Je fronce les sourcils en voyant une blondinette arriver en titubant. Et le chef qui fait signe en même temps à l’équipe. C’est qui elle ? Je pige bien que c’est son atout, mais merde, elle sort d’où ? Pas le temps de s’interroger pourtant, et puis, le chef sait ce qu’il fait. Une autre explosion plus loin. Encore. Prévue aussi ? Et il fout quoi ce con à pas répondre ? Ça, c’est pas cool. J’aime pas du tout, c’est pas du tout son genre, même si c’est aussi un sale con. Ma mâchoire se crispe alors que je les regarde pénétrer dans le bâtiment. Ça craint, et pas qu’un peu.
J’inspire profondément, les yeux fermés, avant de reporter mon attention sur la rue. On se concentre Eulewald, la mission fait que commencer.

J’ai jamais été très patient, et devoir attendre, sans voir ce qu’il se passe, c’est pire que tout. Sauf que j’ai pas à attendre longtemps en fait.
J’entends les taptap. J’entends Anders. J’entends les coups de feu.
Je disais que la tension était pas encore au top, pas vrai ? Mais je voulais pas dire par là qu’il fallait qu’un Fox disparaisse des fréquences… disparaisse tout court. Merde.  On est pas censé perdre d’hommes. Pas sur une connerie pareille. Mes mains se serrent sur le volant, mais j’ai pas vraiment le temps de réfléchir ou de chercher le pourquoi du comment. Tout le coin s’illumine, comme un putain de matin de Noël, ne laissant pas vraiment de zones d’ombres, quand bien même on est encore un peu en retrait heureusement. Durant un instant, je me dis que c’est  l’explosion plus loin qui réveille la ville et attire les curieux et autres flics. Sauf que non. Je me redresse dans mon siège, le visage fermé, quand je vois des bagnoles et une bonne dizaine – vingtaine, trentaine ? - de flics s’arrêter juste devant l’immeuble, alors que le fourgon se pare dans le même temps de plusieurs petits points verts. Oh putain de merde. Je lève la tête en entendant un bourdonnement reconnaissable n’importe où. Je le vois pas, mais c’est pas trop compliqué de deviner. De mieux en mieux.

« Cinq à un, compris. Ça brille comme un sexshop dans un village mormont. On a pas mal de compagnie, et pas qu’au sol. Vous allez avoir des emmerdes de tous les côtés. » Je regarde à l’arrière du fourgon, et passe entre les sièges pour farfouiller dans ce qu’on a emmené, mon arme à côté de moi. « J’ai de quoi faire quelques jolis kaboum aussi par ici le cas échéant… »

Je sors quelques petites grenades et essais de ma part, espérant juste que ça me pète pas à la gueule. Remarque, vu le stock, ça ferait un joli feu d’artifices, et avec de la chance, j’emmènerais pas mal de monde avec moi. Mais comme dit, j’ai pas encore envie de mourir. Pas alors qu’ils sont à l’intérieur.
Je secoue la tête quand l’oreillette crépite de nouveau.

« Ils sont trop nombreux et ils bougeront pas, pas alors que les autres sont encore là. » Et genre je vais me casser et abandonner les autres. Je grimace et esquisse un sourire. « Et je vais pas me barrer alors que ça devient intéressant. Surtout pas alors qu’ils essaient de nous entuber. Essaie de trouver un moyen de les faire sortir de là si tu peux. Moi, je vois à quel point je peux m’amuser et tout faire péter… »

On pourra pas dire que je fais pas dans le classe et le délicat. Et pendant que je sélectionne, le visage fermé malgré tous les jouets, je tente de contacter Mc Hall…. On ne sait jamais, pas vrai ?

