Naissance d’Erna lors d’une glaciale nuit d’hiver 2012.

Prise en charge par sa Sœur Supérieur, Kára, depuis sa naissance, Erna découvre cette année son arme de prédilection : l’arc et la flèche. Exigeante, Kára ne compte pas entraîner que son physique, mais également son intellect, en lui enseignant leur culture, celle de leurs alliés et de leur ennemi ainsi que l’art artisanal valkyrien.

Il est temps, elle est prête. Erna part en quête d’un partenaire masculin. Indifférente et insensible aux difficultés des humains, Erna se concentre uniquement à trouver un homme pour accomplir son devoir et rentrer le plus tôt possible au Temple.

Malgré l’affligeante facilité avec laquelle Erna a réussi à harponner cet homme dont elle ignore le prénom pour assouvir son objectif, elle doit tout de même reconnaître qu’il n’a pas été bon à rien, puisqu’au printemps 2036, Erna accouche non pas d’une, mais de deux filles. Des jumelles : Signý et Eydís.

Vision d’une nuit d’orages par toutes les Sœurs Suprêmes. La vie des dieux engagés, une partie de l’Ordre se rend dans la plaine de Vigrid tandis que l’autre protège le temple, les plus jeunes sœurs ainsi que les Pierres d’Âmes. Erna fait partie de ces derniers. Ayant pour mission de préparer armes et armures, elle confia ses filles à ses sœurs. Elle n’imagina pas une seconde que le temps de récupérer le matériel adéquat, le Ragnarök débuterait. Lorsqu'une violente déflagration retentie, Erna se trouve à plusieurs kilomètres de chez elle. Ce qui ne l'empêche pas de comprendre ce qui se passe. S’ensuivent le vide, le néant, les larmes de sang et la psychose.

Erna est dévastée par la perte de ses filles, de sa famille, de ce lieu sacré et de cet abandon divin. De mémoire de valkyrie, jamais elle ne connut si cuisante défaite et ne ressentit un tel désarroi. Ayant du mal à y croire, s’enfermant psychologiquement dans ce cauchemar, Erna s’isola au fin fond des forêts scandinaves. Vivant en total ermite, Erna ne vit plus, elle survit en chassant et en dormant à la belle étoile ou dans des cabanes abandonnées. Devenant de plus en plus sauvage, la folie prend le dessus sur sa condition de valkyrie jusqu’à une crise de paranoïa. A son réveil, elle se retrouve au beau milieu de la forêt et découvre que tout autour d’elle est détruit. Les arbres sont lacérés, les fleurs, les buissons et les ronces sont coupés, les bûches mortes éventrées et sa cabane de fortune réduite en pièce. Erna comprend qu’elle a été victime d’hallucinations, se croyant de nouveau au jour du Ragnarok. Elle ne peut continuer ainsi et se rend à l’évidence que ni elle ni le sort de ses Sœurs n’avanceront ici. En restant ainsi, elle bafoue le sacrifice de toutes ces morts. Ces morts qui réclament justice et vengeance. Ce n’était pas avec la folie qu’elle allait pouvoir retrouver un indice, une trace ou une solution pour retrouver leurs dieux. Erna reprend les choses en main, bien décidée à retrouver la place des valkyries, ses sœurs survivantes, ses dieux, ainsi que tout allié pouvant l’aider dans ces tâches.

Arrivée à Europolis. Début compliqué, car elle s’est isolée longtemps et le monde civilisé est bien différent de celui dont Kára lui avait parlé et de celui de ses souvenirs. Erna se retrouve vite perdue, sans nourriture et sans argent, elle se retient d’user de sa force, ne voulant pas se faire repérer. Sa rencontre avec un vieil homme, Jack O’Meara, va tout changer. Ancien flic reconverti suite à une vilaine blessure l’empêchant de continuer son service, il s’est mis à son propre compte et est propriétaire de l’Armurerie depuis deux ans.

Erna devient Carys Beyle grâce à Jack qui lui offre une nouvelle identité en toute sécurité. Il lui apprend son métier, l’utilisation de la technologie et d’une arme à feu.

Décès de Jack durant l’été 2048. Carys hérite de l’Armurerie selon un simple bout de papier que les humains nomment testament. Erna/Carys agrandit secrètement l’arrière-boutique en installant un passage secret menant à une salle secrète dans laquelle elle forge des équipements de guerre pour les Valkyries, les Amazones et les Atlantes. Il est temps que les divins reprennent du service.

Salut ! Moi c'est Secret mais appelez moi Laureline. J'ai connu le forum via un petit poisson flic et je pense que je vais réussir à intégrer toutes les informations, car votre forum est très riche, mais ça devrait le faire petit à petit.
Sur une échelle de présence de 1 à 7, je pense être présent(e) 5/7.

