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 Catch me if you can... | Jean
Nolan Wilson
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MessageSujet: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyMer 19 Déc - 16:20

Catch me if you can...
Juillet 2043

Je trépigne sur place, une cigarette accrochée au coin de mes lèvres me demandant vaguement si j’aurais le temps de mourir d’un cancer du poumon ou si ce sera plutôt d’une balle pas si perdue, alors que je regarde l’agitation autour de moi, partagé entre la curiosité et la défiance. Alors, qu’on soit bien d’accord, il n’y a pas une foutue journée où je ne me demande pas ce que je fous là. Pourtant on est en été putain, je devrais être au bord de la mer en train de mater des filles en maillot de bain et de boire une margharita. Ou je sais pas quel autre ramassis de clichés qui serait carrément mieux que devoir me demander à quel moment tout va déraper.

Ouais, je sais, pour un mec amateur de vérité, ça craint, j’en ai bien conscience. Mais pour le coup, la vérité a un goût que j’apprécie moyennement, surtout à sentir le regard des militaires peser sur moi à longueur de temps. J’ai l’impression que si je fais un pas de travers, je me fais aligner. Bon, en vrai, je sais que c’est pas juste une impression, on va pas se mentir.

J’ai pourtant réussi à choper quelques images intéressantes avec la caméra qu’on a daigné me filer et personne n’a encore pensé à me confisquer. Ils doivent probablement attendre que je crève avant, histoire de pas faire dans l’excès de zèle. J’ai pris un paquet de notes et je dois avoir de la matière pour un milliard d’articles. Au moins. Mais c’est pas assez. J’arrive pas à saisir vraiment l’atmosphère glauque qu’il y a autour de moi et je me heurte à des murs à peu près mille fois par jour quand je pose des questions. Je me démonte pas et je continue quand même. Après tout, comment je peux me dire journaliste si je lâche au premier refus ?

J’attrape un carnet, griffonnant quelques notes, sourcils froncés. Je crois que je suis en Russie. Ou en Biélorussie. Ou peut-être entre les deux. Pour un peu, j’ai l’impression que la notion de frontière se fait de plus en plus floue. Je suis juste dans ce grand merdier à l’est.

C’est quand même assez calme ce matin. On me dit qu’on va bientôt reprendre la route et quitter cet avant-poste. Ce à quoi je hoche sagement la tête avant de m’éloigner du gros de la troupe. C’est toujours plus simple à gérer quand ils font pas trop attention à moi. Et là, ils sont occupés à faire leur paquetage, autant en profiter pour faire un tour.

Et j’avance, d’un pas tranquille, m’éloignant de plus en plus du campement. Avant d’entendre des bruits que le bordel ambiant avaient camouflés jusque-là. C’est là-bas, juste derrière l’espèce de pseudo-forêt avec les pauvres arbres complètement rachitiques qui réussissent tant bien que mal à tenir encore debout par je ne sais quel miracle.

Un groupe de types, que j’ai encore aperçus que de loin une ou deux fois. Si les militaires que je croise depuis que je suis ici sont pas commodes, eux, c’est carrément le cran au-dessus. J’ai un frisson qui me parcourt l’échine comme à chaque fois que je m’approche d’eux mais je prends une profonde inspiration, allumant ma caméra par réflexe plus qu’autre chose. Et je me fige, alors que j’entends les rafales de balles, sans bien piger ce qui se passe. Je pensais comme un con que la zone était calme. Enfin, autant qu’elle pouvait l’être quoi.

Mais visiblement, c’est pas le cas. Et je me planque derrière un arbre, pour essayer d’en voir plus sans me faire choper. Ouais, moi aussi je me dis que c’est une connerie. Ou le scoop de l’année, allez savoir.


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Jean Raulne
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyJeu 20 Déc - 21:46

Percée vers Lublin. La nouvelle est tombée la veille.


Alerte maximale, le front est percée en au moins trois points, dont l’extrêmité nord et sud forment les pinces gigantesques d’une tenaille monstrueuse et mortelle. Deux mille chars, au moins, le double d’avions. On n’avait pas vu ce genre de déploiement en un siècle… Enfin, à part en Asie. On en revenait, justement. J’entendais encore les cris de Jenna, les hurlements de rage et de détresse, de haine presque, quand la nouvelle de la mise en alerte était arrivée. J’avais quitté les filles d’un baiser sur le front, sous les larmes amères et silencieuses de ma femme qui n’eut ni un mot, ni un geste. Juste ce regard. Je ne savais pas très bien en partant si elle espérait que je m’en tire ou que j’y reste enfin pour de bon. L’avenir nous le dirait très vite. Il avait fallu rétablir un semblant de front. Les divisions blindées contre-attaquaient par les ailes. L’infanterie se déplaçait par train et camion pour renforcer Varsovie si on devait en arriver là. J’avais vu des centaines d’avions dans le ciel les derniers jours. Les hélicos nous avaient déposé au bout de la nuit, dans un village près de Lubartow. La 3ème armée blindée allait attaquer le lendemain. On devait en préparer l’action. Le brouillard couvrait tout, à cette époque de l’année. Juste le temps de nous avertir de la présence avérée de parachutistes et autres troupes spéciales aux alentours des pointes ennemies. Le général Gantz avait disséminé tout le régiment sur la portion sud du front. Déploiement à l’échelle de la compagnie. Aucun combat prolongé de possible sans ravitaillement et sans ligne de front établie ; on se battrait avec ce qu’on aurait pu embarquer jusqu’à ce qu’on nous relève ou qu’on nous passe dessus.


La compagnie s’était enfoncée dans la forêt. L’odeur de bois et de végétation humide nous avait tous rasséréné après le kérosène et l’huile de moteur qui nous avait empli les narines depuis Fulda. Il y avait ça et les médocs, qu’on nous avait distribués. On avait piétiné les restes de la clôture du grand parc écologique de Krabotruc, sans chercher à masquer nos traces. On était tombé sur quelques réfugiés et des rescapés de la 11ème division d’infanterie, tous fuyaient vers la capitale. Certains hurlaient en polonais qu’on allait dans la mauvaise direction. En silence, les Fantômes progressaient dans le brouillard et sous le couvert des arbres.


Le premier contact fut établi avec la 11ème division peu avant le matin. Le capitaine tchèque de l’unité m’indiqua les positions ennemies. Apparemment une unité d’infanterie mécanisée, qui avait « chevauché » sans arrêt depuis des jours. Et s’étaient arrêtés par-delà le bocage, sur les routes derrière les sous-bois. On s’est mis en route en silence. L’unité était à cran. Il y avait eu des altercations entre Fantômes et rescapés des autres unités rencontrées, qui établissaient un périmètre. Quand mes gars et mes filles cherchent des noises aux autres soldats de l’Union, c’est mauvais signe. Il fallait leur trouver de l’action.


Les Tankodesantniki ne s’attendaient pas à ce qui leur est tombé dessus, alors que le brouillard de fin de nuit passait du gris au blanc sous les tous premiers rayons de soleil.


