banc avec la petite demoiselle qui me dit alors s'appeler Nymeria et qu'elle m'aime bien. Nous sommes assis sur le banc quand elle me fait une autre confession en regard le café devant nous qui propose des crêpes. Je lui en promets une, si sa maman est d'accord et elle sourit, plus encore quand elle voit sa maman arriver. Je la suis quand même, juste au cas où … Au cas où quoi je n'en sais rien mais juste au cas où … Mais le câlin qui s'échange entre elles n'y tromperait personne, mère et fille. Je souris doucement à cette scène tendre, je ne me suis jamais interrogé sur le fait de devenir père un jour mais cette scène demeurait touchante. Je ravise dans un geste plus réflexe qu'autre chose mes oreillettes dont je ne me défais qu'avec quelques rares élus. Une rare élue en fait pour l'instant. Je serre la main tendue, surpris par la proposition si spontanée de la femme qui venait de rejoindre sa fille.

« Nous discutions justement avec Nymeria et elle m'a dit ne plus vouloir de glace quand elle peut avoir une crêpe. »

Je désigne le café avec le néon multicolore immanquable "Crêpe" juste un peu plus loin.

« Je lui ai promis que si c'était d'accord avec sa maman je lui offrirai une crêpe. Alors un café ça me va bien, ça me permettra d'honorer ma promesse. »

Ces minutes les plus longues de ma vie finalement de ne pas savoir où était ma fille, cette inquiétude, devant cette immensité, ne pas savoir l’angoisse, l’inquiétude, et toutes les pensées les plus tordues qui commencent à passer. Déformation professionnelle, vous allez me dire, très certainement, mais quand on voit les mecs les plus tordus se présentaient à la barre en affirmant qu’ils sont innocents alors que tout prouve qu’ils sont coupables… Je n’osais même plus me projeter, je voulais seulement serrer Nymeria dans mes bras le plus rapidement possible. Je le savais que c’était une mauvaise idée que de se rendre dans ce centre commercial démesuré… Et encore, je suis sûre que s’ils avaient pu il l’aurait fait encore plus grand très certainement. Je n’en doutais pas une seule seconde. Quand j’ai entendu cet appel depuis l’accueil, d’un coup un soulagement vint se sentir. D’un coup je pus reprendre mon souffle, comme si cela faisait 15 minutes que je ne respirais plus de ne pas savoir où était ma fille. Pourtant l’accueil se situait encore deux étages plus bas au moins. Quand j’eus atteint la destination, je la vis sauter dans mes bras, rassurée. Je voyais ses petites larmes séchées une fois qu’elle était dans mes bras, sans nul doute que ces minutes avaient dû être aussi longues pour elle que pour moi. Le simple fait que de sentir ses cheveux aussi ébènes que les miens me permit de ralentir mon rythme cardiaque. Le souffle court, mais satisfaite, je ne tardais pas à remercier le sauveur de ma fille. Enfin sauveur, oui le mot était peut-être un peu fort, mais disons que c’était la sensation que l’on ressent quand on est une maman.
« Une crêpe, ah oui ? Et bah partons pour une crêpe alors ma chérie » lui dis-je avec un sourire en la prenant dans les bras. Avec cette foule je ne comptais pas la perdre une seconde fois. J’essayais encore d’analyser pourquoi ce mouvement avait eu lieu. Une promotion, et une blonde écervelée spécialisée dans les cris pour attirer le monde vers un produit, et se faire marcher dessus. Je n’en sais rien, mais très mauvaise idée en tout cas. Nous nous dirigeâmes du coup avec le jeune homme qui avait protégé Nymeria pendant ce temps, vers le néon multicolore. Je pris une table du coup proche de la vitrine et regardant rapidement la carte, je savais déjà ce que je voulais pour être honnête. Pendant que Nymeria regarde les images sur la carte pour les enfants, je m’intéresse un minimum à celui qui avait réussi à charmer la petite Amazone. « Est-ce que le sauveur de Nymeria a un nom du coup ? » demandai-je avec un sourire, histoire de cesser le surnommer ainsi. J’essayai au moins de paraitre un minimum sympathique, il faut dire que cet aspect de ma personnalité était plus marqué que ma sœur. Dès notre arrivée, j’avais vite compris qu’il fallait qu’on s’intègre de cette façon dans ce monde d’humains. « En tout cas, je ne vous remercierai jamais assez d’avoir ramené Nymeria près de l’accueil et d’avoir eu les bons réflexes, ce n’est pas toujours évident. Enfin elle a eu de la chance de tomber sur quelqu’un de bien en tout cas. »

