Il y avait du monde, beaucoup de monde et pourtant, rien n’avait commencé, à croire que l’information avait de quoi faire converger pas mal de curieux et j’en faisais partie. L’homme qui allait nous ouvrir les yeux sur le gouvernement m’intriguait. Étrange pour ce genre de type d’oser révéler des choses sur un gros contrat, des remords ? L’idée m’amusait. C’était la raison de ma présence, plus qu’une fièvre militantisme sur les mensonges d’un gouvernement qui ne diffère guère des autres, c’était plus pour voir si Yvan Musquet allait aller jusqu’au bout de sa démarche ou se dégonfler, encore que ça pouvait être aussi le gouvernement qui mette un terme à se grand rassemblement, possible oui… Et donc j’étais là pour voir tout ça et aussi, par la même occasion, pouvoir peut-être mettre des réponses à certaines de mes questions.
Car depuis que j’avais vu les informations virales, quelque chose avait ravivé une étincelle de curiosité dans ma tête. Durant la guerre, et surtout à Minsk, je m’étais posé des questions, souvent sans réponses, il y avait quelque chose qui clochait. Je me souviens très bien de l’ordre de retraite générale, vu ce que les Européens avaient déployés, c’était justifié mais pas totalement non plus, nous avions la force pour les combattre, non, il y avait eu autre chose ce jour-là, quelque chose qui avait refroidit l’État-major mais avant de pouvoir bien y réfléchir, un obus avait éventré et fait sauter un char à côté de moi, black-out total….

Ce souvenir me fit frissonner. Bon, arrête de faire ton vieux soldat amoché par la guerre. Fourrant mes mains dans mon pardessus gris anthracite, je regardais autour de moi, il n’y avait pas encore grand monde de ce côté, par précaution, je m’étais installé à bonne distance, déformation professionnelle certainement et aussi pour éviter de me retrouver collé dans la foule, une chose que je détestais. Bon je n’étais pas non plus confiant dans la suite du déroulement de ce meeting sur la vérité, soit Musquet allait balancer des infos bidons, déjà connus et la foule allait réagir méchamment, ou alors, quelque chose viendrait l’arrêter et dans ce cas, la foule allait devenir une horde sauvage qui allait piétiner pour survivre. J’étais juste en dessous d’un petit échafaudage réalisé pour l’occasion et qui supportait un écran géant afin de diffuser à la foule encore plus éloignée qui ne manquerait pas d’arriver de pouvoir avoir un gros plan sur le pupitre de Musquet.
Une cigarette vint se lover entre mes lèvres et après l’avoir allumée, je tire une bouffée, ne ressentant que très difficilement le goût, le métal envahissant ma bouche. C’était maintenant une chose qui faisait partie de mon quotidien. Distraitement, je remarque des agents de la sécurité, des pro, d’anciens militaires pour certains, ce qui m’embête légèrement, non par peur de revoir un ancien camarade d’unité, mais surtout parce que les sociétés privées avaient du mal à gérer des foules… Déjà que les flics aussi avaient du mal alors bon. J’avais bien fait de m’éloigner de l’estrade, tout me semblait fait ici pour que ça dégénère lorsque enfin commencera le grand show mais j’avais espoir tout de même de pouvoir tirer certaines choses au clair dans ma tête.

L’ennui commençait à m’attirer… Finalement, c’était peut-être mieux que je parte. Mais alors, une agitation arriva vers l’estrade. Enfin, il arrivait, il voulait peut-être ménager son petit effet et cela semblait réussi, car dans la foule, des cris se firent entendre. Restant à ma place, simple spectateur, j’attendais donc son speech. Comme un présentateur faisant monter la sauce, le voilà qui commence à parler génocide et autres joyeusetés… Ben tiens, Ok, le Gouvernement cache des choses, mais si c’est pour dire ça, ce n’était pas un scoop. Même le plus abruti des citoyens sait que durant une guerre, il y a des choses horribles, c’est dans la nature de l’homme et j’en parle en connaissance de cause.
L’écran devient noir, un décompte… Ouha, j’ai l’impression de voir le lancement d’une nouvelle marque de lingerie… Au final, je pense être déçu de tout ça. Mais… Des détonations, d'instinct, je me baisse, mais comme la plupart des gens ici, je n’ai pas peur, non, ma posture est plutôt militaire et machinalement, ma main se pose sur une arme que je ne possède pas. Je regarde autour de moi, je ne crains rien, elles sont éloignées, mais elles risquent de provoquer des dommages dans les rues. C’est quoi ce bordel ? Je me redresse en même temps que pas mal de monde, je vois des flics s’exciter avec leurs radios, ouais, quelque chose arrive et d’ailleurs, elle arrive pile sur l’estrade et je manque de rire en voyant son accoutrement, c’est quoi ce bordel ? De la surprise, des coups, l’homme des vérités s’effondre dans une exclamation inquiète de la foule. Ici, je ne peux rien faire, je ne suis qu’un homme dans la masse alors je regarde, j’écoute.