Pas de tirs de préparation, ni d’obus de mortier. Rien, on avait rampé pendant une heure et demie pour progresser juste devant leur nez. Les trois piquets de surveillance avaient été neutralisés au contact. Lorsque les premiers cris en russe s’étaient fait entendre, les hurlements des sauvages et des hyènes les avaient bien vite remplacés, avec les rafales automatiques et le bruit caractéristique des munitions anti-blindages qui transperçaient corps et protections. Tout fut terminé en une demie-heure, et alors que la 11ème poussait en avant pour dégager les civils des environs, les Fantômes se reposèrent du combat et de la marche de nuit. Certains enrichirent leurs collections de trophées, prises de guerre ou mutilations ennemies, d’autres prenaient l’équipement ennemi ou sabotaient les véhicules. On m’amena un peloton de prisonniers. Une soixantaine sur les trois cent attaqués le matin, le reste était déjà mort ou en fuite, ou était saigné à même le sol. Oppenheimer me salue. Je hoche la tête en voyant la masse capturée.



| Gardes-m’en trois, sergent. |


| Le reste ? | demanda-t-elle, ce regard de Tigre ivre de sa chasse réussie.


| Quel reste ? |


Pas de front, pas d’explications. Ce n’était pas de la cruauté gratuite ; on n’avait pas les moyens de les garder. Si le reste du régiment ennemi qu’on avait attaqué se ramener, on allait avoir des problèmes. Taper du transport blindé et du mec qui ronfle, c’est facile quand on n’a pas peur de prendre des coups. Se manger une colonne de T-80 ou de T-90 avec des centaines de fantassins autour, c’était plus qu’on ne pourrait supporter. 50 hommes pourraient leur revenir aussi sec entre les bras. Je me dirige vers un des trois prisonniers gardés. Je parle en français. Artur traduit en russe. Les gamins chialent. L’un d’eux s’est chié dessus pendant l’assaut, il est couvert de sang et de merde. Ils disent faire partie de la 14ème brigade, 2ème corps de la Garde, Armée du Front Biélorusse. Je le sais déjà. Ils n’ont que dix-sept ans. Les russes sont en guerre depuis plus longtemps que nous. Mais je ne vois que des soldats ; la veille, ces petits enculés étaient peut être en train de massacrer une gamine d’un village conquis et de la ruiner en groupe. Il ne faut qu’un peu de sueur et de larmes pour qu’ils parlent. Ca et l’utilisation experte de McHall au couteau. Mes poings.  


Ce n’est pas la peur de mourir qui fait parler les gens. C’est la peur de partir en morceaux et que ça dure une éternité. C’est vite fini. Je vais voir dans le bois, arme passée en bandoulière. Le groupe qui s’est chargé du nettoyage revient en parlant, en riant. Je me fiche une cigarette entre les lèvres mouchetée de boue, de sang et de poudre. Oppenheimer vient et fait claquer son zipo, produisant une flammèche qui enflamme la mienne, et la sienne ensuite.



| Le meilleur job que j’ai jamais eu. |


Je souris, blague récurrente. Je souris et secoue la tête, avant de rire pour de bon.


| Faut qu’on profite de tout ça, pendant qu’on peut. La guerre ne continuera pas pour toujours, et la paix sera terrible pour les gens comme nous. |


Bruit dans un coin. Je me retourne avec un juron fleuri, HK aligné dans la direction, cran de sûreté retiré et prêt à rafaler.


| Soldats de l’Union, identifiez-vous ? Identifiez-vous, ou je tire! |
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyDim 23 Déc - 21:55

Putain de merde, c’est quoi ce plan pourri ? Je sais bien, j’ai signé pour en chier, pour débusquer la vérité, avoir l’image véritable du monde en guerre ou des conneries dans le genre. Mais pas pour cette merde là. Carrément pas. Je devais me contenter de râler parce qu’on me laisse rien voir, parce que je peux juste interroger des types qui me répondent, au mieux, par des grognements ou par un majeur sympathiquement levé et parce qu’au final, je rentrerais chez moi frustré de rien avoir vu de vraiment intéressant.

Alors forcément, je suis allé fouiné, sans grande conviction. Mais le couvert des bois m’a suffisamment éloigné du campement qui est en train d’être remballé pour que je me retrouve face à une scène que j’aurais même pas imaginée. Je me fige alors que je vois ces types qui alignent des… je plisse les yeux pour mieux voir et je me fige. Des soldats russes. Okay. Et j’essaie d’entendre ce qui se dit, mais je suis trop loin. Enfin, vu la tronche que tirent les mecs alignés, ça doit pas être terrible. Mais merde, on dirait des gosses quoi. Ils en ont à ce point-là les russes ? Pour envoyer des gamins qui ont encore du lait qui sort du nez quand on appuie dessus ?

Remarquez, à la réflexion, je me demande si je suis beaucoup plus vieux qu’eux. Et en vrai, je le suis pas assez pour voir des soldats se faire abattre comme ça. Personne ne l’est. A part ces types qui… se marrent ? Sérieusement ? Ils sot en train de flinguer des gens désarmés et ça les éclate ? Mais c’est quoi ces tarés ? Je sais, je sais, on est en zone de guerre et blablabla. Sauf que ça se fait pas ! Non ? … je sais plus.

Sans même m’en rendre compte, je plisse des yeux alors que je commence à griffonner des trucs dans mon carnet, l’adrénaline et la panique faisant un combo particulièrement détonnant. Je remonte aussi la caméra que j’ai embarquée et je filme les cadavres alignés, les types qui se marrent, tiquant alors que je vois qu’il y a des femmes dans le groupes. Et qu’elles sont probablement encore plus flippantes qu’eux. Ou pas. Je sais pas trop.

Je renifle un coup, focalisé sur les uniformes que j’essaie d’identifier tant bien que mal. Je repousse la peur le plus loin possible, sachant qu’elle va finir par me paralyser si je continue à jouer au con et je me rapproche, suffisamment pour entendre le mec parler d’en profiter. Ah putain, je suis tombé sur des vrais psychopathes ou ils sont tous comme ça dans l’armée ? Je me suis bien évidemment pas rendu compte que j’ai marché sur une brindille, une feuille morte ou je sais pas quoi d’aussi foireux qui attire l’attention sur moi.

Okay, là je suis donc bien dans la merde. Je vois l’arme braquée vers moi et j’inspire, bien décidé à pas me faire tailler en pièces dans un putain de bosquet. Quitte à crever, autant essayer de le faire avec un tant soit peu de dignité quoi. Je mets les mains derrière le dos, arrachant les pages pour les glisser dans ma ceinture avant de lever les mains en l’air, en mode bonne foi. Un truc du genre quoi. « Nolan. Wilson. Je fais partie des journalistes qui accompagnent votre… troupe. » Peut-être pas la leur, d’accord. Et, si pendant une seconde, il m’est venu à l’esprit de me tirer, voir l’arme d’aussi près me dissuade tout aussi sec.

Je garde les bras levés et pourtant, je souffle, incapable de m’en empêcher. « Y a pas des règles putain ? Vous devez pas les mettre en taule jusqu’à ce qu’ils crèvent de la dysenterie ou de je sais pas quelle merde dans le genre pendant tout le monde les aura oubliés ? » Et sinon, je devrais apprendre à fermer ma gueule, ce serait pas mal. D’autant que la panique me fait parler un ton trop haut. Heureusement, je me suis pas pissé dessus. Pas encore quoi. La grande classe quoi. Enfin, si je sors de là en vie, ça pourrait faire un putain d’article.

Mais c’est sans compter sur les explosions qui viennent de derrière moi. Je sursaute, avant de faire un pas vers lui sans réfléchir. Je pense pas que mon instinct soit de bon conseil pour le coup mais j’y peux pas grand-chose. « Vous avez des potes qui débarquent ou ça pue ? » Je me trouve super calme pour un type qui se demande à quel moment ses jambes vont se dérober pour de bon sous lui et, surtout quand est-ce qu’il va crever. Il a du sang jusque sur la gueule ou c’est juste une impression ?


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Jean Raulne
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyDim 23 Déc - 22:55

Je revois Jenna en boucle dans ma tête. Elle me parle. Elle pleure. Elle crie. Elle en a assez. Elle ne peut plus continuer. Je n’entends rien à l’étage. Les filles ne dorment pas, pourtant. Malgré la dispute. La sueur me colle la nuque, elle pointe de petites gouttelettes sur ma lèvre supérieure, là où j’ai rasé la moustache que je réserve d’habitude à mes camarades Fantômes, drôle de façon de se raser à ce siècle mais qui m’a toujours plu. Quand je la rase à fond, j’ai l’impression que je suis tout nu. Comme quand elle m’engueule. La colère me met à nu. Elle croit que je la trompe. Que je saute Oppenheimer, avec qui je passe tout ce temps. Elle ou Wilson. Elle crie encore. Hurle qu’elle n’en peut plus et que je ne peux pas comprendre. Que la guerre nous aura tous les deux. Je me jette sur elle. Mains plaquées contre la gorge, qui ne se contentent pas de serrer. Trachée écrasée, cartilages broyés. Je susurre contre son oreille tous les mots d’amour qui me viennent pendant que je serre. Même pas un gargouillis. Rien que ses mains qui me griffent le visage. Que ses yeux qui rougissent sous l’effet des vaisseaux sanguins qui se pètent les uns après les autres. Son tient qui vire au bleu. Ses lèvres, plus rouges encore que d’habitudes.


