[Livre I - Terminé] Ou on tire les ficelles, ou on essaie de s’en débarrasser

30 mars 2050

Elle appose sa signature en dernière page des documents et se redresse, éreintée par cette multitude de papier à signer. L’administratif, c’est pas trop son truc, elle est davantage une femme d’action qu’une bonne femme pour la paperasse. “Félicitation Madame Ward, le bâtiment est à vous.” La félicite le notaire tandis qu’ils se serrent la main. “Puis-je savoir ce que vous allez en faire ?” S’enquit-il en levant le regard. Ca sent le neuf, le luxe, un étalage de richesse à l’état pur. Il ne peut en être autrement dans la gueule du loup, au Forum circle. Maintenant, c’est à elle, grâce à l’argent des chinois et ses multiples contrats. Depuis le temps, elle a largement eu le temps de blanchir l’argent pour le déposer dans divers plan épargne, divers banque et comptes offshore. “Vous le saurez bien assez tôt, Monsieur Thompson.”

Elle arrive à un point ou elle ne sait que faire de tout cet argent dont elle ne pouvait vraiment profiter pour ne pas attirer l’attention. Sa fille n’étant pas plus dépensière, les milliers s’accumulaient outrageusement et dangereusement. Il était temps d’en faire quelque chose. Deux semaines, ça laisse largement le temps de ressasser les erreurs du passé et présent, pendant que sa fille était absente, Fallon faisait des recherches, elle avait pris divers rendez-vous, terminés ses contrats de développement de sites web et abandonné ce travail. Pour se concentrer sur son nouveau projet.

Le notaire récupère tous les papiers, l’agent immobilier lui laisse les clés et l’africaine est prête à recevoir le maître d’oeuvre pour les travaux à réaliser. N’importe qui se réjouirait d’être propriétaire, mais il reste encore énormément de travail à exécuter, puis Fallon n’est pas vraiment extravertie, elle garde toujours un contrôle absolu de ses émotions. Moins elle en ressent, mieux elle se porte. Le maître d’oeuvre est un pro, elle a choisi le meilleur, ils font le tour de l’immeuble pendant qu’elle lui explique avec assurance ce qu’elle veut, il prend des notes, lui explique ce qui est réalisable ou pas, cherchent d’autres solutions. Le rendez-vous dure 3 heures et l’africaine est essoufflée.

“Je me demandais, vous êtes enceinte n’est-ce pas ?” Elle acquiesce. Ca commence à se voir, son ventre s’est légèrement arrondi, elle ne peut même plus refermer ses jeans, sa poitrine est devenue plus généreuse, elle va devoir se racheter des vêtements adaptés. La veille, elle s’était rendu chez le gynécologue, c’est face à l’écran qu’elle s’était décidée. Fallon s’était retrouvée démunie alors que la gynécologue lui donnait toutes les recommandations à prendre, mais elle avait tout enregistré et était prête à faire ce qu’il fallait pour que cet enfant naisse.

Il est midi passé lorsque le maître d’oeuvre quitte les lieux. Elle envoie un message à Kate pour lui demander de la rejoindre et leur commande à manger. Elle s’assoit à même le sol du hall d’entrée gigantesque en les attendant. Kate se doute très bien que sa mère prépare quelque chose, mais elle avait tenu bon face à ses questions et n’en avait rien dit, gardant la surprise jusqu’au bout, parce qu’elle redoute la réaction de sa fille. Sera-t-elle fière ? Ou fâchée ? Sceptique ?

30 Mars 2050

Depuis qu’elle avait retrouvé sa mère, Kate ne vivait pas dans le meilleur des mondes mais ce n’était pas loin de ça. Cela faisait deux semaines qu’elle avait retrouvé sa mère, son point de repère. A côté de ça, Elle avait terminé sa dernière épreuve la veille, profitant d’une soirée bien reposante aux côtés de Fallon devant un film. La suite des évènements ne surviendrait qu’à partir de fin Avril, début Mai. Après les épreuves écrites et pratiques, les candidats retenus allaient devoir passer quelques entretiens pour cerner leur motivation et leurs capacités en temps réels. Elle n’aurait la convocation qu’à partir de la mi-Avril, celle qui lui donnerait les différentes dates de ses entretiens sur la première moitié du mois de Mai. Elle avait donc un peu de temps pour se reposer, profiter, réviser et aider Lily à la salle lorsque cette dernière aurait besoin. Aussi la brune comptait passer du temps avec sa sauveuse qui lui avait tant manqué. Evidemment, elle comptait également passer un peu de temps avec Henry. Sa présence dans la vie de l’étudiante était devenue quasi-indispensable. Il faut dire qu’il avait fait beaucoup pour elle lorsqu’il s’était rendu compte qu’elle allait mal, et ce malgré la douloureuse rupture que la jeune femme lui avait fait subir. L’avantage était qu’à présent, l’africaine tolérait de le voir à l’appartement. Elle n’était plus obligée de systématiquement choisir entre la présence de l’un et de l’autre, même si la belle évitait d’en abuser connaissant la tolérance de sa mère qui flanchait encore plus depuis que les hormones la travaillaient.

Kate n’avait jamais connu de femmes enceintes avant cette année et voilà qu’elle en connaissait deux en simultanée. Était-elle contente pour les deux ? Bien sûr si c’est ce que les deux femmes souhaitaient. Mais il était vrai aussi que la grossesse de Fallon lui apportait également d’autres sentiments. Après tout, cela faisait six ans qu’il n’y avait qu’elles deux. Aujourd’hui, l’écrivain était rentré dans sa vie mais la brune tentait plus ou moins que cela n’interfère pas dans sa relation avec l’africaine. Elle ne voulait surtout pas perdre ce qu’elle partageait avec sa sauveuse. L’arrivée de ce bébé dans leur vie n’allait-elle pas tout chambouler ? Sans en être encore totalement consciente, l’étudiante avait surtout peur de perdre sa place auprès de sa mère. Elle avait beau faire des efforts, elle passait moins de temps avec elle depuis qu’il y avait Henry. Cela restait logique, elle ne pouvait pas se dédoubler. Mais d’un autre côté, elle culpabilisait aussi, ayant l’impression de délaisser l’africaine. Et si la tueuse se raccrochait à ce nouvel enfant qui était réellement le sien au point de l’effacer du tableau ? Etait-ce seulement possible ? Toutes ces questions avaient évidemment traversé l’esprit de la jeune femme sans qu’elle n’arrive à y croire et sans qu’elle n’arrive non plus à se persuader que cela ne changerait rien. La brune avait traversé tellement de choses avec sa mère qu’elle refusait de croire que tout pourrait s’arrêter du jour au lendemain. Et pourtant, il y a deux semaines en arrière, avant de la retrouver, elle commençait à croire qu’elle ne reverrait jamais sa sauveuse. Mais surtout, depuis son retour, certains doutes persistaient au vu des cachoteries de la tueuse à gage.