Tout s’embrouille. Tout va trop vite. C’est la merde. Heureusement, mes ordres sont encore exécutés. Je ne dis pas que ça va nous sortir d’affaire, loin de là, mais c’est au moins un bon début. Riley déjà, se met en place. Au moins quelque chose qui tourne bien dans cette équipe. Tant que les directives seront suivies, il y avait au moins une chance pour que la discipline nous tire de ce mauvais pas, ou y contribue. La partie de moi qui est habituée à commander étouffe la partie la plus humaine, qui a envie de se jeter au secours de ses potes qui apparemment sont en train de se faire tuer dehors. L’oreillette crépite alors que j’essaie de contacter McHall, arme braquée sur la blonde de l’équipe, la nana que j’avais essayé d’intégrer. C’est… Lauren ? Ca faisait un petit moment que je n’avais pas eu de ses nouvelles. Anders avait dû la prévenir, avant de… Avant de quoi ? De calancher. Putain Jean reprends-toi, c’est triste, tu t’en voudras plus tard, parce que là il y a encore sept personnes qui comptent sur toi pour s’en tirer. Elle se rend disponible, Lauren. Je réfléchis à toute vitesse. Lukas reçoit la communication et il veut entrer dans la danse. J’allais leur donner des ordres, quand la blondasse me soutient que c’est pas une putain de flic. Je plisse les yeux. J’essaie de lire en elle, flingue toujours tout droit pointé sur sa tronche.


| J’ai confiance en mon équipe. Toi, t’étais encore intérimaire, et je suis pas sûr que je valide ta période d’essai. |


Après tout, elle nous avait envoyé dans la gueule du loup et nous avait même permis d’entrer, pas vrai ? Je la laisse sortir son téléphone, continuer son petit discours. Je lui laissais le bénéfice du doute, pas seulement parce que je n’avais pas vraiment le choix, mais aussi parce que la garder en vie était peut être une de nos dernières portes de sortie envisageable, si je ne me trompais pas.


| Vas-y. |


Les parois du bâtiment étouffent les sons et appels à la reddition du dehors. On nous appelle plusieurs fois. Mais on n’entend plus que la voix du mec qui est au bout du fil. Elle jette son arme. On attend le rappel. Qui ne tarde pas. Je la jauge du regard. L’échange est intense, mais silencieux. J’essaie de lire la vérité en elle, mais c’est bien compliqué à distinguer. La mine d’information est terrible. Précise. Plausible. Glaçante. Un voile de sueur froide apparaît sur mon front, et dans mon dos. Yeux écarquillés.


Une femme. Tout le monde de sauf, en dehors de moi. Quelqu’un a négocié notre reddition avant même qu’on ne tire le moindre coup de feu. Je reste là. Interdit. Je déglutis. Pas d’artifices dans ce regard que la blonde me jette.


Le regard coule vers Katerine et Riley. Mon sang bat au niveau de mes tempes. Mon cœur bat la chamade. J’entrouvre la bouche. Je déglutis. On avait traversé une guerre à plus de cent millions de morts, le double de la guerre mondiale précédente. Plus les autres victimes liées. Quoi, un demi-milliard en cinquante ans ? Allez savoir. J’avais franchi ça avec ces mecs et ces nanas. Tous des tueurs. Des psychopathes, des sociopathes endurcis. Ca avait été dur, mais j’avais tout donné. Et voilà que Riley, ou Katerine, avait lâché les infos. Il y avait de grandes chances pour que demain, mes filles aient en gros plan la tronche de leur père menotté devant les flics, ou abattu en pleine rue. C’était les risques. Mais ils ne devaient pas arriver comme ça. Je me sens trahi. Avoir le sentiment que la guerre n’avait rien réglé, que quinze ans de tueries de masse n’avaient servies à rien, c’était une chose. Savoir qu’on l’avait fait auprès d’une famille plus vraie que la vraie, et qu’elle s’avérait déloyale, ça me filait un frisson de mauvais augure, ça me filait le gerbe. Je range mon arme. La messe dite, pas vrai ? La déception, la honte et le mépris me serrent la gorge.


| Alors, c’est comme ça que ça doit se terminer, hein ? Je veux pas savoir qui c’est. Je m’en cogne. J’ai tout donné pour vous, pour tout le groupe. J’en ai chié mon mariage et j’ai même dû tirer un trait sur mes gamines. Et maintenant, le couteau dans le dos. La conne qui a provoqué ça peut s’en vouloir, les flics n’ont pas dû tenir leur langue. S’ils ne sont pas au courant des attaques contre McHall et Anders, ni de ce qui nous arrive sur la gueule par le toi, c’est qu’on s’est fait doubler ! On va tous mourir si on reste ici. Mission abandonnée. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez, mais moi, je sors. Je me ferais pas crever sans bouger. |