Je n'avais jamais été ainsi avec un enfant aussi jeune. En fait quand j'y réfléchissais bien, je ne connaissais personne dans mon entourage qui avait d'enfant et ça avait été pratiquement une première de me retrouver ainsi avec ce petit brin de femme qu'était Nymeria. Pourtant ces quelques minutes n'avaient pas été désagréables, bien au contraire, elles m'avaient permis d'oublier le lieu, la foule qui s'agitait, j'en avais presque tout oublié, sauf d'aider cette petite demoiselle séparée de sa maman à la retrouver. Quand sa petite main avait pris la mienne, j'avais eu un sentiment étrange, agréable et maintenant que je la voyais dans les bras de sa mère … Non mais oh ! Ma belle-mère est une tueuse à gage, ma petite amie une héroïne qui sort combattre le crime le soir et moi je n'ai pas encore totalement raccroché ma vie de chauffeur illégal ! Devenir papa, n'importe quoi … Je veux dire à mon âge, mon père … Mon père m'avait déjà moi. Non, non, non, je n'étais pas prêt pour ça, un enfant c'est beaucoup de responsabilités et beaucoup de … bonheur ? Roh putain … On oublie cette idée, Kate ne sera jamais d'accord et Fallon me castrera pour juste y avoir songé. Pourtant la scène de cette mère et sa fille est adorable, elle est touchante, d'une pureté incroyable comme on en voyait peu dans cette ville. C'était un bonheur tout particulier qu'elle partageait, ce même bonheur intense qui avait provoqué la crainte de Nymeria de ne jamais revoir sa maman. Au moins j'avais oublié où j'étais et les bruits environnants. La musique dans mes oreilles me fait penser que j'ai mes écouteurs, généralement les gens s'en moquent quand ils comprennent que je les entends.

Nous voilà donc tous les trois partis pour une crêpe. Ca fait longtemps que je n'en ai plus mangé, la reine de la pâte à crêpe c'était Sarah et je n'avais encore jamais proposé de soirée crêpe à Kate. J'y songerai sans doute, ça peut être l'occasion de passer un bon moment en tête à tête. Assis avec les deux femmes, je sais déjà ce que je vais prendre et ne m'intéresse même pas à la carte, laissant mes yeux se promener sur le centre commercial plein de vie. Comment on peut vraiment aimer ce genre d'endroit demeure un mystère pour moi, je déteste la façon dont toutes ces boutiques se suivent et tout ce monde … Même sans mes problèmes d'audition je n'aimais pas ces endroits.

« Henry Watford. Et vous êtes Khelia d'après ce qu'elle m'a dit. Quoi que sa première réponse lorsque j'ai demandé qui nous devions chercher tous les deux a été : maman. »

Je m'imaginais mal appeler la femme assise face à moi de cette façon mais je me disais qu'un soupçon d'humour pourrait l'aider à se détendre un peu. Elle avait dû avoir un sacré choc en se rendant compte que sa fille avait disparu.

« Ne vous inquiétez pas, j'ai fait ce que j'ai jugé bon. Elle m'a expliquée que vous avez été séparée quand il y a eu le mouvement de foule à l'étage, je me suis dit qu'il valait mieux venir à l'accueil que de tenter de vous retrouver au milieu de la foule. Et puis Nymeria est loin de manquer de courage. Vous devez avoir eu une sacrée frayeur. »

La petite amazone aussi avait eu une sacrée frayeur mais du haut de ses trois pommes, elle avait réussi à m'expliquer ce qui était arrivé pour que nous puissions rejoindre l'accueil et appeler sa mère.