Ce matin là, elle en avait profité pour faire le ménage à fond avant de sortir faire les courses. Après tout, Fallon était enceinte, moins elle en ferait et mieux ça serait. Déjà qu’elle avait subi de graves blessures en combattant Raven. Il ne fallait pas qu’elle force plus. A son réveil, elle avait revêtu un ensemble de sport et était sortie courir avant d‘astiquer les salles de bains, la cuisine puis de passer l’aspirateur et la serpillère de partout. Alors que le sol commençait à sécher tranquillement, elle avait attrapé des sacs ainsi que son manteau et était sortie en courses. Maintenant qu’elle avait le temps de s’occuper pleinement de sa mère, elle comptait lui préparer tout ce qu’elle aimait. Aussi profita-t-elle de ces courses pour acheter de quoi confectionner des lasagnes pour le midi et de quoi préparer une raclette pour le soir même. De retour à l’appartement, la brune passa en cuisine pour préparer le repas du midi. Ce n’est qu’une fois qu’elle eut enfournée le plat qu’elle entendit son téléphone vibrer. Fallon voulait qu’elle vienne la retrouver à une adresse qu’elle ne connaissait pas du tout. Stoppant le four, elle récupéra le plat qu’elle recouvrit de film alimentaire avant de le mettre au frigo, espérant que le froid ne fasse pas rendre trop d’eau au plat cru. Puis la brune se mit en route vers l’adresse donnée, envoyant au passage un message à sa mère la prévenant qu’elle arrivait. Les écouteurs dans les oreilles, la jeune femme arriva sur les lieux un peu après une heure de l’après-midi. Elle n’était pas franchement habituée à ce genre de décors. Tous les bâtiments qui l’entouraient étaient des plus impressionnants et prestigieux. Cela n’avait rien à voir avec son quartier natal. Frappant à la porte du numéro que l’africaine lui avait indiqué, elle entendit la voix de cette dernière s’élevait de l’autre côté lui indiquant d’entrer. Aussi, très surprise de pénétrer dans un tel bâtiment, elle fut d’autant plus étonnée de trouver sa sauveuse assise sur le sol du hall d’entrée. Un petit sourire aux lèvres elle referma la porte avant de s’approcher de Fallon et de s’accroupir face à elle. Un soupçon d’humour dans le ton, elle interrogea sa mère sur le pourquoi de sa venue en ces lieux.

A quoi tu joues ? Tu médites ?

30 mars 2050

Dans quoi se lance-t-elle ? C’est la question qui la taraude depuis deux semaines, en permanence. C’est ambitieux, ça va demander beaucoup de travail et d'énergie, mais à terme, ça vaut le coup. Du moins, elle le pense. Ca ne règlera pas tous les problèmes, mais ça évitera d’en avoir plus. Il va falloir s’imposer dans un monde de requin, se faire femme d’affaire plutôt que femme d’action, mais l’avantage c’est qu’elle a été formé à se faire passer pour n’importe qui. Fallon a une pléthore de personnages dans sa manche, elle est débrouillarde, inventive et imprévisible. Elle ne remet pas en doute ses compétences. Réussir, elle peut si elle s’en donne les moyens.

Pourtant, le doute la taraudait, jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle avait surtout besoin de l’aval de sa fille. Pas ses encouragements, parce qu’elle sait que ce sera le cas, mais bien son autorisation. Ca fait bien longtemps qu’elle représente un danger pour la jeune femme, même si ce qu’elle entreprend est tout ce qu’il y a de plus officiel, elle ne souhaite pas que dans le pire des cas ça se retourne contre elle. Il y aura effectivement une partie officielle bien en vue, et une partie officielle immergé. Tout d’abord, elle devra se concentrer sur la partie émergée de l’iceberg.

“C’est un peu ça.” Répond-elle en souriant à sa fille qui vient de la rejoindre. Elle se relève pour embrasser Kate qu’elle n’a pas vu alors qu’elle était sortie courir. Fallon avait simplement attraper un morceau de brioche et laissé un mot avant de se rendre à son rendez-vous avec le notaire et l’agent immobilier en charge du bien. “Je voulais que tu termines tes examens avant de te présenter ça.” D’un geste de la main elle montre ce qui les entoure.

“Il a été mis en vente il y a 8 mois, l’ancien propriétaire s’est fait coffrer pour détournement de fond, étranglé par les dettes l’entreprise a dû le mettre en vente. Sauf que personne n’a voulu racheter une entreprise salie par un criminel à col blanc et endetté, donc ils ont tout liquidé le mois dernier. Je l’ai eu pour un prix plus que raisonnable. L’immeuble.” Précise-t-elle tout de même.

“Je peux tirer un prix confortable de tout le matériel informatique qu’ils ont laissés, tu as besoin d’un nouvel ordinateur ? Garder quelques meubles et réaménager chaque étage, le maître d’oeuvre est déjà passé, il m’envoie des plans dans la semaine.” Poursuit-elle alors que sa fille semble fort surprise. Il faut dire que ne rien dépenser pendant des années et tout lâcher dans l’achat d’un immeuble ça a de quoi déstabiliser. Et ce n’est pas qu’un passage, ce que l’on pourrait mettre sur le compte des hormones de femme enceinte.

“Je te présente le futur siège de Ward investigation & sécurité.” L’enseigne est assez parlant pour qu’elle n’ait pas besoin d’en rajouter, puis Kate est une maligne, elle comprendra rapidement. Fallon est douée pour soutirer les informations nécessaire, trouver des preuves avant chaque exécution des dernières années. Ses compétences avaient gonflés le tarif de ses services auprès de Raven, mais ça n’avait pas empêché les clients de la choisir plutôt qu’un autre. Fallon fera un bon détective privée. “Je passe le concours de détective la semaine prochaine, je vais partir 3, 4 jours en France.” Elle aurait pu simplement valider ses acquis et son expérience, mais il aurait fallu se présenter avec sa véritable identité, donc elle joue le jeu de ce concours plutôt que falsifier un diplôme. Faire les choses dans l’ordre.

Pour ce qui est de la sécurité, elle est extrêmement douée pour la déjouer en tant qu’espionne, s’assurant ainsi de nouveaux clients lorsqu’elle leur aura prouvé que leur système est défaillant, elle sera tout autant doué pour leur offrir un service de protection audiovisuelle et personnelle, cela va nécessité du recrutement à long terme. C’est l’idée, développer une entreprise durable et prospère, s’assurer un confort financier et officiel, pour sa fille et l’enfant à venir. Elle a les moyens de le faire maintenant, les ressources et l’expérience pour le développer, autant les mettre au profit de quelque chose de bien pour leur sécurité.

On frappe à la porte, avant que Kate n’ait le temps de dire quoi que ce soit, Fallon va ouvrir et récupérer sa commande. Des salades et revient vers sa fille en déposant leur commande sur le comptoir de l’accueil. “Qu’est-ce que… Tu en penses ?”