Une semaine s’était écoulé depuis son arrivée à Europolis. Pour ne pas être repérée, Erna s’était vêtue d’un jean et d’un vieux sweet. Capuche dissimulant sa crinière de feu, elle déambulait parmi les humains. Toutes ces lumières, ce bruit incessant et cette foule… C’était insupportable. Pour elle qui avait vécu deux années au milieu de la nature, le choc fut radical. Elle connaissait la vie de débauche, sans intérêt et sans valeurs des humains. Erna n’avait jamais porté d’attrait à leur civilisation, mais sa Sœur Supérieur avait tout de même veillé à le lui inculquer comme toutes les autres.

Néanmoins, le monde humain d’aujourd’hui n’avait plus rien de semblable ni à celui enseigné ni à celui de ses souvenirs. Depuis son arrivée, elle n’avait rien mangé. Il n’y avait rien à chasser et lorsqu’elle trouvait les supermarchés, elle comprit vite qu’il n’était pas possible de se servir « gratuitement ». Un principe aberrant pour elle, mais elle n’insista pas, ne voulant pas utiliser la violence et se faire repérer. En y réfléchissant, il lui semblait bien se souvenir que Kára lui avait parlé de troc, d’échange de quelque chose pour pouvoir obtenir de la nourriture, mais à mesure qu’elle marchait dans ses ruelles sombres, ses souvenirs s’éloignaient. Sa vision devenait floue et, bientôt, elle n’eut plus la force de réfléchir ou de se concentrer correctement. Erna ne se rendit même pas compte que depuis une bonne trentaine de minutes elle était suivie. Une minute plus tard, elle s’écroula de fatigue et de faim.  


A son éveil, son environnement n’était plus le même. Plus de ruelle humide et sombre à l’horizon, mais une pièce confortable dans laquelle Erna reposait sur un canapé. Où était-elle ?

« Tu es réveillé, on dirait. Bonjour, je t’ai apporté de quoi mang… »

L’étranger pénétrant dans la pièce ne termina pas sa phrase, stupéfait par la réactivité fulgurante d’Erna. Par réflexe, elle avait bondit sur le sol, manquant de peu de lui envoyer le plateau en pleine figure s’il n’avait pas lui-même eu le réflexe de reculer de quelques pas.

« Houlà! Ce n’est que de la nourriture, ne la gâche pas. »

Prête au combat, Erna prit une position défensive. Qui était cet homme ? Etait-il un danger ? On lui avait appris à analyser le danger et les personnes rapidement et ne pas se précipiter sur des conclusions hâtives. En une fraction de seconde, Erna observa son adverse qui s’était immobilisé sur place. Il s’agissait d’un vieil homme boiteux qui portait un plateau rempli de bonnes petites choses, mais sûrement empoisonnées. Elle supposa qu’habituellement, il devait marcher en s’appuyant sur une canne, mais Erna voyait au-delà de cette apparence bienfaitrice, inoffensive et fragile. Malgré son âge avancé, elle décela un sang-froid impressionnant et un grand contrôle de soi. Pas un signe de crainte, d’appréhension ou de peur. Sous ces vêtements, elle identifiait un corps qui avait été entraîné. Son maintien droit comme un i et ce haut un peu trop collé au niveau des bras laissaient transparaître la forme des muscles. Il se maintenait en forme. Le boitement de sa jambe était un point faible avantageux, mais il ne serait clairement pas un obstacle pour se battre. Il serait même un peu trop évident de sauter tête baissée dessus. Il s’y attendrait.

« Ça y est ? Tu as fini ? » Son regard perçant se rétrécit tandis qu’elle réaffirmait sa position, bien ancrée sur ses appuis, ne quittant pas une seconde cet inconnu. « Bien. Je ne te veux aucun mal. Je t’apporte juste de quoi manger, je me suis dit que tu devais avoir un petit creux. Alors, je vais déposer ce délicieux petit-déjeuner sur la table. Je te le dépose. Là. Doucement. Tout doucement… »

À mesure qu’il parlait, il déposa lentement le plateau sur la table pour ne pas effrayer son hôte. Aucun mouvement brusque, comme s’il faisait face à un animal chétif. En réalité, il faisait face à un animal farouche, dangereux, agile, surentraîné et à l’instinct très aiguisé. Il l’avait déjà remarqué hier soir dans la rue. Malgré son sale état, sa démarche et son attitude n’appartenaient pas aux personnes lambda.