Ogre… Oh ben tiens, je suis déçu, Spartacus aurait été tellement plus frappant, avec un peu d’huile sur le torse, il aurait fait sensation dans un club SM de la ville. Mais visiblement, il n’est pas là uniquement pour faire du spectacle, quand bien même il se prétend lui aussi porteur de vérités.
Merde, est-ce que je suis sur le coming-out d’un super vilain qui veut marquer les esprits ? La police s’active, mais ce n’est pas forcément évident, la foule déjà, les barrières aussi, voilà ce que ça donne de ne pas assurer la sécurité d’un événement, on se retrouve toujours dans la merde par la suite. Je ne bouge pas, de toute façon, je n’étais pas venu pour faire quoi que ce soit, et puis je n’étais pas un héros masqué secourant la veuve et l’orphelin.
Maintenant, même si j’étais cynique par rapport à cette entrée théâtrale, je ne devais pas oublier les explosions. Même si Ogre semblait juste être un dégénéré, il y avait de forte chance qu’il soit derrière les bombes et donc… Il y en avait peut-être ici… D’ailleurs, j’étais à côté d’une structure qui pouvait facilement en posséder une… Pas bon du tout, je n’allais pas jouer le héros en utilisant mes pouvoirs contre cet Ogre, mais je n’allais certainement pas rester inactif. Mais le problème, c’est que sans voir la chose… Je ne pouvais rien faire… Bon, sans attirer les regards sur moi, je préparais mon pouvoir, lentement, mais sûrement, une légère vibration remonta le pilier métallique qui supportait l’écran au-dessus de moi, quelque chose d’infime, de même que le bruit, mais au moins, je me mettais en condition pour éviter une mauvaise surprise, après tout, vu l’arrivée tonitruante d’Ogre, je doutais qu’il reste juste là, à déballer ses vérités.

Merde, j’étais dans un dilemme… Ma première réaction, c’était de juste regarder, admirer un gladiateur faire son petit speech, après tout, j’en avais rien à faire, je suis ici pour des réponses, mais visiblement, à cause d'Ogre, je n’allais pas en avoir… Ennuyant mais pas dramatique. Et pourtant, il y avait autre chose qui passait dans ma caboche, une chose bien plus terrible, celle d’agir. Le problème, c’était que je n’avais pas d’arme, rien, sauf peut-être mon pouvoir.
Dilemme… Je ne voulais pas qu’on me remarque, j’avais une vie bien rangée et faire le con allait bousiller ma vie, c’était un fait, j’allais sûrement devoir rendre des comptes et très vite. Et pourtant, je commençais à marcher en direction de la tribune, la foule en panique essayait de fuir, les flics jouaient de la matraque. Ma respiration était calme, lucide, oui lucide, mais très con, ce que j’allais faire allait bousiller mon travail, je n’étais pas idiot, mais il fallait pourtant agir et attendre quelque chose des flics était inutile. Maudite Fallon, elle et ce désir de justice, voilà qu’elle m’avait contaminé bien plus que je ne le pensais. D’ailleurs, à faire ce que j’étais sur le point de faire, elle allait certainement tomber des nues. Pourquoi, mais pourquoi bordel de merde, j’étais prêt à risquer ma vie pour tout ça hein ?

Fendant la foule, je me rapproche d’un flic visiblement allant avec allégresse frapper au hasard des gens, lui aussi essayait d’aller vers le taré qui continuait son discours que je n’écoutais plus vraiment. Bon, c’était le moment de jouer la carte de mon pouvoir, un arrière-goût métallique emplit ma bouche, je déglutis, je n’étais pas une foudre de guerre avec mon pouvoir, il me servait rarement, parfois tout de même pour mes contrats, mais c’était rare et plus une béquille qu’un atout indispensable.
Proche du flic, je tends le plus discrètement ma paume vers lui afin de sentir l’arme vibrer avec mon pouvoir, avec de la chance je pouvais réussir mais c’était tout de même risqué, la foule, le flic en lui-même pouvait sentir son arme s’arracher, en fait, c’était même sûr, vu qu’il y avait ce foutu système d’attaches de sécurité mais peu importe, j’étais décidé et avec une arme j’allais peut-être pouvoir régler le problème d’Ogre.

Le problème, c’est que je n’étais vraiment pas sûr de moi, tout pouvait partir en chaos et c’était sûrement ce qui allait arriver. Mais il fallait arrêter ce mec maintenant. Au dernier moment, je suspends mon geste, non, c’était trop impulsif et pas malin, j’arrive à bonne distance de la scène, il y a encore de la foule, on me pousse, je suis vraiment à contre-courant et je risque peut-être de me faire remarquer comme une menace par Ogre ou des flics, mais maintenant, je projette mon pouvoir sur un des écrans suspendus au-dessus du pupitre…. Si je me loupe, on ne verra rien… Si je réussis, j’ai moyen de surprendre Ogre.

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