30 Mars 2050

Fallon avait l'air d'aller bien. La brune ne cessait de surveiller l'état de sa mère. Il faut dire qu'elle était rentrée sacrément amochée alors qu'elle était enceinte. Cette dernière lui sourit avant de se relever pour l'embrasser tandis que Kate surveillait un peu trop qu'elle ne se fasse rien. Même si elle redoutait un peu la venue de cet enfant qui était du même sang que l'africaine, elle était incapable de lui vouloir du mal. L’étudiante n’aurait pour autant pas forcément parié sur le fait que l’africaine voudrait garder cet enfant. Même si elle avait peur de la place qu’allait prendre ce petit être C'est alors que la tueuse à gage lui présenta les lieux comme étant un secret qu'elle n'avait pu lui dévoiler avant la fin de ses examens. Un petit sourire aux lèvres, la jeune femme ne put s'empêcher de faire une remarque à sa sauveuse, s’amusant de détails uniquement pour embêter son interlocutrice.

Techniquement, ce n'est pas encore fini. Sauf si je ne suis pas convoquée pour la suite du concours.

Un sourire aux lèvres, l'étudiante espérait bien obtenir une quelconque réaction de la part de sa mère adoptive. C'est alors qu'elle se mit à lui parler du bâtiment, racontant son histoire. Clairement la brune avait l'impression que la tueuse tournait autour du pot. Le fait qu’il ait été détenu par une personne ayant mauvais fond, usant de sa position pour profiter plus que de raison, n’était guère la brune quant à la difficulté de le vendre par la suite. Kate écoutait attentivement l’africaine jusqu'à ce qu'elle laisse entendre que le bâtiment tout entier lui appartenait désormais. Fallon venait de lui annoncer avoir acheté un immeuble, cet immeuble où elles se trouvaient toutes les deux. Évidemment, la surprise était de taille. Aussi, la jeune femme fut incapable de cacher son étonnement, la bouche entrouverte et les yeux légèrement écarquillés, elle n’avait pas vu venir la chose. Même si elle s’était rendue compte qu’elle lui faisait des cachotteries, l’apprenti héroïne n’aurait jamais imaginé une telle chose. Alors que la tueuse à gage lui parlait de pouvoir tirer un bon prix du matériel informatique laissé, lui proposant d’avoir un nouvel ordinateur, elle lui expliqua également que les travaux étaient déjà à l’étude pour aménager le bâtiment. Tournant sur place, la tête levée, la brune essaya d’observer chaque recoin dont elle ne s’était pas préoccupée jusque là. Puis la conclusion tomba. Sa sauveuse s’orientait dans une nouvelle branche professionnelle. La jeune femme n’avait toujours rien dit sous le choc, la surprise. Reportant son attention sur celle qui lui avait tant manqué lors de son absence, l’africaine lui avoua partir en France prochainement pour valider le concours de détective.

L’étudiante savait bien pourquoi elle faisait cela, ce petit être qui poussait dans son ventre était très certainement responsable d’une telle évolution. Abasourdie par une telle nouvelle, aucun son ne sortit de la bouche de la scientifique. C’est alors qu’on sonna à la porte pour leur livrer leur repas. Etait-ce enfin l’issue que Kate espérait qui se produisait ? Le bébé dans le ventre de Fallon avait-il déjà autant d’impact sur leur mère ? Tout se bousculait dans sa tête. Evidemment, elle ne doutait pas des capacités de Fallon à faire un tel travail ni à gérer une entreprise. Mais la question qui lui brûlait les lèvres et dont la réponse risquait de la décevoir était à ses yeux cruciale. Sa sauveuse revint avec le repas qu’elle avait commandé pour elles deux et la plus jeune posa le regard dessus avant de dire :

Tu sais que pas préparée maison tu sais pas si ces salades ont été nettoyé correctement ...

Remarque peut-être un peu stupide mais elle s’était renseignée évidemment sur ce qu’une femme enceinte pouvait manger ou non. Ne sachant pas si sa mère avait vérifié son immunité à la toxoplasmose, dans le doute, la brune préférait faire attention aux aliments qu’elle prenait. C’était d’ailleurs ainsi qu’elle avait failli s’arracher les cheveux en cherchant du fromage au lait stérilisé ainsi que de la charcuterie cuite pour la raclette prévue le soir même. En posant des questions à une personne qui mettait en rayon, elle avait bien compris qu’on l’avait pris elle pour une femme enceinte. Hors Kate était sous pilule et ne comptait pas changer ce fait dans l’immédiat. Il y a peu, elle avait appris que son beau brun voulait fonder une famille. En réalité, l’étudiante ne savait pas du tout si elle voudrait être maman un jour. Elle était encore assez jeune et avait donc encore bien le temps d’y penser. Et puis, être enceinte en même temps que sa mère adoptive serait assez bizarre tout de même. Reportant son attention sur Fallon, elle comprit que la tueuse était assez nerveuse, attendant sa réaction qui n’avait pas encore eu lieu.

C’est une super idée ! J’espère que tu formeras toi-même tes employés pour garantir la qualité du service mais aussi pour leur montrer qu’il ne faut pas rire avec le boss.

Un sourire aux lèvres, elle vit sa mère se détendre en quelques secondes à peine. A quel moment avait-elle pu croire qu’elle ne la soutiendrait pas dans un tel projet ? Il est clair que les quelques jours d’absences pour le concours, Kate s’en serait bien passée. Depuis le début de l’année, les jours passés loin l’une de l’autre s’étaient multipliés comme des petits pains. La brune avait la sensation que l’arrivée d’Henry et de ce bébé dans leur vie n’allaient rien arranger. Elle avait besoin de se rassurer, de voir une évolution qu’elle avait recherché depuis qu’elle connait Fallon. Aussi la jeune femme lui posa une question très facile, qui ne portait évidemment pas sur son travail de sites internets. Mais ça, la tueuse allait s’en doutait toute seule.

Est-ce que ça veut dire que tu vas laisser ton autre job ?

Dernière édition par Kate Ward le Dim 3 Fév - 16:55, édité 1 fois

30 mars 2050

Elle sourit à Kate suite à sa remarque sur ses examens. Sa fille l’inspire, si elle a réussie, pourquoi pas elle ? Certes, elle n’a pas les résultats de ses examens, mais Fallon ne doute pas une seconde qu’elle intégrera la police scientifique en mai. Elle a travaillé si dur. Fallon se souvient très bien de ce petit air concentré qu’elle arborait quand elle étudiait, ou contrarié. De nombreuses fois elle avait craint qu’elle ne se sente pas assez forte pour poursuivre, chaque fois Fallon lui rappelait qu’elle le pouvait, qu’elle le ferait. Il avait fallu l’encourager, surtout au début, et elle a vu la confiance en soi se faire une place de plus en plus présente chez Kate jusqu’à ce que sa mère n’ait plus besoin d’intervenir.

Kate est surprise, elle ne s’en cache pas alors que son expression est criante de spontanéité. Elle ne s’attendait surement pas à ça de la part d’une criminelle. Sa fille regarde autour d’elle, semblant y croire qu’à moitié, elle étudie la structure, l’espace. C’est encore en désordre, suite au départ précipité des employés, la poussière s’est accumulée aussi, mais le luxe épurée transparaît encore aisément. Fallon l’avait visité la semaine précédente, lors de la mise en vente aux enchères, la transaction s’était fait rapidement puisqu’elle réglait comptant. Pas de prêt à la banque, moins de procédures, moins d’attente. Il avait simplement fallu réunir tout l’argent et faire deux chèques de banque à remettre à l’agent immobilier et au notaire.