Je regarde mes mains qui tiennent ma clope. L’impression qu’elles baignent de sang depuis tant de temps que le liquide carmin a coagulé sur mes grandes paluches. Je n’ai pas tué Jenna. Rêve récurrent. Qui revêt chaque fois une forme différente. J’ai constamment envie de vomir ce que je deviens. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de me demander.


Est-ce qu’on n’en arrivera pas là, un jour où l’autre ?


Et je suis dans une forêt polonaise, à entendre du bruit alors qu’on vient d’éliminer un bataillon mécanisé russe de l’équation. Avant d’en attaquer un autre. Et encore un autre. Jusqu’à ce que tous mes fantômes en deviennent pour de bon. Le mec sort des taillis alors que je suis tout prêt de lui tirer une trentaine de munitions à pointes explosives, de quoi le disperser d’ici jusqu’à Bruxelles et de transformer son corps en petits confettis tout rouges et tout collants. L’homme sort les mains en l’air. Il est bien fringué. Je le dévisage, sourcils froncés. Et me tourne vers Oppenheimer.



| Vérifie qu’il n’est pas armé, cet enculé. |


Et la voilà qui se dirige vers lui, qui lui fait les poches. Je le dévisage.


| Journaliste, hein ? Super. T’as une carte, sur toi, un laisser-passer ? Qu’est ce que tu fous dans le secteur ? Ca pullule de popov et ces mecs sont pas venus pour cueillir les champignons, ils sont pas là pour rigoler. |


Oppenheimer étouffe un juron en mode « en tout cas ils ne sont plus là pour ça » mais on distingue mal ses mots. J’ai envie de ricaner, mais les liaisons se font encore dans mon esprit. Journaliste. Merde. Il a peut être vu quelque chose. Ok, on est couvert partout. Mais quand même. Ca fait mauvais genre. Je me fiche bien de ce que Jenna penserait si elle me voyait faire les gros titres pour du massacre de prisonniers, mais je me dis que les filles pouvaient m’entendre selon les canaux qu’elles écouteraient. Je hausse les épaules.


| Dites donc, vous êtes un marrant vous. Il faudrait les laisser crever dans un cul de basse fosse ? Vous en avez déjà vu un, vous ? Un de ces trous où on attend de crever ? Ces salauds ont défoncé les unités qui protégeaient la frontière, et tout ce qu’il y a derrière. C’est eux ou nous. |


Et d’un coup, mes tripes se figent. Bouleversements de pression. Explosions. Mon instinct reprend le dessus. Oppenheimer le plaque au sol, et je les rejoins en me plaquant à plat ventre. Du 155. De quoi secouer un terrain de foot à chaque obus, et pulvériser tout ce qui tient debout.


| Obus ! |


Trop tard, mais l’instinct parle. Claquements sourds. Chant du cygne dans mes oreilles, strident, je ne comprends plus mais c’est trop tard pour ça aussi. Dents serrées, grelottant comme un mec lâché dans l’antarctique.


| T’as de quoi enregistrer ? | hurlais-je au mec par-dessus les bruits des obus qui déchiraient l’atmosphère.
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyDim 6 Jan - 15:26

Bon, je crois que celle-là, je pourrais la mettre dans le top 3 de mes plans foireux. Et pourtant, j’en ai eu des pas mal jusque-là. Mais encore rien qui me fasse baliser à ce point-là. Je saurais pas exactement dire pourquoi je ressens ça, mais mon instinct me crie que là, c’est un autre niveau. Et eu final, toutes ces foutaises sur la guerre prennent tout leur sens. Ce qu’on croit être des idées reçues, des clichés sur les horreurs qu’on ne peut ressentir qu’une fois au front, en fait, c’est vrai. Mais j’aurais bien aimé découvrir ça à un autre moment, genre quand je suis pas en train de me faire braquer par un putain de fusil dont je sais même pas le nom.

Je sens mes mâchoires qui se contractent alors que leurs regards se posent sur moi. Mais j’arrive à garder la tête haute, à pas me chier dessus, ce que je trouve admirable au vu de la situation. Vérifier que je suis pas armé. Ils sont sérieux là ? Visiblement, oui. Je me laisse faire, essayant de pas faire gaffe au sourire de la fille chargée de la fouille. Elle fait flipper, presque autant que son chef. « Je suis pas armé d’accord ? Je suis pas aussi con ! » Ou je le suis probablement, pour me balader sans flingue ici, allez savoir. Elle m’écoute bien évidemment pas et me fait les poches, presque déçue de voir que je raconte pas de conneries.

Je plisse des yeux en direction du type et je soupire quand il me dévisage. « Quoi ? Vous êtes pas contents d’avoir des crétins venus faire des reportages pour prouver à quel point vous êtes des putains de héros à nous protéger de la vermine de l’est ? » Ou une connerie dans le genre donc. Je désigne ma carte, ou plutôt la poche de ma veste d’un mouvement du menton et la femme se fait pas prier pour fouiller, me poussant un peu l’air de rien. Je me laisse faire, je suis pas con au point de protester mais, intérieurement, j’ai envie de gueuler. Et elle sort la carte, accompagnée du laisser passer qu’elle agite en direction de son patron. « Voilà, vous êtes contents ? Je suis en règle, sinon comment j’aurais réussi à venir jusque-là ? Et j’ai bien vu qu’ils sont pas là pour cueillir des champignons. Qu’ils le sont plus en tout cas... » Ma voix se meurt un peu alors que mon regard se perd en direction des cadavres et que je déglutis tant bien que mal. Putain, c’est la guerre d’accord, mais c’est pas un jeu de massacre non plus. Ou alors, j’ai raté un épisode. Ou toute une saison, allez savoir.

Je me fige un instant quand il reprend, oubliant même de garder les mains en l’air. Enfin, en même temps, ils ont l’air de s’en foutre royalement et je serais infoutu de tirer sur eux, même si j’avais une arme entre les mains. « Oh, allez pas me faire croire que vous faites preuve de pitié ou un truc dans le genre. Ca vous éclate, ça se voit. » Dans leurs yeux, leur attitude. Aucun d’eux n’a vraiment l’air traumatisé par ce qu’il fait. Certains me parleraient de l’adrénaline de la guerre, du fait qu’on est dans un autre monde, qu’après coup, ça retombe sur vous et ça vous écrase. Mais, franchement, j’ai quand même un vieux doute les concernant, sans bien savoir pourquoi.

Mais j’ai pas le temps de partir dans une envolée lyrique qui me ferait probablement passer pour le dernier des naïfs ou pas loin, que la femme me plaque au sol. Obus ? Sérieusement ? Je me crispe et j’ai l’impression de me ratatiner sur moi-même alors que le sol tremble autour de moi, sous moi, dans moi. Si je ferme les yeux, ça se passera mieux non ? En fait, pas du tout. J’ai l’impression de bouffer de la terre à chaque fois que je respire et que mes oreilles vont exploser. Je passe les mains sur ma tête, dans un réflexe profondément inutile mais, au moins, je bouffe un peu moins de caillasse. Et j’arrive même à lever un regard incrédule en direction du militaire. « Quoi ? T’es sérieux là ? Tu veux une putain d’interview ? » Remarquez, ça fera un sacré reportage quand j’y pense. Enfin, en espérant qu’on se prenne pas un obus en pleine gueule. D’autant que celui-là est pas passé loin.
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyJeu 10 Jan - 21:55

Elle est là la décharge d’adrénaline, la puissante vague qui défonce tout sur son passage, qui me donne l’impression de vivre et d’exister tout en me comprimant les poumons, en me dilatant les pupilles et en me donnant l’envie de me chier dessus. Je me retiens avec brio. Médaille d’honneur les gars, prenez du 155 dans la gueule et ça rase tout le pâté de maison, papy et mamy avec. C’est même physiologique, en fait. Ca vous secoue tout entier. Des mecs meurent sans être touchés, ils se noient dans leur propre sang dont la pression fait péter les vaisseaux sanguins, ou lapident de l’intérieur leurs organes. Ca secoue grave. Du 155, c’est du gros. Pas du motorisé. Les russes sont tout proches, si je déduis bien ce qui est en train de nous tomber sur la gueule. Le mec avait beau se défendre de pas être con, trois minutes avant, on doit bien tous admettre qu’il est bien plus neuneu qu’il n’y paraît s’il se retrouvait ici sans arme. Abruti de merde, mais j’aurais pu dire n’importe quoi qu’on ne m’aurait pas entendu avec ce fracas de fin du monde.