« Qui plus est, elle m'a permis d'éviter de monter à l'étage où tout le monde se bousculait, je n'aime pas vraiment les centres commerciaux. Ca fait une visite que je ne suis pas prêt d'oublier. »

Maman, évidemment. Je souriais en caressant les cheveux de la petite Amazone. Maman, ce petit nom qui raisonnait à mes oreilles, jamais je n’avais dit ces mots à ma propre mère. Mère. Je ne sais pas si j’avais aimé ma mère comme ma fille m’aime aujourd’hui, on va dire que je la respectais plus que tout. Le respect pour ma mère était au maximum jusqu’apprendre qu’elle avait osé nous séparer à la naissance avec notre frère et surtout qu’elle ne nous avait rien dit. La tradition était une chose, cela je comprenais parfaitement, mais faire l’innocente à ne pas comprendre notre mal-être avec ma sœur, et feindre de ne pas savoir d’où cela venait, cela avait provoqué notre cession totale avec l’autorité maternelle, et avait sans aucun doute été une des causes de notre départ de notre île. Ma mère n’avait pas exprimé beaucoup de sentiments envers nous, on va dire que ce n’était pas le premier trait de caractère de ma mère, ni même une priorité dans sa vie. Est-ce que j’essayais de reproduire à l’inverse la relation que j’avais eu avec elle, pour construire ma relation avec Nymeria ? Je pense que cela jouait en effet, cela avait un impact d’une manière ou d’une autre. Je voulais transmettre à ma fille les valeurs des Amazones, mais en plus de cela, je voulais surtout qu’elle sache que je l’aimais plus que tout et que quoiqu’il arrive, je serai là pour elle sans mensonge. Je pense que l’honnêteté aurait aidé à construire une meilleure relation avec ma mère. Cela avait échoué, et je ne voulais pas reproduire ce schéma avec ma fille.
Dans la crêperie, j’avouais clairement à moi-même que les crêpes n’étaient pas mon gouter favori, mais pour les beaux yeux de Nymeria j’étais prête à faire un consensus. « Oui, en effet, Khelia. » répondis-je avec un sourire. Vous pourriez me dire qu’avec une enfant de 3 ans la double identité n’était pas évidente, et pourtant Nymeria avait très vite compris qu’il ne fallait pas révéler notre nature aux humains. « Enchantée, Henry. » dis-je sincèrement.
Quand il parlait de frayeur, j’approuvais avec un signe de tête. La crainte que l’on eût quand on égarait quelque chose était une chose, déjà un sentiment bizarre quand on avait un objet sentimental égaré. Quand c’était notre enfant, cette sensation était tout simplement décuplé. Le simple fait de ne pas savoir ce qui s’était passé. Je voulais juste la retrouver. Remuer ciel et terre. C’était un peu la sensation que j’avais eu, en plus d’un arrachement du cœur quand j’avais vu que Nymeria n’était plus accrochée à ma main. « C’était horrible. Ces minutes m’ont semblé interminables. Mais je dois reconnaitre que Nymeria est une petite fille courageuse, elle a eu le bon réflexe. Vous n’avez pas encore d’enfants ? » Il semblait encore un peu jeune pour avoir des enfants, bien que certains en avaient à 19 ans. L’âge n’était très certainement pas une condition, mais à mes yeux l’important était de se sentir prêt à enfanter un petit être dont il faudrait avoir tout le courage pour s’en occuper. « Oui, je n’ai pas compris ce qui se passait là haut. Une folle réduction pour des petites culottes totalement inutiles je suppose encore » dis-je sur le ton de la plaisanterie.
La serveuse vint nous prendre la commande je pris pour Nymeria une crêpe au chocolat et un jus d’orange, tandis que pour moi je commandais un café et une crêpe au sucre. Je laissais Henry prendre sa commande. Puis nous reprenions notre conversation « Et sinon qu’est ce qui vous amenait dans cette foule du samedi au centre commercial ? »