J’active mon communicateur. Les flics nous écoutent peut être… Tant pis !


| Cinq ? Fais tout-péter et tire-toi avec Cold. On se démerde ici. Tu te souviens de notre discussion, autour de ce verre après ton accident ? On y est. Rendez-vous en enfer. |


Je me tourne vers Cassiopeia.


| Ton « frère », il a un truc à nous donner ? C’est ça ou tenter le frontal avec 15 mecs en haut, ou 50 dehors. |

Jean est trahi. Il donne l’ordre à ceux dehors de s’en sortir, et voit avec ceux dedans pour ce qu’il peut rester à faire.
Il me reste 8 Points de Baston avant de tourner de l’oeil
J’ai encore 3 (-1 ce tour) Bonus de Marave à cramer.

C’est comme recevoir de l’acide dans les veines. Non pas que je sache vraiment ce que ça fait, mais ça pourrait pas être pire. Jusque-là, malgré les flics en tenue, malgré l’hélico, malgré l’absence de Mc Hall, ça allait, c’était gérable, c’était même positivement stressant, le genre de truc qui vous boostent et vous poussent plus loin. Peut-être pas le silence radio des deux autres, mais le reste ouais. Sauf que là…
Tout se fige, alors que les échanges s’enchaînent à l’intérieur, alors que la nana inconnue, sept ou pas sept, je m’en cogne je la connais pas, balance sa bombe l’air de rien. Non. Black… J’ai un sourire en secouant la tête. Aucun de nous n’aurait mis le reste de l’équipe en danger, même pour sauver son putain de cul !

… Pas vrai ?

Pourtant le chef lui y croit. Comment ne pas y croire en voyant tout ça ? Mais merde, une des filles ? Non, je sais que je suis un peu con, mais non, ça non. Et d’où elle vient cette connasse qui foutait tout en l’air ? Ouais, ça va, je sais, c’est pas elle, mais je m‘en cogne, c’est plus facile de lui foutre tout ça sur le dos.

« Ouais, je me souviens Chef… même si j’aime toujours vraiment pas cette idée. » Parce que sans eux… Sauf que… Ouais, elle rit. Et je le reconnais ce rire, même s’il est plus sauvage et plus dur que d’ordinaire. Et j’arrête mon mouvement alors que j’attrapais une grenade incendiaire. « … Bloody ? Qu’est-ce que tu… » Ma mâchoire se crispe. « Minsk ? On peut avoir des explications ou on va tous crever comme des cons sans savoir pourquoi ? »

Dénoncer. Elle avait vraiment balancé les Foxes aux flics. Elle a vraiment… Putain de bordel de merde. Je jure entre mes dents, et me tourne d’un mouvement vif, mon arme braqué sur la moto qui vient de s’écraser juste derrière moi. Je la fixe un instant, le visage fermé. Elle est pas de l’équipe. Ouais et en même temps, comme toute famille qui se respecte, l’équipe se disloque. Et en même temps, c’est presque la famille. Je baisse mon arme et jette un coup d’œil dans son sac. « Garde ça pour plus tard fillette. J’ai de quoi faire joujou aussi. » Je récupère mon propre sac, avant de finir d’assembler comme je peux ma participation personnelle. « Cinq à tout le monde. Va falloir vous trouver une autre sortie quoiqu’il se passe là-dedans… et ça va faire kaboum, mais celui-là vous aidera peut-être. Vous étonnez pas si ça tremble. » J’espère, c’est un peu le but. Ça et faire bobo à ces connards qui croient nous piéger. « Grimpe sur ton engin… J’espère que tu vas assez vite. Sinon on va décorer les murs. »