Un obus explose à vingt mètres et pulvérise plusieurs sympas dont des milliers de bouts d’écorche déchiquetée volent en tous sens. Je serre les dents, mains plaquées contre les oreilles sous le casque en étouffant un hurlement de bête prise au piège. Salopards ! Salauds ! Ces enculés allaient nous tailler en pièce ; on n’avait pas plus de couverture que les blindages pare-éclats des véhicules russes, des arbres, ou des trous d’homme remplis de cadavre qu’on avait investis en prenant la position d’assaut.


Le journaleux avait raison pourtant, juste avant le tir de barrage. Ca m’éclatait tout ça. Mais pas pour les raisons qu’il pensait. Pas pour le bête plaisir de tuer, qui était éphémère une fois qu’on commençait à oublier ses premières fois. Le mec est estomaqué que je lui demande s’il a de quoi enregistrer. J’essaie de surmonter le déchirement de l’air et les changements de pression qui nous niquent l’ouïe, en criant bêtement plus fort que l’orage d’acier.



| J’ai une tête à vouloir apparaître dans un putain de journal, sale con ? Ferme ta gueule et sors ton appareil, enregistre la bande son ! Tu entends ? Enregistre le son ! Les gens doivent savoir ce que c’est |


Drôle de demande, mais peut être qu’ils Je continue de compter dans ma tête, comme pour me raccrocher à l’infime espoir que tout ceci prendra bientôt fin. Que ce n’est qu’une passade. Deux minutes. Trois minutes. Quatre. Le sifflement strident d’une nouvelle bordée vous lacère l’âme et on entend au loin les tirs sourds des pièces d’artillerie. Cinq minutes. Sifflement, explosion. J’essaie d’activer mon oreillette comme un forcené. Rien. Tap-tap. Quedal. Je me tourne vers Oppenheimer.


| Sergent ! On repart en guerre ! Les liaisons sont mortes, t’entends ? Vas chercher le peloton de McHall, ça vient, ça vient ! |


Et pour venir, ça venait. On entendait le cliquetis des chenilles. Le grondement des moteurs.


| Sur la route, vite ! Bougez-vous ! |


Je me redresse et saisit le civil sans ménagement par le col, le secouant à moitié tout en le tirant par le col.


| Enregistre et bouge-toi le cul, connard ! Ici, c’est marche ou crève ! |


Coup de pied au cul pour faire bonne mesure. On court vers le talus, qu’on reprend pour passer de l’autre côté de la route. La plaine en contrebas de la colline est tapissée d’hommes et de blindés. Je ricane en me tournant vers l’autre gars, et en me jetant dans le nid d’un mitrailleur en tenue noire. Ca commence à tirer de partout. D’abord dans le lointain. Puis les claquements des armes automatiques éclatent tout autour de nous. Les moteurs vrombissent et les véhicules montent la pente, faisant feu de tout bois. Ca se bat et ça meurt partout autour. Un type est fauché, tube anti-char à l’épaule. Je me tourne vers le journaleux, qui est à côté.


| Amène-moi ça, ou on va se faire rouler dessus ! |
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyMer 30 Jan - 10:50

Alors, c’est à ça que ça ressemble la fin du monde ? Enfin la version avec tout qui pète dans tous les sens quoi. Y a pas à dire, je suis pas en train de vivre le moment le plus cool de ma vie. Loin de la même. Je me demande à quel moment je vais finir par tourner de l’œil avec tout le bordel qu’il y a autour de nous mais, le pire dans tout ça, c’est cette espèce de décharge d’adrénaline qui me donne envie d’en voir le plus possible, de pouvoir me souvenir de tout ça pour pouvoir en parler. C’était ça que je voulais faire quand j’étais gamin et, si le peu de raison qui me reste me souffle que c’était l’idée la plus foireuse du monde, dans le fond, la terreur se partage quand même la place avec une espèce de surexcitation malsaine à essayer de savoir ce qui va se passer.

Sauf que là, la dernière explosion me vrille les tympans. Et tout se met à siffler. Je plaque mes deux mains sur mes oreilles, me demandant vaguement quand même si ce serait pas le bon moment de me mettre à croire en dieu ou à n’importe qui du même genre qui pourrait me protéger les miches alors que, tout autour de nous, les arbres partent en morceaux. Comme certains types d’ailleurs. Quelle merde. Je plisse des yeux devant le chef des tarés qui me demande donc d’enregistrer ce qui se passe. Evidemment, je balance la première connerie qui me vient plus pour relâcher la pression qu’autre chose et, à sa réponse, je lève un regard incrédule. « Ouais dans la putain de rubrique de faits divers pour avoir dézingué tout le quartier ! » Oui, un jour, j’apprendrais à fermer ma gueule. Ca aurait pu être le bon moment en fait, maintenant que j’y pense.

Et pourtant je m’exécute, tenant peut-être le reportage du siècle. Au moins ouais. J’attrape ma mini caméra que je mets en route, le son à fond alors que j’arrive tant bien que mal à faire quelques plans autour de moi. Et je souffle, d’une voix aussi audible que possible, tout près du micro. « Ici Nolan Wilson. On est à … putain on est dans le trou du cul du monde à coté de Lublin. Je crois. On se fait canarder la gueule par des obus russes. Et je suis avec… » Des putains de tarés psychopathes. Ouais ça, je vais le garder pour moi hein. J’ai de toute façon pas le temps d’en rajouter qu’il commence à donner des ordres et qu’on entend effectivement que le plus lourd va arriver.

Je me sens aussi soulevé par le col et je lâche une volée de jurons alors que je manque de faire tomber ma caméra. « Je me bouge le cul, j’ai pas envie de rester tout seul face à cette merde. » Ouais, c’est un peu évident on est d’accord. Et le coup de pied au cul me permet de retrouver mon équilibre alors que je cours vers le talus, plié en deux, ma caméra filmant tout et surtout n’importe quoi. J’essaie tant bien que mal de reprendre mon souffle alors que l’autre… se marre. Sérieusement ? On est en train de se faire canarder, bombarder et j’en passe et ça le fait marrer ? Et merde, quitte à mourir, j’aurais préféré que ce soit pas avec un mec dont j’entends les fusibles disjoncter aussi bien que les balles qui sifflent autour de nous.