« Qui êtes-vous ? Je suis où ? Qu’est-ce que vous voulez ? »

Son intuition d’ancien flic ne l’avait pas trompé. Maintenant qu’il la regardait, il reconnaissait ce regard. Il connaissait que trop bien cette lueur dans les yeux. Celle qui a rencontré et qui a vu la mort à de nombreuses reprises. Qui a vu des horreurs, qui en a commis et qui n’hésitera pas à recommencer. Cependant, ce n’était pas cette lueur qui l’inquiétait dans ce regard. Ce qui l’interpellait et qui le frappait, c’était cette pointe de désespoir et de regret immense. Il reconnaissait une tristesse et une colère d’une perte effroyable. Il se revoyait dans ces pupilles auréolé de vert. Il n’en doutait pas une seconde, puisqu’il l’avait vécu lui-même, l’avait vu dans son propre regard. Il ne connaissait pas cette femme et n'en avait pas besoin pour en être certain.   

« Je m’appelle Jack O’Meara. Tu étais mal au point hier. Tu semblais perdue et avoir besoin d’aide alors je t’ai emmené en lieu sûr. Tu es dans l’arrière-boutique de mon armurerie et au risque de me répéter, je ne te veux aucun mal. Mais je peux comprendre ta méfiance, alors si tu préfères d’abord discuter au lieu de manger, discutons. »

Le dénommé Jack s’empara d’une chaise pour s’asseoir et attendit patiemment que son hôte lance la discussion ou prolonge les hostilités. Sa réaction interloqua Erna. Son attitude était déroutante pour la valkyrie, mais force est de constater qu’il ne lui avait rien fait pendant son absence. Il la recueillait, et même si elle ne l’acceptait pas, il lui sauvait la vie. Malgré cette évidence, Erna ne toucha pas à la nourriture si gentiment proposée par cet étranger. Trop méfiante, elle connaissait les ruses, la manipulation et la cruauté humaine. Pourquoi ferait-il ça ? Quel intérêt ? Quel avantage avait-il à le faire ? Que gagnait-il ? Que cachait-il ? Se doutait-il de son identité ? Il devait y avoir anguille sous roche. Il ne pouvait en être autrement dans son esprit. Erna garda donc ses distances et débuta un très long interrogatoire une très longue conversation pour démêler le vrai du faux.

Après toute une journée passée dans cette pièce, Erna en conclut que Jack était un vieil homme seul, qui voulait aider et qui en avait les moyens. En tant qu’ancien flic, il pourrait l’aider à s’intégrer aux humains sans grande difficulté. Ce dernier point, elle l’avait gardé bien sagement pour elle. Erna accepta donc son aide tout en restant sur ses gardes, car il lui paraissait toujours incongru que Jack se fiche de son identité et de son passé. Il lui avait rétorqué qu’il n’avait pas besoin de la connaître, qu’il avait déjà vu l’essentiel et ce qui l’importait. Et cela lui suffisait pour qu’il l’aide. Erna trouvait cela tellement étrange, que Jack finit par lui proposer un marcher, une contrepartie. En échange de l’aider, Erna devait accepter de l’aider en retour en l’assistant dans son travail. Monsieur se faisait vieux et il avait besoin de quelqu’un pour l’aider au quotidien dans son travail. Pensant enfin comprendre qu’il y avait bien une raison à tout ceci, Erna accepta, en gardant toujours un œil sur lui. Si elle sentait quoique ce soit, Erna pourra toujours s’en débarrasser en le tuant. La valkyrie ne comprit que bien plus tard les réelles et bonnes intentions de Jack. Tous les humains n’étaient pas à mettre dans le même sac.


Comme à chaque fin de journée à L’Armurerie, Carys abaissa le rideau métallique. Alors qu’elle était en plein rangement, Jack apparut avec deux verres dans les mains, exigeant une pause. Ils l’avaient bien mérité après cette longue journée de travail. Il lui proposa une boisson jaunâtre mousseuse que les humains appelaient une bière. Elle déclina son offre, préférant le verre d’eau. Elle ne souillerait pas son corps d’un écœurant breuvage aux effets indésirables.

« Tu as une famille Carys ? »

Prise au dépourvue, elle but de travers. Elle ne s’attendait pas à une question personnelle. En vérité, à aucune question de ce genre. D’habitude, ils se contentaient de ranger le magasin, de faire un point sur la journée, d’activer les alarmes et de rentrer chacun chez eux. Sauf lorsque Jack avait prévu de lui apprendre à utiliser l’ordinateur, une arme à feu ou comment gagner de l’argent et s’acheter de la nourriture ; mais ça faisait presque deux ans que Carys travaillait avec lui désormais. Elle savait y faire et ils n’avaient tout simplement rien prévu aujourd’hui. À quoi jouait-il ?  