“Euh… Je te trouve bien mieux renseigné que moi, mais avec tout ce qu’il s’est passé, je ne pense pas qu’une salade aura raison de moi et du bébé. Il est résistant.” Auparavant, trop préoccupée par le danger que représentaient Raven et les tueurs à sa solde, elle ne s’était pas intéressée à sa grossesse, estimant qu’elle avait le temps. Après quoi il y avait eu ses deux semaines qui restent encore un blackout en partie jusqu’à son réveil devant le cadavre de Raven et sa convalescence de quelques jours pendant lesquels elle avait largement eu le temps de cogiter. Non sur sa grossesse, mais sur l’avenir, celui de sa famille. Kate et elle. Ce n’est que la veille qu’elle y impliquait un troisième membre, mais elle ne l’avait pas encore précisé à sa fille. “Enfin, si tu préfères on donne ça à quelqu’un dans le besoin. On mangera autre chose.” Propose-t-elle, même si elle a faim.

Quoi qu’il en soit, Fallon est toujours dans l’attente, soucieuse de connaître l’avis de sa fille. C’est bien pour elle, pour sa sécurité future, qu’elle se lance dans ce projet gigantesque. Fallon ne s’inquiète pas d’échouer, on l’a formé à tout et rien pendant ses entraînements d’espionne, être une chef d’entreprise, une prostituée, une comptable, toutes les classes sociales, tous les travails. Les Russes ne lésinent pas sur les moyens à employer. Prendre pour rôle permanent celui d’un PDG est dans ses cordes, d’autant plus qu’elle y est personnellement impliqué. Kate finit par déclarer qu’elle adhère à l’idée, et le sourire de Fallon s’élargit, pendant qu’elle se détend.

“Parce que tu trouves qu’en temps normal on peut facilement plaisanter avec moi, qui ne suis qu’une civile lambda ?” Oh que non, les employés vont se tenir à carreau. Pour sûr, ils ne la prendront pas pour leur copine. Fallon compte bien offrir un service irréprochable à sa future clientèle, ça commence par des employés irréprochables. “Je formerai chacun d’entre eux, que ce soit pour l’investigation ou la sécurité, j’aurai un emploi du temps de ministre, mais à terme ça vaut le coup.”

Bien évidemment, sa fille ne perd pas le nord et s’intéresse à son “autre” travail. Le sourire s’efface, elle n’a pas encore pris de décision à ce sujet. “Ce n’est pas si simple. Ils attendent que je prenne la relève de Raven, ils veulent des contrats et je n’ai pas vraiment envie de les savoir en liberté, incontrôlables, je ne crois pas davantage au système judiciaire et carcéral, il me reste à les exécuter, ce n’est que justice, mais… Je peux leur offrir une seconde chance, comme tu l’as fait pour moi, je peux les recruter si tant est qu’ils acceptent de suivre ma voie, devenir des ‘honnêtes hommes’.” Grâce à ce qu’elle a retrouvé dans le bureau de Raven qu’elle a totalement retourné depuis, elle sait tout d’eux et tout de la clientèle qui faisait appel à leurs services. Des noms, des adresses, des sommes, Raven se faisait un bénéfice bien confortable en tant qu’intermédiaire. Fallon avait découvert que ses services étaient bien au dessus de ceux de ses comparses, parce qu’elle ne se contentait pas d’exécuter une cible, elle enquêtait.

“Pour moi, tu sais que ce n’est pas évident, je veux me ranger, pour toi, ce n’est pas pour rien que j’entreprend tout cela, mais je ne peux pas combattre ce qui s’empare de moi, je suis ce que je suis. Pour l’instant, je ne peux pas abandonner, même si je continue de poursuivre ma propre justice.” Ce n’est pas la réponse qu’espère Kate, elle le sait et regrette déjà de la décevoir sur ce point. “Pas plus que je ne peux effacer ce qu’’Elle’ a fait… Ou fera encore. Citseko pense… Que je subis la même chose que lui.” Elle pose une main sur l’épaule de sa fille, attristée. C’est une explication des plus logique, qu’elle subisse une deuxième personnalité.

“Tu m’as proposé de travailler sur mes modifications génétique, mais je n’avais pas encore ce que je peux te proposer désormais. Au dernier étage, je compte installer un laboratoire, ce sera le tien, ton matériel et tu me feras une liste de tout ce dont tu as besoin. Tu as bien plus d’espoir que je n’en ai à mon sujet, je vais m’autoriser à y croire, parce qu’il est évident que je ne peux pas être un danger permanent pour toi et cet enfant. Je ne veux plus te faire subir ce que je t’ai fais ces derniers mois. J’ai aussi besoin que tu réalises les tests que ma gynécologue me demande et de falsifier ce qui n’entre pas dans les clous.”

30 Mars 2050

Le sourire qui s’affichait sur les lèvres de Fallon en disait long. S’il y avait une personne qui croyait dur comme fer qu’elle allait réussir le concours d’entrée haut la main, il s’agissait bien de l’africaine qui l’encourageait depuis le tout début. La brune avait eu du mal à se lancer, elle avait craint l’échec et qu’elle ne soit pas de taille pour un tel défi. Mais sa mère n’avait rien lâché. C’est ce qui avait fait qu’elle en était rien, elle s’était inspirée d’elle pour redoubler d’efforts et atteindre ses objectifs. Avant sa sauveuse, jamais personne n’avait cru en elle. Elle lui avait donné sa chance en lui demandant son aide pour démanteler le réseau de Keaton. Puis, lorsqu’elle avait exécuté le dernier membre du gang, la tueuse à gage avait tenu parole, emmenant la jeune fille qu’elle était loin de tout ça, lui permettant enfin de quitter son métier de prostituée. Kate ne pourrait jamais assez lui montrer sa reconnaissance pour tout ça, pour cette nouvelle vie qu’elle lui avait offert, pour l’avoir sorti de cette merde profonde où la jeune fille s’était embourbée bien trop jeune.

Evidemment, l’étudiante ne s’attendait pas du tout à ce que sa mère lui annonce avoir acheté le bâtiment où elles se trouvaient, le bâtiment tout entier de surcroît, pour devenir femme d’affaire. C’était pour elle une surprise mais également l’étincelle qui ravivait son espoir. Avait-elle tort d’espérer voir l’africaine raccrocher ? C’était pourtant ce que Kate souhaitait le plus au monde. Même si sa mère n’y croyait pas, elle méritait tellement plus que ça. C’était aussi pour ça que la jeune femme était au petit soin avec elle et qu’elle s’était renseignée sur le déroulement d’une grossesse. Le fait d’apprendre que sa coach était également enceinte l’avait rappelé à l’ordre en tant que personne confectionnant les plats à la maison. Aussi la brune se permit une remarque à sa mère pour la mettre en garde. Une exception ne devrait pas avoir trop d’incidences, mais elle devait quand même être prudente. Ne voulant pas insister, elle répondit simplement à sa mère, un sourire aux lèvres à sa proposition de bonne action, en sous-entendant tout un tas de choses dans cette simple phrase :

Il faudra qu’on prenne le temps d’en parler. Mais non, on vérifiera simplement avant de manger.