Mais j’arrive quand même à me relever un peu, juste ce qu’il faut pour pouvoir filmer ce qu’il y a autour de nous. Alors, qu’on soit d’accord, je garantis pas la qualité de l’image. Ou la netteté. Ou qu’on puisse voir quelque chose. Encore que, le type fauché à quelques mètres de nous à peine, j’ai une jolie image. Surtout le sang qui vole jusqu’à la caméra. Je me fige un instant, sentant le goût de la bile qui commence à remonter doucement mais sûrement. Heureusement, si on peut dire, Raulne me ramène à la réalité en me gueulant dessus. Alors je le suis, plus par automatisme qu’autre chose, essuyant nerveusement ma bouche alors que je trébuche contre je sais pas quoi et qu’on se faufile dans le sens opposé aux tirs. En tout cas j’espère. En vrai, j’en sais foutrement rien. Et puis, j’ai pas vraiment le temps de me poser la question. Vu que j’entends une explosion plus près. Trop près. Et que je sens mes pieds qui se décollent du sol alors que j’atterris plusieurs mètres plus loin, la tête la première dans la neige. Les sifflements reprennent de plus belle, j’ai l’impression que je vais vomir tripes et boyaux et je vois à peu près un milliard de points noirs flotter autour de moi. Tout comme des morceaux de terre. Et de personnes ? Difficile à dire. Déjà que je sais même pas comment j’ai pas tourné de l’œil. Ca se trouve je suis en train de me vider de mon sang et j’ai même pas vu. Mais je tiens toujours la caméra. Pas mal non ? Ou pas. D’accord.
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyJeu 7 Fév - 21:10

Ca tire de partout, maintenant. A la minute, plus de vent-vingt hommes qui en repoussent plus encore, ça doit donner quelque chose comme des milliers de munitions qui volent en tous sens, frappent les hommes, les protections, fouaillent la terre et soulèvent des gerbes d’humus noir, d’herbes et de plantes déchiquetées. L’artillerie a attendri la viande, maintenant c’est au tour de leurs chars de briser nos lignes pour permettre à leur infanterie de nous massacrer.


Hors de question, les fils de putes.


HK416 à l’épaule, j’aligne mes cibles. Il y en a une tonne de ces enfoirés. C’est probablement tout un bataillon mécanisé qui nous tombe dessus. Trois contre un. Rien que ça. Il y a plus de cibles qu’on ne peut en cibler, mais les Fantômes sont les pires enculés que la Terre a porté et la plupart d’entre eux et d’entre elles voient plutôt dans la situation une excellente opportunité de faire gonfler leurs scores, et de pouvoir bénéficier d’une prime au scalp non négligeable. Ca allait être sonore et dégueulasse, mais on ne fait jamais d’omelettes sans casser les œufs. L’homme réplique un truc quand je lui demande d’enregistrer, mais j’ai le sang qui bat dans les tempes et les rafales rapprochées creusent mon épaule en même temps qu’elles laissent un ressac sonore au fin fond de mes tympans.



| Ta gueule, putain, ta gueule! |


Qu’il se taise et qu’il obéisse, ce connard de gratte-papier. Il avait rien à foutre là. Alors ouais il tenait sans doute son petit sujet dramatique à propos de réfugiés, de bombardement, de percée ennemie et de contre-attaque héroîque mais bla bla bla, on avait autre chose à faire sur le moment que se palucher avec lui sur son futur pulitzer, à cette tête de nœud. Une quinzaine d’hommes en face commence à gravir la pente mais la fusillade s’intensifie. A notre droite, une mitrailleuse légère crache des dizaines de munitions et cisaille presque un ennemi en deux, et en frappe plusieurs qui s’effondrent. Fusil aligné, je presse la détente en coup par coup. Cinq fois. Six. Sept. Huit. Cible touchée, balle en plein dans l’oeil et nuage de sang qui éclate derrière son casque. Je crie que je recharge en libérant le magasin pour en cogner un autre contre mon casque, pour faire tomber la terre de l’intérieur et l’enclencher dans mon HK, dont je tire en arrière le levier d’armement pour le réenclencher.


Je recale mon fusil contre l’épaule et on continue d’arroser. En contrebas, beaucoup de silhouettes immobiles maintenant. Mais les tanks approchent et accélère en crachant de la fumée par leurs pots d’échappement. Un coup de 120mm éclate un nid de mitrailleuse plus haut sur la colline, et des débris humains et matériels retombent pêle-mêle, rebondissent sur les casques. Je me tourne vers le journaleux pour lui hurler de se sortir les doigts du cul et me ramener le lance-tubes, mais je jure en voyant qu’il a l’air totalement ad patres, à même le sol. Il y a du sang autour de lui, mais ça n’a pas l’air d’être le sien. Je me prépare à aller le chercher et le tirer dans mon trou d’homme, mais je me ravise. Trop dangereux, et ce couillon avait qu’à faire attention.


Je continue de tirer. Au loin, un mec qui semblait donner des ordres se reculent en se tenant le bras. Un autre qui s’apprête à tirer une grenade fumigène d’un lanceur tombe en arrière, cueilli en plein cou. Mais ma conscience, ou ce qu’il en reste, n’arrête pas de me tarauder. Et je jure en passant le parapet pour courir dans la neige, et je tire le type par la bretelle de son sac en gueulant à Wilson de tirer au LRAC sur le tank le plus proche. Je continue à tirer le type jusqu’à le faire tomber dans le trou qu’il devait occuper à l’origine. C’est l’enfer, sur la colline. Un char roule droit sur nous et le coup de canon à vingt mètres me secoue le corps tout entier. Je n’arrive pas à le faire réagir alors je le secoue, et lui file quelques baffes.



| Réveille toi putain, ou je te laisse là. |


Il semble rouvrir les yeux, mais de là à dire qu’il a l’air opérationnel… Je lui fourre monflingue entre les mains.


| Prends ça, vise et tire, ces connards vont nous submerger. |

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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyMar 5 Mar - 20:24

Putain, putain, putain. Je suis en plein cauchemar en fait. Je t’en foutrais des scoops, des prix Pulitzer. J’ai juste envie de rentrer chez moi et de me planquer dans mon plumard en oubliant tout ce que je viens de voir ou d’entendre. Mais visiblement, c’est pas en option. Et je me demande comment ces types font pour tenir comme ça depuis des mois, des années même. Comment ils continuent de se bouger le cul et, pire encore, comment ils peuvent donner l’impression d’aimer ça. Parce que l’adrénaline mon cul oui.

Je me fige alors que je regarde Raulne tirer avec une précision qui laisserait admiratif un paquet de monde. Il sait ce qu’il fait ce connard, y a pas à dire. Comme toutes les autres personnes qui m’entourent. En vrai, je suis le seul à pas savoir ce qu’il fout là en fait. Et autant dire que c’est pas terrible comme impression. Mais je me ressaisis. Déjà parce que j’ai pas bien le choix vu comment l’autre taré me menace, je vais pas me faire prier pour m’occuper. J’allume ma caméra et je commence à parler avant qu’il me dise de la fermer.

Il se fout de moi ou quoi ? Je dois enregistrer et fermer ma gueule ? Et puis quoi encore ? « Je suis pas un de tes foutus soldats ! » J’avoue, je suis presque content que le bruit des détonations étouffe en grande partie ce que je raconte. Ca évitera peut-être que je me fasse buter directement par les mecs supposés être dans mon camp donc. Enfin, je crois qu’il est dans mon camp, là de suite, j’ai quand même de sérieux doutes.

Et je filme. Des trucs horribles. Que j’avais encore jamais vus en vrai. Et autant vous le dire tout de suite, la différence entre ce qu’on voit à la télé, dans le confort de son petit canapé alors qu’on sirote une bière toute fraîche sortie du frigo, et ce qu’on voit là, c’est juste pas comparable. Le bruit, les odeurs, ce goût de bile qui remonte dans ma gorge à intervalles réguliers… rien de tout ça n’est palpable quand on regarde ce genre d’images à la télé. Il n’y a rien d’assez fort pour le décrire, pour le comprendre. Ça vous prend aux tripes et ça vous lâche pas. Jamais. J’essaie de prendre de grandes inspirations, pour ne pas céder à la panique et me retrouver prostré dans un coin en attendant la mort venir. Mais c’est compliqué. Même si je sais que j’aurais pas à attendre longtemps si je fais ça.

Je fais pas gaffe à ma position. J’ai pas ce genre de réflexe. J’ai jamais à l’avoir, pourquoi ça changerait ? Et je pige ce qui arrive que quand je me retrouve avec des morceaux de … oh putain, j’ai pas envie de savoir quelle partie du corps du type en lambeaux vient de m’atterrir sur la gueule en fait. Cette fois, c’est fait, je peux pas m’empêcher de vomir ce qui restait de mon déjeuner alors que je vois que je suis couvert de sang, de boyaux et j’en passe. Mais j’arrive pas à bouger en vrai. Je sais pas parce que c’est parce que je suis en train de crever à même le sol ou si je suis juste paralysé par la peur. A dire vrai, les deux options me plaisent moyennement, on va pas se mentir.