« Ne me regarde pas comme ça voyons » s’exclama-t-il en riant. « C’est une simple question, pour faire la conversation. Il n’y a aucune arrière-pensée de ma part. Tu n’as pas à être méfiant avec moi, tu devrais le savoir depuis le temps. »

Elle le savait, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. C’était plus fort qu’elle. Un instinct de protection, de survie. Au fond, Erna savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Il aurait pu maintes fois la dénoncer ou s’en prendre à elle et être tué dans la tentative, mais jamais il n’avait montré un signe de crainte, de méfiance, de méchanceté ou d’agressivité à son égard. Ce fut donc avec prudence, mais sincérité qu’elle finit par lui répondre.

« J’en avais une. Des sœurs… et deux filles. Des jumelles. Signý et Eydís. Elles sont toutes mortes. »

Erna ne révéla rien de plus. Il n’y avait pas besoin d’explication. Dans ce monde de cinglés, les morts n’étaient malheureusement pas anodines. Ces morts étaient tout de même bien différentes, puisque dues à un génocide et non à une mort naturelle.

« Et vous ? »

« Plus personne, comme toi. Il n’y a plus que moi. J’avais une fille à l’époque. Là, regarde. » Joignant le geste à la parole, il sortit de sa poche son portefeuille pour lui montrer une photo d’une adorable petite frimousse rousse qui devait être âgée de huit ou dix ans. « Mignonne, n’est-ce pas ? On ne dirait pas comme ça, mais c’était une vraie chipie! Elle ne m’écoutait pas beaucoup. Ma petite puce a été victime d’une balle perdue… Elle s’appelait Carys. »

À l’écoute du prénom, Erna fixa Jack avec étonnement. Elle avait bien entendu ? Oui. Elle était loin d’être sourde et ce n’était pas en fronçant les sourcils comme pour sonder sa pensée qu’elle allait y parvenir. Pourquoi ? Elle ne comprenait pas.

« Vous m’avez donné son prénom ? Mais pourquoi ?! »

Elle n’obtint qu’un regard nostalgique de tendresse accompagné d’un sourire énigmatique qu’elle fût incapable de déchiffrer. Pourquoi lui fallait-il une raison ?


Sous la douce brise du vent, seule parmi les morts, une flamboyante rousse se tenait face à une pierre tombale, les yeux rivés sur les inscriptions.


Étrange coutume. Pour autant, Erna la respecte même si elle ne la comprend pas, comme elle n’avait jamais vraiment compris ce vieux bougre. Pourquoi l’avait-il sauvé ? Pourquoi l’avait-il aidé ? Jack lui avait donné une fausse identité et le prénom de sa fille perdue à jamais. Il avait partagé ses connaissances, son savoir-faire, son expérience et sa création. Tout, il lui avait tout donné alors qu’il ne savait rien d’elle. Erna ne lui avait jamais révélé son identité et Jack ne le lui avait jamais demandé. Il ne lui avait d’ailleurs jamais posé de questions sur son passé, pas même sur comment elle savait aussi bien se battre et si ignare face à la technologie. Rien, rien du tout. À part lui avoir dit qu’elle avait eu des sœurs et deux filles et qu’elles étaient toutes mortes. Rien de plus, rien de moins. Tout cela semblait lui suffire, comme s’il n’avait pas besoin de savoir qui elle avait été pour savoir qui elle était aujourd’hui et qui elle pourra être demain.

En fin de compte, Erna n’avait eu aucune réponse à ses questions. Pas même maintenant, alors qu’il était mort. Avec son testament, Jack n’avait pas laissé de lettre, pas d’explication. Uniquement une feuille avec ces quelques mots :

Fais ce que tu as à faire. Quoiqu’il arrive, reste toi-même. Ne te fourvoie pas, mais n’oublie pas pour autant de vivre.

PS: trouve un homme. C’est un crime qu’une aussi belle femme soit seule !

Erna esquissa un sourire en coin en se remémorant ces mots. Décidément, il aura eu le dernier mot jusqu’à la fin. Quelle tête de mule !

« Ton post-scriptum, tu peux te le mettre où je pense. Pour ce qui est du reste… » Elle s’accroupit et déposa un rameau de fleurs sur la pierre.
« Je te le promets, vieux fou. Part tranquillement vers ton Valhalla. »

Une tête de mule à laquelle elle s’était attachée malgré elle. Pourtant, la silhouette de Carys ne réapparaîtra plus devant cette tombe. Erna ne comptait pas s’éterniser davantage tout comme elle ne comptait pas revenir. Elle venait de faire ses adieux à Jack et il était grandement temps de passer à l’action. La guerrière s’était suffisamment reposée et l’heure avait sonné de mettre en pratique ce qu’elle venait d’apprendre ces quatre dernières années.