Évidemment, lorsque la fille finit par donner son avis, la mère est ravie. Elles accordaient toutes les deux une importance capitale à l’autre. Kate était prête à parier que si l’idée ne lui avait pas plus, l’africaine aurait potentiellement cherché à revendre le bâtiment tout juste acheté ou alors à le louer. Sa sauveuse ne perd pas le nord et rebondit immédiatement sur ses paroles sur un ton se voulant très sérieux alors qu’elle arborait un sourire amusé au coin des lèvres. Elle connaissait que trop bien la tueuse à gage voyant qu’elle avait parfaitement vu juste sur la façon dont elle envisageait de gérer son entreprise. La brune se retint tout de même de remettre le doigt sur le fait que l’ancienne espionne était enceinte et que son énergie était à présent pour deux êtres. Elle ne connaissait toujours pas la position de sa mère vis à vis de cette grossesse non désirée au départ. Entre Lily et elle, aucune des deux n’avait cherché à tomber enceinte mais se retrouver à devoir choisir entre l’avortement et le rôle de mère. L’étudiante repensa à ce que Henry lui avait dit, le soir où il avait joué à Action ou Vérité. Le jeu avait bien vite été focalisé sur des vérités et rien que ça. Elle avait alors appris que son cher et tendre envisageait le futur dans une maison avec une femme et pourquoi pas un enfant. Avec l’enfance qu’elle avait eu, la jeune femme n’avait jamais pensé à devenir mère. En même temps, avant le beau brun, elle n’avait jamais songé se mettre en couple. Et pourtant aujourd’hui, cela était bel et bien le cas. Comment réagirait la belle si cela devait lui arriver ? Oserait-elle en parler à sa mère au vue de sa réticence envers son petit ami ? Kate décida de mettre ces réflexions qui n’avaient pas lieu d’être aujourd’hui de côté afin de reporter toute son attention sur celle qui l’avait fait venir ici.

Le fait qu’elle questionne sa mère sur son autre travail semblait avoir refroidi l’ambiance en un claquement de doigts. Elle avait rarement vu Fallon réagir ainsi, peut-être même jamais. Au vu de ses premières paroles, arrêter sa carrière de tueuse à gage n’était pas au programme. C’était même pire, l’africaine songeait reprendre la place de Raven. Mais pas pour faire exactement la même chose de toute évidence. Sa sauveuse avait déjà beaucoup réfléchi à la question apparemment. Les arguments qu’elle mettait en avant ne pouvait évidemment être contrés par la jeune femme. Si l’ex-espionne n’était jamais rentrée dans sa vie, elle serait toujours sous le joug de Keaton ou pire, elle serait peut-être morte … Est que tous les tueurs à gage pouvaient évoluer comme sa mère ? La jeune femme était persuadée qu’ils n’avaient pas tous un bon fond caché sous toute leur noirceur. Mais elle ne pouvait pas affirmer qu’il n’y en avait aucun qui serait capable de revenir sur le droit chemin comme l’africaine. Aussi elle ne pouvait contredire la tueuse à gage dans sa démarche. La déclaration suivante de Fallon fait mouche. Sa fille a les yeux légèrement brillants, preuve qu’elle est touchée par ce que sa mère est en train de lui dire. Le fait qu’elle ait pu parler de son amnésie temporaire à Citseko la surprend encore plus. Son geste rajoutait un poids à ses dires. Kate refusait de croire que sa sauveuse allait à présent avoir une seconde personnalité en permanence. Seulement, elle ne pensait pas non plus obtenir une autre victoire à la place. L’africaine refusait de raccrocher pour le moment, ne pouvant le faire du jour au lendemain, surtout depuis qu’elle avait tué Raven. Cependant, elle comptait dédier le dernier étage de cet immeuble à la création d’un laboratoire rien que pour la jeune femme. Une phrase s’imprima dans l’esprit de la brune, celle où sa sauveuse affirmait ne pas vouloir continuer à être un danger pour elle mais aussi pour l’enfant qu’elle attendait. Etait-ce une piste sur le devenir de cette grossesse qu’elle ne semblait pas vouloir au départ ? Même si ses connaissances scientifiques étaient plus liées à la criminelle, la belle comptait bien plancher sur le sujet dès que son concours serait validé.

Je pense que tu t’en doutes mais si je dois te faire des examens gynécologiques et des recherches d’ordres biologiques je vais avoir besoin de beaucoup de matériels. Mais je suis contente que tu me laisses ma chance pour essayer de résoudre ton problème.

Kate ne put s’empêcher de prendre sa mère dans ses bras dans une étreinte montrant que sa sauveuse lui avait sacrément manqué et que cela faisait du bien de l’avoir retrouvé depuis deux semaines à présent. Relâchant Fallon, elle attrapa les salades et les sortit une par une sur un guichet d’accueil et observa la première minutieusement avant de la passer à sa mère avec une paire de couverts en plastiques. Elles s’asseyèrent toutes les deux par terre, l’une à côté de l’autre, afin de déguster leur salade. La brune ne put s’empêcher de dire à l’africaine, un peu amusée, cherchant à la taquiner.

C’est quand même dommage j’avais prévu des lasagnes pour ce midi. Mais bon vu la nouvelle que tu viens de m’apprendre je te pardonne. Enfin c’était bien la seule chose que t’avais à m’apprendre ? Non parce qu’avec toi je me méfie maintenant.

30 mars 2050

Ces deux dernières semaines ont été des jours intenses de remises en questions. Kate avait toujours accepté, bon gré mal gré, les activités plus ou moins criminelles de sa mère, par loyauté, et non par convictions. Ca fait 7 ans qu’elles se connaissent, mais seulement 3 ans que Vyper a changé la prise de ses contrats. Avant cela, Kate subissait que Fallon accepte n’importe quel contrat et ramenait de l’argent sale à leur maison, ce qui payait leur loyer, les courses, les factures. La jeune fille l’avait accepté telle qu’elle était.

Lorsque Vampyr était apparu et qu’il était devenu évident que Kate souhaitait se ranger du bon côté en entamant ses études scientifique, la tueuse à gages avait revu ses priorités. Vampyr avait prouvé qu’il était possible d’offrir une justice à cette capitale maudite. Venant d’un système qui n’offre que peu de place au système judiciaire, elle avait cru en lui, s’en était inspiré. En Russie on règle jamais les comptes via le système judiciaire, lorsqu’il était avéré que l’ennemi fomenter contre la Mère Patrie, c’était un ordre d’exécution qu’on lui donnait. Les Russes ne s'embarrassent pas tellement dans des longues procédures.