Et je suis toujours incapable de bouger alors je sens le sol vibrer sous moi de plus en plus violemment. Je me rends compte en fait que j’arrive même à ouvrir les yeux. Tout semble aller comme au ralenti. Mais, d’un coup, je me sens tirer en arrière et je me casse la gueule dans un trou, l’arrière de mon crâne cognant violemment contre un truc beaucoup trop mou pour être de la pierre. J’évite de tourner la tête pour pas voir ce que c’est alors que je réussi à ouvrir les yeux et à faire plus ou moins le point devant le mec qui vient de me sauver la vie donc. Et merde, c’est Raulne. J’essuie nerveusement ma bouche alors que les types continuent de canarder autour de moi, inlassablement. Comme si rien de grave ne venait d’arriver. Comme si la terre ne venait pas d’exploser sous nos pieds. Comme si tout le monde avait une putain de réserve infinie. Remarquez, si quelqu’un doit tomber en rade, mieux vaut que ce soit eux que nous.

Et le pire dans tout ça, c’est que les baffes de Raulne me réveillent plus que les explosions autour de moi. Je secoue la tête, retenant un haut-le-coeur alors que, plus par réflexe qu’autre chose, je le repousse mollement. « C’est bon putain, suis en vie. » Je suppose. Je baisse alors les yeux pour voir mes mains qui sont couvertes de sang, sans arriver à me décider si c’est le mien ou pas. J’ai de toute façon pas le temps de me pencher sur le sujet que le mec me plante un flingue entre les mains. Je crois que j’ai su m’en servir. Dans une autre vie. Enfin, au pire, j’appuie sur la gâchette et on verra bien non ? C’est ce que mon cerveau essaie de me dire, enfin la partie qui fonctionne encore vaguement. J’inspire longuement, essayant d’oublie que je suis probablement déjà mort. Pour me relever tant bien que mal et me plaquer au sol. Et je tire. Je vois des types s’écrouler plus loin, sans savoir si c’est vraiment moi qui les ai touchés ou pas. Pourtant, je m’arrête pas, jusqu’à ce que le cliquetis me fasse comprendre que le chargeur est vide. « Putain, dis moi que t’as encore des balles ! » Oubliée la caméra, oublié le reportage. Juste flinguer ce qu’il y a devant nous avant que ce soit eux qui le fassent. Et mon cerveau est totalement débranché, focalisé sur ça et sur les cris des gens autour de moi sans que j’arrive à savoir si ce sont des ennemis ou non. On s’en fout après tout.
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyMer 6 Mar - 13:56

C’était le point de bascule de l’affrontement, ce moment après les quelques minutes de tatônnements de départ, où tout pouvait pencher d’un côté de la balance ou de l’autre. Dans tous les cas, c’était le moment où beaucoup de gens allaient mourir, avant qu’un des deux camps ne finisse par décrocher et ne se mette à consolider la position conquise ou conservée. Pas le temps de rêvasser à des considérations tactiques, quoiqu’il en soit, car les balles pleuvent, en même temps que les projectiles et c’est un monstrueux T-80 qui monte la pente droit sur nous. Je continue de tirer alors que tout soutien antichar semble s’évaporer, quand mes hommes porteurs de tubes LRAC semblent muselés par le combat d’infanterie, ou sous le feu de chars russes. Les popov ne donnent pas dans la dentelle, leurs pertes sont énormes mais celles des fantômes doivent être très importantes aussi compte tenu du nombre d’uniformes noirs qui sont dispersés sur la contrepente, dans l’état déplorable et figé qui ne peut que retranscrire la mort. J’ai l’impression d’être plus léger depuis quelques minutes et ce n’est pas qu’une sensation physique, compte tenu du nombre de chargeurs déjà vidés en direction de l’ennemi.


J’enrage et je peste quand ce putain de journaliste dit qu’il n’est pas un putain de soldat. On leur donnait la palme des connards, à l’école de journalisme ?



| Ta gueule, et fais ton boulot ![ |


Une rafale frappe le sol successivement à côté de nous et touche un de mes hommes au bras, qui tombe en charpie. Gros projectile. Sans doute du 25 automatique. Ah oui, les BMP suivent les chars. Ca pue de plus en plus ici, et le fracas assourdissant des tirs ne masque plus qu’en partie les hurlements déchirants des mecs au sol, qui tiennent leur ici leur plaie, là leur moignon, en gueulant pour avoir de l’aide. Mais on n’est pas l’armée du salut ici, ni la croix rouge. On ne donne pas de compassion, ni d’espoir. On ne donne que la douleur et la mort, et on distille la peur. Le T-80 se rapproche encore alors que le journaleux reprend ses esprits et je ricane quand je lui fourre un chargeur de flingue dans la main.


| Tiens, voilà des dragées. Dans la gueule, c’est mieux ! |


Oppenheimer a vu le danger. Et elle agi. Sous le tir de couverture d’une trentaine d’hommes sur la droite qui amènent l’intensité des tirs et du boucan à l’insupportable, elle bondit de son trou avec trois hommes. J’aligne encore mes cibles, tandis qu’une mitrailleuse envoie des milliers de projectiles sur les blocs optiques du blindé. Un fantôme est fauché, plusieurs impacts font éclater cuisses et tibia et il tombe en hurlant. Son corps disparaît dans l’explosion d’un obus de blindé, alors que mon sergent continue son boulot et court sur le char, grimpe dessus avec ses hommes. La quantité de tirs s’intensifie encore. Une mine magnétique est glissée dans les chenilles, une autre dans le défilement de la tourelle. Un gars est touché à l’épaule, à la poitrine, à la tête, et Oppenheimer descend alors que je vide mon HK qui tressaute contre mon épaule pour la couvrir alors que la blonde casquée tape le sprint de sa vie. Les mines se déclenchent alors que le dernier homme était toujours dessus. Huées et clameur.


Un son strident nous déchire l’âme quand un vieux Mirage passe en rase-mottes et lâche ses « bidons spéciaux » dans la plaine. Hurlement et odeur de produits chimiques, au moment où une boule de feu explose plus bas, chauffant nos visages jusqu’ici alors que les russes sont transformées en torches humaines. Je tire le crève-cœur et le fixe au bout du HK. Les Fantômes ne sont pas des combattants classiques, l’ennemi est en panique. On ne va pas que les repousser, on va les détruire.




| En avant, en avant ! au crève-cœur ! |


L’ordre est relayé et les tenues noires quittent leurs troues en gueulant, arborant armes de poing et armes blanches, d’autres lame au canon, tandis que l’ennemi, submergé par la vague, se fait transpercer ou mitraillé à bout portant. Les blindés sont grenadés, d’autres détruits à bouts portants par des tirs de tubeurs à charge creuse. Je tire le journaliste par l’épaule.


| On y va, allez allez ! |


lui grognais-je avant de le pousser par le col vers la pente, d’empoigner mon arme, et d’achever d’en vider le chargeur sur l’équipage d’un BMP à l’arrêt, qui évacue par les trappes. Les munitions à cette distance pulvérisent les os, traversent les corps et percutent le blindage derrière dans un fracas métallique.

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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyMer 27 Mar - 9:27

Est-ce que quelqu’un va finir par se rappeler pour de bon que je suis pas un putain de soldat ? Que je suis pas entraîné pour ce genre de trucs, que … ouais que j’ai rien à foutre là. Si j’avais encore des doutes à ce propos, là ils sont confirmés. Alors ouais, après coup, je sais bien que je vais y voir là comme une manne pour des articles et pourquoi pas un putain de livre. Je vois déjà le titre « j’ai survécu à des tarés ». Simple, propre, brillant. Au moins. Sauf que pour ça, il faut survivre. Et franchement, c’est pas gagné.