Difficile d'imaginer ce qu'elle avait dû ressentir quand elle avait été séparée de sa fille. J'avais vu les ravages qu'une séparation pouvait faire sur une adulte avec Kate quand Fallon avait disparu alors pour une mère et sa fille. La situation était très différente dans le cas présence bien sûr mais la peur devait avoir été la même tant pour la fillette que pour sa mère. L'important était que les deux soient réunies, exactement comme ça avait été le cas pour ma petite amie et sa mère. Je suis heureux d'avoir pu aider. Je n'ai pas le profil d'un héros. Je ne suis pas un grand héros vaillant au cœur pur. Je n'ai pas un courage infini qui me pousser à aller au devant des dangers et affronter le monde. J'ai juste un bon petit cœur, enfin je crois. J'avais quand même ressenti une certaine jalousie quand Kate avait retrouvé sa mère après sa disparition, oui c'était égoïste d'avoir jalousé cela à Kate mais c'était ainsi. J'avais perdu quelqu'un que je n'avais plus jamais eu la chance de retrouver, que je ne retrouverai plus jamais et avec qui j'aurai aimé avoir une dernière discussion ou juste un dernier échange de regard. Seulement moi je ne l'aurai plu. Je ne pourrai plus jamais avoir cette chance et je détestais profondément cela. Je masque toutes ces pensées derrière un petit sourire poli de façade. Mère et fille assises côte à côte, c'était tout ce qui comptait. Qu'elles soient ensembles.

Elle me confirme son prénom que m'avait déjà partagé Nymeria. Deux prénoms originaux et peu communs, je n'étais certainement pas prêt de les oublier d'ailleurs. La question qui survient soudainement tombe sans prévenir. Celle-là je ne l'ai clairement pas vu arriver et elle provoque une moue de surprise avant de revenir à un sourire poli.

« Non, je n'en ai pas. »

Il n'y avait pas de regret dans ma voix, en fait je ne sais pas si j'étais déjà prêt à passer l'étape de devenir père. C'était un changement majeur dans une vie, un changement bouleversant et puis pour avoir un enfant, il faut être deux. Or il se trouve que Kate avait bien d'autres choses plus importantes à faire pour l'instant : réussir son examen d'entrée dans la police scientifique et gérer sa vie d'héroïne. Tout en essayant tant bien que mal de caser de temps en temps un petit moment avec son petit copain sans délaisser sa mère. Une vraie gymnastique à n'en pas douter. Alors un enfant dans ce mélange détonnant, ça serait vraiment improbable. Que serait-il arrivé si Sarah était encore là ? Elle avait toujours voulu des enfants. Enfin cela n'importait plus aujourd'hui.

« Oui sans doute. »

J'avais encore du mal à comprendre comment les gens pouvaient s'arracher des articles des mains et en venir à se battre pour des vêtements à certaines occasions. N'y avait-il pas plus important sur Terre pour s'épargner ce genre de querelles stupides ?

« Des courses à faire. »

Je désignais les trois sacs visiblement peu pleins et venant de trois boutiques différentes. Quelques articles sans grande importance, ce n'était pas vraiment ce qui m'importait.

« Et des acouphènes à gérer. »

Je désignais mon oreille d'un geste de la main.

« La musique ça aide à s'isoler mais pour gérer les bruits d'un endroit sur-peuple, le mieux c'est de s'y confronter. J'avoue que j'arrivais à mon quota maximum cela dit. Et vous ? Vous cherchiez des affaires pour Nymeria ? »

Nos commandes arrivent déjà crêpe au chocolat et jus d'orange pour Nymeria, crêpe au sucre et café pour Khelia et moi.