De fait, malgré les actes d’espionnage et de meurtre, elle obéissait aux ordres, elle protégeait sa nation à n’importe quel prix. Les Russes en avaient eu pour leur argent, elle valait largement les millions qu’ils avaient investis, faisant d’elle une arme létale et un esprit capable de tout dans un corps génétiquement modifié. Kate et Vampyr l’avaient rendue meilleure dans un sens et Raven lui avait offert la possibilité de ne lui donner que des contrats de vengeance. Fallon avait pris la liberté d’enquêter avant d’exécuter ses contrats.

Mais ces derniers temps, Fallon commence à représenter une réelle menace incontrôlable même si Kate refuse de le voir ainsi. Cette dernière ne réalise pas la moitié du travail qu’elle a effectué sur l’africaine, lui offrant une liberté insoupçonné jusque là. C’est peut-être cette liberté qu’elle s’autorise vraiment qui joue en sa défaveur. Plus Kate lui fait du bien, plus Fallon lui fait du mal. Ca avait commencé le 12 janvier, première fois qu’elle avait perdu le contrôle et frapper sa fille, mais le coup de grâce c’était le 15 janvier. Voulant agir au mieux et mettre le Député en sécurité, Christopher les avait arrêté. Pour assurer la liberté de Kate, elle s’était vendu auprès du Lieutenant, négociant leur liberté en échange de Raven.

Dès lors, le danger s’était refermé sur sa fille et Fallon avait fait en sorte d’assurer au mieux sa sécurité en assassinat Aleksandr. Mais Raven restait informé de son existence, loin d’être conne celle-là elle aurait utilisé Kate pour atteindre sa mère si elle découvrait le double jeu de sa tueuse à gages. Tout s’était réglé en quelques semaines, en se réveillant devant le corps sans vie de la commanditaire, mais elle devait faire face à un autre problème. Sa double personnalité. Elle pourrait voir un psychologue pour en avoir le coeur net, mais elle préfère se fier à son frère. Il sait bien de quoi il parle.

Quoi qu’elle fasse, il semble que les emmerdes la suivent. Fallon ne peut pas changer ce qu’elle est, mais elle peut changer ce qu’elle fait. Se ranger une bonne fois pour toute du bon côté, même si elle doit poursuivre un temps son activité illégale, le temps de laisser à sa fille l’occasion de faire ses recherches. Cette dernière l'étreint, acceptant une nouvelle fois les travers de sa sauveuse, mais Fallon sait bien qu’elle reste déçue. “Contente toi de me faire une liste, la plus précise possible et je me procurerait ce qu’il te faut. Ce laboratoire te sera utile pour tout ce que tu voudras en faire. Nous serons les seules à y avoir accès.”

Elles retournent s’asseoir au sol, faute de place plus confortable, et entament leurs salades quand Kate l’interroge. Non sans glisser au passage qu’elle avait préparé des lasagnes. Soudain, Fallon regrette les salades qu’elle a commandé. “Nous la mangerons ce soir, tu peux inviter Henry si tu veux, je pense lui proposer du travail puisqu’il veut se ranger légalement aussi. Tu lui fais confiance et je dois en faire autant, je vais avoir besoin de personnes de confiance pour cette entreprise.” Il y a quelques jours, elle avait appris qu’ils avaient bien plus en commun qu’elle le pensait. D’une manière bien différente, ils sont semblables.

Elle plonge son regard dans sa salade quand elle lui demande si c’était tout ce qu’elle avait à lui apprendre. “Eh bien… J’envisageais… C’est sérieux entre toi et Henry, et moi… Je vais avoir un bébé. Je pensais faire 2 appartements là haut, un pour vous s’il accepte de travailler avec moi et un pour moi, comme ça vous aurez votre intimité de couple, et moi celle d’une mère célibataire. Mais si vous préférez je peux simplement vous laisser l'appartement des hutches, ce sera sans doute plus grand que chez Henry, il ne veut peut-être pas de moi comme voisine.”

30 Mars 2050

Kate adorait sa mère adoptive, cela ne faisait aucun doute. Si une personne s’arrêtait aux défauts de l’autre, il n’y aurait aucun amour sur cette Terre. Mais le fait d’aimer quelqu’un n’avait jamais empêché de ne pas apprécier certaines facettes de sa personnalité. Pour la brune, c’était encore un peu plus compliqué. Elle n’aimait pas que l’africaine soit une tueuse à gage parce qu’elle se mettait en danger, qu’elles en avaient pas besoin et que même les plus vils créatures méritaient un jugement et non la mort. Dans les grandes lignes, l’étudiante réfléchissait ainsi même si elle pouvait comprendre qu’il pouvait y avoir des exceptions, des hommes qui ne changeraient jamais même après avoir été enfermé de nombreuses années. Seulement, on lui avait donné sa chance et même si elle n’avait pas un fond mauvais à la base, elle pensait que tout le monde avec un nouveau départ pouvait changer et évoluait. C’était cette chance qui faisait que la jeune femme ne pouvait pas détester cette facette de la personnalité de Fallon. si elle n’avait pas été tueuse à gage, elle ne se serait jamais retrouvée dans cette pièce face à cette ordure qui était en train de frapper l’ex-prostituée de toutes ses forces. Elle ne l’aurait pas non plus tué et elles ne se seraient jamais rencontré. A cette époque, l’ex-espionne semblait vide de l’intérieur. Et pourtant, elle avait été touché par la détresse de la jeune fille qu’était Kate au moment de leur rencontre. Alors que la brune ne faisait que croiser des gens qui étaient ravis de sa situation, de ce qu’elle pouvait rapporter et de l’utilité qu’on lui donnait, sa mère avait vu en elle ce besoin d’autre chose et avait fini par la sortir de là après plusieurs mois à s’entraider pour tuer la totalité du gang.

Sa mère était surprise que Kate soit tant informée sur ce qu’il fallait ou pas à une femme enceinte. A vrai dire, la jeune femme ne s’était jamais intéressée à ce genre de détails auparavant. Seulement l’africaine était enfin de retour et sa grossesse était toujours d’actualité aussi, elle avait commencé à se renseigner sur les précautions à prendre. Lorsqu’elle avait vu toutes les contre-indications alimentaires recommandées pour les femmes enceintes, la brune ne sachant pas si la tueuse était immunisée ou non avait préféré ne prendre aucun risque. Elle faisait en sorte de préparer des repas où il n’y aurait aucune question à se poser. Mais il est vrai que ce sujet n’avait pas été soulevé de la même manière qu’aucun autre sujet concernant de près ou de loin la future arrivée. L’ex-espionne restait silencieuse à ce sujet et cela passait clairement pour un acte volontaire. La grande question de l’étudiante était : Pourquoi ? Elles s’étaient toujours tout dit et déjà aujourd’hui, elle se rendait compte avec l’annonce de cet achat immobilier que cela ne semblait plus être le cas. Certes, la brune cachait actuellement à sa sauveuse ce qu’elle avait appris sur Lily. Techniquement il s’agissait d’un non-dit plutôt que d’un mensonge. Mais au vue de la gravité de la nouvelle, même si elle faisait entièrement confiance à Fallon, elle ne pouvait trahir la confiance donnée par sa coach et amie.