Surtout avec un type comme ça. Enfin, il est toujours en vie, même si clairement ses neurones ont cramé en cours de route. Donc je suppose que ça devrait me rassurer d’être sous son aile. Même si je suis en train de me liquéfier de l’intérieur à mesure que passent les secondes. Ou les minutes. Ou les heures. En vrai, j’ai perdue toute notion du temps et ça, c’est encore plus flippant que le reste. Pour ce que j’en sais, si ça se trouve, ça fait que cinq minutes qu’on se fait canarder alors que j’ai l’impression que ça fait mille ans.

Probablement parce que je suis encore un peu sonné, beaucoup même, de cette foutue explosion. Mine. Bombe. Obus. Oh putain on s’en fout en fait. A sa réplique, je plisse des yeux vers lui et je crache un glaviot de sang sur le côté avant de répondre et de l’insulter de tous les noms qui me viennent. Sauf que je suis sauvé par une rafale. Ouais c’était un coup à me faire buter en direct. Et salement. Mais visiblement, vu qu’il semblerait que ce soit mon nouveau boulot, j’essaie de m’appliquer.

… le pire ? C’est cette foutue décharge d’adrénaline. Cette envie de dégommer ces types qui essayent de nous buter. De vouloir qu’ils tombent, les uns après les autres. J’étais pas supposé être pacifiste ou une merde dans le genre ? Autant dire que là, niveau crédibilité ça se pose là. Je lui arrache presque le chargeur des mains et je plisse de nouveau les yeux vers lui quand il ricane. « Tu veux pas que je fasse ça proprement non plus ? » Question rhétorique, on est bien d’accord. Des dragées mon cul ouais.

Mais j’inspire et je me surprends à me concentrer pour aligner tant bien que mal les cibles à mon tour. Qu’on soit bien d’accord, je suis carrément moins bon que n’importe qui de présent dans ce foutu bordel. Et non je me suis pas découvert un putain de talent au tir là direct paf dans la mêlée. Sauf qu’au final, à force de tirer un peu n’importe où, je finis quand même par faire mouche. Et en plus, pas bien loin, juste ce qu’il faut pour voir la tête du type se transformer en fleur juste sous mes yeux. J’écarquille les yeux, me figeant l’espace d’une seconde alors que je sens de nouveau le goût de la bile au fond de ma gorge.

… okay, je viens de tuer un type.

Je sais, c’est carrément pas le moment d’avoir ce genre de considération à la con. D’autant que ça tombe comme des mouches autour de moi. Je vois la blonde jouer au super soldat et, malgré le choc, autant dire que je suis impressionné. Elle grimpe sur ce putain de char sérieux, comme si c’était normal. « Putain de merde, c’est quoi cette fille… » J’ai soufflé, d’un ton incrédule, pas bien sûr que son chef m’entende mais, au final, ça vaut aussi pour le reste de son équipe. Les coups de feu continuent dans tous les sens et j’ai un sursaut avant de me mettre à tirer de nouveau. Les huées et autres cris qui suivent l’explosion des mines me donnent l’impression d’être en plein rêve. Ou en plein cauchemar plutôt. Je cille, regardant la scène, alors que la neige est maculée de sang et de… morceaux de soldats un peu partout. J’ai envie de vomir sérieux. Comme jamais j’ai eu envie de gerber de ma vie.

Et je dois le regarder avec une tête de poisson mort quand il parle d’y aller au crève-cœur. C’est quoi un putain de crève-cœur ? Ah… okay. Très bien. J’ai ma réponse donc. Je serre mon arme entre les mains alors que déjà, les hommes de ce taré se précipitent pour mener une nouvelle fois l’assaut. Je sursaute aux explosions de grenades, essayant quand même de me focaliser sur… sur quoi au juste ? J’en sais foutrement rien. Mais j’ai pas le temps d’y réfléchir qu’il me tire par l’épaule pour me faire bouger. Et je braque mon arme sur les mecs qui essaient de se tirer, sans même chercher à comprendre, sans essayer de savoir ce que je fous dans ce merdier. C’est peut-être pas plus mal d’arrêter de réfléchir en fait. « Et on va où comme ça ? » Ouais, question de touriste ça non ?
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyLun 8 Avr - 19:02

Je me retrouve à canarder alors que le journaleux se met à tirer à son tour. Je ne sais pas où j’en suis point de vue munitions mais il ne doit plus me rester que quelques minutes de combat à ce rythme, même si j’ai essayé de rester le plus longtemps possible au coup par coup. Le type a l’air choqué quand il est forcé de tuer des russes, ou en tout cas, de leur faire du mal. Tant pis pour lui, pour son innocence, et pour la fierté de sa maman. C’était eux ou nous, c’était aussi simple que ça. Je bascule mon arme vers un groupe anti-char, RPG sur l’épaule. Les tirs secs de mon arme claquent contre mon épaulière en kevlar recouvert d’un tissu camouflé, mais je sens quand même chacun des chocs induits par le recul. Les types sont transpercés et les alentours sont éclaboussés de sang à chaque impact. Ils s’effondrent sans un bruit, mais quand bien même dans tous les cas j’aurais été bien en peine d’entendre ce qu’il leur arrivait, puisque le tonnerre de la bataille alentours était terrible, vous remuait à l’intérieur. Le bruit des chenilles, des hurlements à gorge déployée, le stacato des armes et le bruit caractéristiques des projectiles qui percent corps et protections. Le journaliste ne résiste plus tellement, il est aussi mauvais, au tir, mais il n’a plus peur. Du moins, il n’est plus son objet.


| Arrête de parler, et tue-les, putain de merde! |


Les traçantes ratissent notre position et une silhouette noire est transpercée de plusieurs impacts. Je suis couvert de sang, mais en me traînant vers le soldat atteint, je m’aperçois bien vite qu’il n’y a plus rien à sauver et que le type, un de mes hommes, n’est plus qu’un gruyère humain tout sanguinolent. Je continue de gueuler alors que la compagnie pousse en avant, quittant volontairement ses abris de fortune pour chercher le fusillade de haute intensité à bout portant. A ce petit jeu, le plus décidé l’emporte, celui qui est le meilleur pour canarder l’ennemi sans pitié et sans hésitation, et celui qui n’a peur de rien ne s’enfuit pas. Les autres abandonnent. Provoquent des accidents. Conscrits hésitants, qui tirent et touchent des collègues. Qui abandonnent leurs équipements et s’enfuient. Qui enclenchent la machine arrière de leurs monstres d’acier alors que des Fantômes leur grimpent dessus et vident leurs chargeurs dans les sabords du tank. Deux autres sont arrêtés, dont un qui s’embrase d’un coup avec les quatre soldats grimpés dessus, Fantômes incendiaires pris dans une rafale qui percuta les cocktails molotov improvisés et les bombes magnétiques qu’ils portaient.


La bataille termine en quelques instants. Une minute. Dix ? Mon arme ne rend plus que des clics. Autour de nous, une centaine de mecs et de meufs encore debout. Un tiers de l’effectif par terre. Autant en face, mais avec des véhicules en plus. Des survivants des Fantômes taguent déjà les plaques de blindage des chars ennemis après les avoir définitivement mis hors d’usage, en incendiant leurs réservoirs de carburants.Visage moucheté de sang, je vois mes hommes qui tailladent les corps ennemis, comme des charognards ou des hyènes. Des corps sont pendus aux canons des chars. D’autres sont mutilés, pour leurs trophées, ou simplement pour foutre la pétoche à l’ennemi. Au couteau. A l’ancienne. En mode corps franc d’un siècle en avant. Je me fiche une tige entre les lèvres, l’allume. Je checke Oppenheimer, qui me salut juste après et me dit qu’elle envoie des éclaireurs à la suite de l’ennemi pour continuer de maintenir la pression.