Et j’enclenche le pseudo détonateur fabriqué avec 3 bouts de scotchs et un trombone à la Mc Gyver. Sauf que Mc Gyver, ça marche toujours. Mais si, vous connaissez, c’était cool comme série. Ça a pas super bien vieilli, mais le mec te fabrique une bombe avec un chewing-gum et une allumette, c’est trop cool !
Bref, tout ça pour dire, que dans la vraie réalité, ça marche pas comme ça. Je jure de nouveau, beaucoup, alors qu’un pschitt retentit dans un léger grésillement. « Okay. Ici Cinq.  Au temps pour moi. Vous avez un délai… Faut que je m’améliore en détonateur je crois. » Je tourne la tête vers Lauren. « Je me débrouillerais, pas la peine de tous crever comme des rats. Casse-toi. » Je lui tends un HK. « Ou tu protèges le temps que ça puisse faire kaboum. »

Je déteste tellement, mais tellement ces dés

Je fulminais, intérieurement. Je n’en pouvais plus. Toutes ces années de travail et de sacrifices fichues en l’air. Et tout ça pourquoi ? Le danger ? Je voulais savoir, tout autant que je m’en tapais le coquillard. C’était trop tard pour tout, maintenant. Je ne pouvais plus revenir en arrière, pas plus que ce traître le pourrait. Tout était fichu par terre en un instant, tout le temps passé à construire ensemble ces liens de confiance, à travailler en équipe pour essayer d’être meilleurs, de tout surpasser. Le regard que me jette Riley attire mon attention. Son arme se tourne vers moi. Elle n’hésite pas. Instantanément, j’ai donc la confirmation de ce que je suspectais au sein de mon équipe. Elle, c’était elle. La gamine des rues, violée et traumatisée dans sa jeunesse, qui m’avait planté un couteau dans le dos. Je la dévisageais sévèrement, avec une haine brute et sans ambiguité. Elle me dit que ma vie toute entière allait merder par ma seule faute, parce que je lui avais « tourné » le dos. Je ne comprends pas, mais je m’en fiche. Ce qu’il y avait entre nous s’était cassé, rompu, et je ne sentais plus que la colère froide née de la rancœur et de la trahison. Elle était allée voir les flics. Elle avait préféré l’ennemi à ses frères et à ses sœurs. Mon cœur se serra et je fus douché d’apprendre qu’elle savait. Elle savait pour Lily et moi. Elle était jalouse et blessée ; elle pensait que je me fichais d’eux et que je préférais les beaux yeux de la Valkyrie. C’était totalement faux. Mais pour ça aussi, c’était trop tard. Mon oreillette résonne de la voix d’Eulewald. Je déglutis. Tout part en vrille. Mais je n’avais pas pour habitude de me justifier. Ni devant ma femme, ni devant moi-même, ni devant personne.


| Ta gueule. Tu fermes ta putain de gueule, ou je jure que je te fais bouffer ta langue. |


Je réfléchissais à toute vitesse. Cassiopeia tira devant elle. Ce qui déclencha quelque chose, parce que ça s’accompagna presque aussitôt du bruit métallique de quelque chose qui roule par terre, quelque chose de métallique.


| Grena… |


BANG. J’ai l’impression d’être aveugle, rétine brûlée, submergée par le flash lumineux qui a tout dévasté sur son passage, et le son strident d’un « iiiiiih » qui me surcharge complètement les tympans et me fout à genoux. « tak-tak-tak ». Coups de feu atténués. Fulgurance dans l’épaule. Je suis touché. Je tombe à même le sol. A plat ventre. HK aligné et je réplique d’instinct, mais le monde tangue autour de moi. Je serre les dents. Presse la détente. Un cri de douleur se fait entendre de l’autre côté de la pièce malgré la fusillade intense à courte portée. Touché.


| Sept, Bloody et Deux, vous vous bougez le cul putain, sortez par devant et tentez le tout pour le tout avec Cinq ! |

Jean inflige 1/3 blessure superficielle à un soldat du groupe d’intervention, après avoir lui même pris un tir dans l'épaule.
Il me reste 5 Points de Baston avant de tourner de l’œil. (-3 depuis le début)
J’ai encore 3 Bonus de Marave à cramer.