Lorsque la jeune femme expliqua à l’africaine qu’elle aurait besoin de beaucoup de matériels au vu de l’utilité de ce fameux laboratoire qui lui ferait tant plaisir, cette dernière répondit avec un semblant de déception ou de regret. Avait-elle vexé ou blessé sa mère ? Kate n’était pas certaine de l’interprétation qu’elle devait faire du comportement de la tueuse aussi garda-t-elle cela dans un coin de son esprit. Même si utiliser l’argent de sa sauveuse ne lui avait jamais fait plaisir, vu qu’elle lui avait déjà donné beaucoup en lui rendant sa liberté, la brune se consola avec le fait qu’elle allait utiliser ce laboratoire pour des analyses sur celle qui finissait le dit labo. Prenant place au sol pour déguster leur salade, l’étudiante se rend compte de sa bourde concernant le plat de lasagnes qu’elle avait préparé. La moue de Fallon lui montra sa déception ou le fait qu’elle s’en voulait alors que ça n’était pas du tout le but. C’est alors que la future dirigeante d’entreprise fit une remarque qui fit s’étouffer sa fille. Elle n’en croyait pas ses oreilles.

Attends tu veux faire confiance à Henry et lui proposer un job ?

Kate ne put s’empêcher de reposer sa fourchette dans le bol plastique qui servait de contenant pour sa salade et de porter sa main au front de sa mère tout en se relevant légèrement. Sa température avait l’air tout ce qui avait de plus normal. Revenant à sa place initiale, elle scruta le visage de l’africaine de manière insistante sans s’en cacher, un faible sourire aux lèvres.

Tu n’as pas l’air malade pourtant. qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de ma mère ?

En prononçant cette phrase, elle se rendit compte que malgré l’officialisation de cet état de fait, peut-être que la naissance de cet enfant pourrait remettre cela en cause. La brune chassa bien vite cette idée stupide de son esprit alors que sa sauveuse semblait vouloir passer aux aveux. Le fait qu’elle précise que c’était sérieux entre Henry et elle la gêna. Oui c’était fort probable que cela le soit mais elle n’y avait jamais songé de la sorte. Il avait le droit de venir à l’appartement à présent, ce qu’il faisait parfois, d’autre fois c’était elle qui allait lui rendre visite et d’autres encore elle conservait son temps pour profiter de la présence de l’africaine. La deuxième vérité lui confirma ce qu’elle pensait : Fallon comptait garder son enfant. Malgré la peur qui la tiraillait d’être mise de côté parce qu’elle n’était pas sa véritable fille contrairement à cet enfant à naître, elle était persuadée qu’elle ferait une superbe mère. Seulement les mots suivants lui coupèrent le souffle. A quel moment la tueuse avait pu songer à une telle chose ? Etait-elle prête à la quitter pour vivre avec l’écrivain ? Elle se souciait de l’avis du beau brun mais ne semblait pas lui en avoir parlé. Tout un tas de questions envahissait la jeune femme qui restait muette de stupéfaction. Elle se releva et se mit à faire les cent pas ne sachant comment réagir à une telle situation. Heureusement que son petit ami n’était pas au courant de la proposition de sa mère. Évidemment, l’une des questions qui traversa son esprit était : voulait-elle se séparer d’elle avant d’avoir son enfant, le vrai ? Elle avait fait tout ça dans son dos dans un sens, ne lui révélant l’idée qu’une fois le projet lancé. Kate finit par se stopper dans sa marche et par planter son regard dans celui de l’africaine. Elle était un peu perdue et encore fragile émotionnellement.

Je … Je n’ai jamais songé à une telle chose. Ca n’était pas dans mes projets, je pense pas que cela soit dans ceux de Henry également … Tu penses que ça sera mieux pour toi et le bébé ? Je veux dire … C’est vrai que tu voudras peut-être plus de calme autour de toi.

30 mars 2050

Fallon rit de bon coeur et retire la main de sa fille de son front quand elle propose un travail pour son petit ami. C’est agréable, de retrouver cette insouciance entre mère et fille, elle en avait presque oublié ce que c’était et ça lui manquait terriblement, même si elles avaient repris leurs séances quotidiennes de soirée film et plateau télé depuis son retour suite à son amnésie.

“Eh bien… J’ai cru comprendre qu’il avait l’intention de quitter son travail de chauffeur et cherchait quelque chose de plus légal, alors pourquoi pas ? Il faut bien commencer quelque part…” Il sait trop de choses sur les Ward, surtout sur sa belle-mère dont les révélations ont été indépendant de sa propre volonté. Fut un temps elle ne se serait pas embarrassé de quoi que ce soit, il serait mort, mais il est en premier lieu le petit ami de sa fille. Ca complique la chose, elle doit… L’accepter.

Le fait de savoir qu’il est une victime du vaccin universel devrait l’aider à se faire à l’idée, mais c’est plus complexe que ça. Se retrouver devant le fait accompli n’a rien d’agréable, pas pour ce genre de choses qui se rapporte à un événement de sa vie dont elle a été impuissante. D’une certaine manière, Kate lui a retiré le contrôle de sa vie, la liberté qu’elle possède sur ses secrets, alors que tout le reste est minutieusement étudié. L’africaine aimerait ne pas en vouloir à sa fille, elle ne veut pas lui en vouloir, mais il faut croire que ce n’est pas si simple.

Alors quand elle parle de s’installer dans un appartement avec Henry, sa fille démontre une grande nervosité en commençant les cent pas. Fallon patiente, Kate a parfois besoin de temps pour assimiler les choses qui risquent de bouleverser son quotidien, ses habitudes. Contrairement à Fallon qui s’adapte rapidement, c’est ce que l’on attend d’un caméléon, d’une espionne. “Tu n’es pas obligé de vivre avec Henry.” Juge-t-elle bon de préciser en avalant une bouchée de sa salade. D’un geste de la main sur le sol, elle invite Kate à revenir s’installer à côté d’elle pour terminer leur repas. Heureusement, celui-ci ne risque pas de refroidir au cours de cette conversation.

“Ce n’est pas tellement ce que je veux, c’est l’ordre logique. Je pense que tu deviens une femme Kate, tu as 24 ans, tu vas avoir un travail dans lequel tu vas t’épanouir, et un petit ami, tu prends petit à petit ton indépendance de moi sans t’en rendre compte. Ne commence pas à culpabiliser ma puce, ta liberté c’est exactement ce que j’attends de toi. Je n’ai jamais eu la prétention d’être une bonne mère, tu n’étais déjà plus une enfant quand je t’ai accueilli et ta volonté vient uniquement de toi. J’ai tenté de te donner les meilleurs outils pour te voir te libérer de ton passé, et je pense avoir réussi à ne pas t’influencer avec mes propres choix et décisions.”

En toute circonstance, elle avait laissé le libre arbitre à sa fille. Fallon ne souhaitait pas que Kate soit aussi cynique qu’elle, que la jeune femme garde un peu d’espoir ou qu’elle se fasse sa propre idée du monde dans lequel elles évoluent. Pendant des années, elle a refusé d'entraîner sa fille, estimant qu’elle n’était pas prête tout simplement, Kate n’avait pas du but précis à suivre, alors elle en aurait fait qu’une tueuse de plus. Malgré tous ses défauts, Fallon a conscience que s’effacer de la sorte pour être un bourreau n’est pas donné à tout le monde. Kate n’y aurait pas survécue.