Ca passe. On est victorieux. Mais c’est la merde. Beaucoup de pertes. Et vues les armes lourdes, plus de morts que de blessés. L’unité sera moins efficace ces prochains jours. Je retourne au bout d’un moment auprès du journaliste. Plante mon arme crève-coeur en avant, planté dans le sol meuble labouré par les tirs et les éclats.



| Sacrée journée, hein ? On va passer sur ce qu’il s’est passé après le combat, pas vrai ? Les gens n’ont pas besoin de savoir ça. On gagne la guerre, ici, mais je veux pas qu’on vienne reprocher aux types qui ont sué sang et eau ici leurs petits excès de zèle. On est ok, le gratte-papier ? Chiale pas, demain, ça recommencera. Ce soir peut être. |
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyDim 21 Avr - 19:58

Putain de merde. Quelle putain de journée de merde. De pays. De guerre. De je sais pas quoi. Et pire encore, putain de vocation à la con de vouloir devenir journaliste, parcourir le monde pour découvrir la vérité et je sais pas quoi d’aussi débile dans le même genre. Parce que ouais, si j’avais pas voulu montrer au reste du monde comment ça se passait pour de vrai, jamais je me serais retrouvé un flingue entre les mains à canarder des mecs que je connais pas et qui ont rien demandé.

… bon d’accord, peut-être qu’ils méritent un peu que je leur tire dessus. Que j’essaie en tout cas. Pas dit que je sois vraiment efficace mais une part de moi a pas franchement envie de l’être. « Je parle si je veux putain de merde ! » Ouais, ouais, c’est totalement inutile, mais hors de question que je sois le bon petit soldat qu’il attend. Il me reste plus que ça au final. Un espoir naïf et totalement stupide de croire qu’il me reste encore un semblant de libre-arbitre. Ce qui n’est pas le cas, on va pas se mentir.

Encore moins quand les mecs commencent à tomber et qu’au final, je dois en être en partie responsable. Pas autant que ceux qui m’entourent et font mouche à chaque fois ou presque. Mais bref, des hommes meurent parce que j’y ai contribué. Et ça, je vais en faire des putains de cauchemars pendant des années, je le vois bien venir.

Et pourtant, ça s’arrête.

Le silence. Plus de balles qui fusent dans tous les sens.

Je sens mes jambes qui tremblent et je me demande encore comment elles portent mon poids alors que les types de Raulne s’avancent et commencent à … ah putain de merde, ils tailladent les corps là non ? Détourne les yeux Nolan ou ça va rester gravé dans tes rétines toute ta vie.

… trop tard.

Mes mâchoires se contractent alors qu’ils ont l’air … détendus. Ouais, comme si on venait de finir une bonne partie de rigolade. Ces mecs sont complètement tarés. Je sais pas si c’est la guerre qui les a déglingués comme ça ou s’ils en tenaient une couche avant. Et, surtout, depuis quand c’est aussi dégueulasse de se battre ? Je sais très bien que de base, la guerre c’est la boucherie, c’est pas un exercice de style et ça part toujours en couille. Mais merde, depuis quand on est obligés d’aller découper des types déjà morts ? A quoi ça sert ? Et, pire encore ? Depuis quand ça a l’air d’être autant le pied de buter des mecs ? L’excès de zèle c’est jamais bon mais encore moins dans ce domaine-là.

J’ose à peine jeter un œil à Raulne mais je sens l’odeur de la clope. Et je sors mon propre paquet, plus par réflexe qu’autre chose. Quand je pense qu’il y a un mois à peine je fumais pas et que j’étais prêt à faire tout un laïus sur ceux qui le faisaient. Enfin, y a une heure, je pensais pas participer à ce genre de trucs. Je me sens… en vrai, je saurais pas dire comment je me sens. Un peu embrumé, comme si rien de tout ça n’était réel. Comme si je me regardais vivre un cauchemar. J’inspire longuement, savourant le goût du tabac et essayant d’occulter le petit côté métallique qui doit venir du sang qui a giclé dans tous les sens.

Je finis quand même par reporter mon attention sur Raulne, fronçant les sourcils alors qu’il se remet à parler. « … sale journée ouais. Mais... je suis pas sûr de piger. Je dois faire genre la guerre est toute propre, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Et si je fais pas ça, il se passe quoi ? » Rien à foutre que ça recommence ce soir ou demain. Après ce que je viens de voir, je peux pas la fermer quand même.
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MessageSujet: Re: Catch me if you can... | Jean   Catch me if you can... | Jean EmptyMar 21 Mai - 20:46

Tout termine presque aussi vite que ça a commencé. C’est simple la guerre, en fin de compte. Pour ceux qui la vivent de près, en tout cas, elle l’est certainement. Dans tout ce qu’il se passe, il n’y a pas tellement de certitudes autres que des choses basiques, comme l’instinct de survie, comme la peur, et comme cette grande propension de l’homme à toujours avoir la tentation de s’infliger le pire, et plus encore, d’infliger le pire aux autres. Le type s’est énervé, pendant le pan-pan. Il croit qu’il a son mot à dire. Il ne sait pas que cette guerre, que ce théâtre, c’est la chasse gardée de mes fantômes. De tueurs bien pires que tous ceux qu’il pourra croiser, de types qui avaient la gaule en versant le sang de leurs ennemis, et sans contrôle d’aucune sorte, ils jouiraient autant à saigner à mort leurs propres potes.


Au final, seul comptait le sang qui était versé.


Le temps de combat reflue et c’est fini. Si vite. On a failli être débordés. Si ça avait été le cas, nous aurions été massacrés en plus large proportion, c’était certain. Les blindés ne laissent aucune chance au fuyard ; on a tendance à croire que la guerre d’aujourd’hui fait moins de morts, qu’elle est moins brutale, que les services de soin sont plus efficaces. Sous les chenilles de dizaines de tonnes d’acier crachant la mort, aucun secours n’est possible et j’avais vu des tankistes de tous les camps rouler sur des fuyards, les bousculer, pulvériser les lignes de défense les unes après les autres. Les fantassins ne font plus preuve de beaucoup de pitié depuis qu’on leur a donné les moyens de tuer vite et bien, et de loin. Et dans la densité du plomb tiraillé en tous sens, il n’y a pas beaucoup de culpabilité à ressentir quand on n’est qu’un anonyme qui balance des munitions dans tous les sens de façon totalement anonyme.


On relâche la pression. Les clopes tournent. Les flasques aussi. En certaines circonstances, avoir de l’alcool sur soi est passible de la peine capitale ; avant un largage en parachute, ou en cas de combats urbains, d’opérations nécessitant du tact et du doigté.


Ce n’est pas le cas ici. Les armes abandonnées sur leurs bipieds et leurs trépiers crachent de la fumée à cause de tous les mélanges chimiques à la base de l’essentiel des munitions utilisées. On en observe certains qui jouent du coupe-coupe pour se récolter quelques trophées. Le journaliste a l’air profondément choqué par ce qu’il voit, alors que ce n’est jamais qu’un peu de manipulation de viande froide fondamentalement parlant. J’inspire l’air vicié qui émane de la cigarette qui se consume entre mes doigts. Elle se termine rapidement, par de grandes inspirations, de grandes bouffées de ces senteurs exotiques qu’on nous laisse goûter pour éviter de trop penser à ce qu’on vient de faire. Je ne me laisse pas démonter, quand le type me demande ce qu’il est sensé dire, et on dirait qu’il attend une certaine forme de menace de ma part, ou quelque chose dans ce goût-là.


Je m’approche de lui. Je reste à quoi ? Quelques centimètres de son visage. Assez pour voir chaque nuance qu’il y a dans ces yeux-là.



| Tu racontes ce que tu veux, tant que tu dis pas que c’était nous. Pas mon nom, ou les autres noms que t’as entendu. Si c’est le cas, tu veux vraiment tester des mecs qui découpent des cadavres pour se rappeler combien ils ont tué d’ennemis ? Dis ce que tu veux, mais pas nom. |


Je termine la clope. L’écrase. M’éloigne après un signe de tête. Je ne m’éloigne que de quelques pas avant de me retourner.


| N’oublie pas d’ajouter quelques lignes sur ce que t’as fait, aujourd’hui. Sur les types que t’as tués. C’est bien, de faire sa propre auto-critique. |


Je m’assure qu’il ai compris, et je me casse. Il fallait préparer le match retour, maintenant.
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