“Ce n’est pas moi qui part Kate, c’est à toi de partir, de t’émanciper de ta mère. C’est ce qu’il y a de mieux pour toi, tu ne vas pas vivre avec moi jusqu’à tes 30 ans.” Une mère qui devient folle, qui se voit apparaitre une deuxième personnalité, du moins est-ce une supposition avec son frère. Pour l’instant, l’Autre n’est pas réapparu, mais il est clair désormais que celle qui était dans sa peau les dernières semaines n’était pas elle. Bien sûr, Kate ne la laissera jamais partir, elle ne perdra jamais cet espoir de sauver sa mère et jusqu’ici Fallon n’avait pas besoin d’être sauvé. Elle estimait ne pas avoir à l’être, mais c’était avant cette nouvelle année. C’est devenu moche.

“Rien ne m’oblige à installer deux appartements ici de toute façon, on peut vivre n’importe où et quand bien même tu souhaites ne pas t’engager trop rapidement avec Henry, je ne veux pas être un fardeau avec ton petit frère ou soeur dans ton quotidien. Je dois assumer cette grossesse jusqu’au bout, pas te le faire supporter.”

30 Mars 2050

Partager un moment aussi léger avec sa mère lui avait manqué. Le fait est qu’avec un peu de temps, Fallon semblait commencer à accepter son petit ami et rien n’aurait pu lui faire plus plaisir. Elle ne lui demandait pas de devenir amie avec lui ou encore de l’apprécier. Elle savait que l’africaine avait ses limites et que si elle avait réussi à les dépasser pour elle, elle ne s’en sentirait peut être ni la capacité ni l’envie pour Henry. Mais déjà ça, vouloir lui proposer un travail de sa nouvelle société était un véritable pas en avant. Seulement, la jeune femme ne s’attendait pas à ce qu’elle aille jusqu’à lui proposer de vivre avec lui. Elle n’avait jamais songé à cela. Sa vie avec l’africaine lui convenait bien ainsi. Elle avait réussi à trouver un rythme à priori bien calé, répartissant son temps entre sa sauveuse et son amoureux. Et puis, il fallait dire ce qui était, si elle savait déjà que le beau brun aimerait finir un jour sa vie dans une maison avec un chien et un enfant, ils n’avaient jamais parlé de l’évolution de leur vie de couple à venir. Kate était encore jeune, elle découvrait tout juste le fonctionnement de la vie de couple, enchaînant les bêtises les unes après les autres. Non pas que sa vie commune avec l’écrivain avait été déplaisante en l’absence de la tueuse, bien au contraire. Mais elle n’était même pas sûre qu’ils veuillent la même chose au bout du compte. Cela ne faisait pas si longtemps que cela qu’ils étaient ensemble en plus. Est-ce que ce n’était pas précipité comme décision ?

Sa sauveuse voyant comme elle paniquait à cette simple idée lui précisa qu’elle n’était pas obligée de vivre avec lui, l’invitant par la suite à se rasseoir à ses côtés ce qu’elle fit sans trop réfléchir. L’étudiante ne se voyait pas vivre seule non plus à vrai dire. Tout ce qu’elle comprenait dans cette invitation c’était que sa mère voulait s’éloigner d’elle, sûrement par rapport à cet enfant qu’elle portait en elle et qui serait de son sang contrairement à elle. Elle ne lui en voudrait pas, elle était incapable de lui reprocher quoi que ce soit. Fallon avait tellement donné pour elle depuis qu’elles s’étaient rencontrées. Mais cela provoquait tout de même un petit pincement au coeur désagréable. Le fait qu’elle cherche à l’inciter à vivre avec le garçon semblait être pour mieux faire passer la pilule. Puis elle reprit la parole et lui avoua qu’il était simplement logique qu’elle finisse par s’en aller. La brune n’avait jamais vu les choses de la sorte. Vivre aux côtés de sa mère toute sa vie n’aurait probablement posé aucun problème à ses yeux. Seulement depuis le début de l’année, beaucoup de choses avaient changé. Henry était entré dans sa vie et l’africaine allait devenir maman. Mais plus sa sauveuse parlait et moins la jeune femme était d’accord avec elle.

C’est toi qui m’a insufflé cette volonté. Sans toi je n’en serais pas là et tu le sais maman. Je ne me sens pas emprisonnée à tes côtés ...

Pourquoi avait-elle cette horrible sensation de scène d’adieu ? Tout cela ne rimait à rien pour l’étudiante qui avait l’impression que sa vie prenait un virage radical sans qu’elle n’ait son mot à dire. Même si elle s’était jurée de ne plus se laisser approcher ni toucher par un homme, elle n’en voulait pas à son petit ami d’être entré ainsi dans sa vie. A ses côtés, elle avait découvert des sentiments et des sensations qui lui étaient encore inconnues et qui étaient très plaisantes. Mais lorsqu’on additionnait l’attentat, la menace de la Crows League, sa mère qui était tombée enceinte, sa disparition suite à sa perte de mémoire et le chemin chaotique du jeune couple, le début d’année avait été plus que mouvementé. Pour autant, la remarque de Fallon la toucha, plus même, elle était blessée. Où était le mal à vouloir rester avec sa mère ?

Et pourquoi pas ?

Elles avaient tant de choses à partager encore. Kate gardait toujours dans un coin de sa tête cette envie de la sauver d’elle-même, de réparer chez l’africaine ce que ses connards de scientifiques lui avaient fait contre son gré. Sa mère l’avait sauvé d’elle-même en l’arrachant aux griffes de Keaton, d’elle-même et de ses choix désastreux lorsqu’elle était plus jeune. Aujourd’hui, l’étudiante avait l’occasion de lui rendre la pareille. Seulement, si la tueuse ne lui laissait pas sa chance, elle ne pourrait pas le faire. Derrière, la future chef d’entreprise argumenta sur le fait qu’elle ne voulait pas être un fardeau avec son futur enfant pour le quotidien de la belle. Cela faisait trop d’arguments d’affilés ce qui prouvait que sa mère avait envie de mettre de la distance entre elles. Est-ce que les éléments qu’elle mettait en avant étaient réellement pensés ? La brune n’en avait aucune idée. Mais dans tous les cas, cet état de fait était dur à encaisser.

Laisse-moi le temps d’y réfléchir de mon côté s’il te plait.

En réalité, l’étudiante demandait surtout du temps pour accuser le coup et accepter la décision de sa mère. Cette dernière semblait totalement résolue à l’idée de se séparer d’elle et elle avait besoin de digérer la nouvelle, d’essayer de la comprendre seule dans son coin. Elle savait parfaitement que la tueuse avait peur de lever encore la main sur elle, peur d’aller trop loin. C’était le meilleur moment pour changer de sujet et profiter de ce moment mère-fille.

Raconte moi plutôt comment tu penses organiser ta nouvelle entreprise.

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