Je finis cette partie de baise de façon moins rugueuse qu’elle a commencé. Je me gourmande de son corps offert et dévoilé, en appréciant chaque aspérité et les extrêmités qui me sont offertes, dévoilées. Lèvres, nez, tétons, doigts, tout y passe, jusqu’au creux de son ventre, que je lèche et que j’embrasse. Je reprends doucement mon souffle, les muscles de mon dos et de mon buste roulant sous ma peau à force d’être sollicités, recouverts d’une mince couche de saine transpiration alors que je sens ce corps si doux et si chaud contre moi. Si humide que j’ai encore envie de me plonger dedans, de me perdre contre elle. J’ai mal aux endroits où la belle m’a mordu. Mes oreilles résonnent encore de ses cris clairs et profonds, de ses manifestations du plaisir le plus indicible. Je fourre ma tête dans le creux de son cou, effleure sa peau, hume son odeur, alors que nos bassins toujours collés me donnent envie d’une nouvelle danse. Mais je me calme. J’embrasse la belle, accentue le baiser, plus possessif.


J’aimais cette nouvelle vie de liberté, finalement. Tout était parti en sucette, je n’avais aucun espoir de me remettre avec ma femme, et même revoir mes filles serait compliqué… Je me faisais chier comme un rat mort dans ce travail qui ne me donnait que l’impression de faire quelque chose d’utile, de me servir de mes méninges comme d’une vague gymnastique improvisée.


Alors, à quoi bon continuer de faire semblant ? Ses mains me confirment que je fais bien de renoncer. Tout plaquer, c’était un choix. Le seul qu’il me restait, finalement. Je me débarrassais de ce scrupule qui me torturait, à savoir de coucher avec des femmes qui étaient ou des ennemies, ou guidées par des intérêts différents des miens. Mais je ne me retenais pas. Je ne me contraignais pas. J’avais plus que jamais le sentiment que la fin était proche. Alors je ne lutterais pas contre ce que j’étais. Ce que j’étais, c’était tout ce qu’il me restait. Je note l’information qu’elle me donne, sur elle. Elle a peut être des informations sur ce que j’étais, mais j’en doute. Elle a l’honnêteté de me parler, je le fais aussi. Même si je n’ai aucune idée d’où ça nous mène.


| Capitaine dans les troupes d’assaut. Je suis juste un fantassin. Un ancien parachutiste. |


Je sourie, contre ses lèvres, embrasse l’arête de sa mâchoire, glisse ma main entre ses cuisses. La réveille, entreprenant.


| Menteuse… |


J’étais convaincu qu’elle n’en était pas à son coup d’essai de coucher avec un ancien camarade ; la facilité avec laquelle elle m’avait mis dans « son lit » était évocatrice. Elle se rapproche. Nos souffles se mêlent, et je me perds dans le reflet de ses iris si claires.


| Qui a dit que c’était terminé ? |


Je la soulève, la garde contre moi, et l’emmène dans la chambre en l’embrassant à nouveau, sans lui laisser de répit.


Ca n’était jamais fini.

Maintenant que j’étais allé jusque là, autant aller au bout. Je savais que je me faisais probablement manipuler par la mafia, au fond. Même si Angela avait été sincère sur son attirance, tout ça ne rimait à rien. Ca ressemblait plutôt à Demetria de me mettre quelqu’un dans les pattes qui soit susceptible d’être attirée par moi, et que je le sois par elle. Pour me lier à sa cause, aussi futile et vénale soit-elle, course du profit et complétude d’une avarice profonde. Quelle différence entre eux et moi ? Un flic n’en verrait probablement aucune. Peu importe. Angela est là, nue contre moi. Elle semble honnête, mais je n'oublie pas qu’elle fait partie de la plus vaste et de la plus terrible organisation criminelle ayant jamais existé, en dehors des gouvernements des hommes. Elle a déjà tué, elle manipule et elle corrompt. Je n’oublie rien de tout ça. Je reste pourtant contre elle. J’ai besoin de ce contact, j’ai besoin de m’oublier, de me donner à fond. De sentir la caresse et la chaleur du corps d’une femme.


Je n’oublie pas Jenna, mais je me sens plus seul que jamais.


Alors je profite de ce que cette femme me donne, même si ce n’est que provisoire, éphémère, et même si ce n’est qu’une forme de paradis artificiel et suranné, j’en profite. Je sais très bien qu’avec ce que je fais, ce que je poursuis, il ne peut pas y avoir d’entre deux. De pause. De rémission. Je tire sur la corde raide jusqu’à ce que je ne puisse plus jamais le faire. J’imagine Angela en uniforme. L’image me plaît. Pourtant, la tenue des forces de l’Union n’était pas la plus glamour qui soit, ni l’uniforme qui mettait le plus en valeur. Mais il avait ses qualités. Ses couleurs. Je l’ai vue nue, et je l’imagine maintenant habillée. Plus que ce qu’elle n’était tout à l’heure.


Je l’embrasse. Captant dans ses lèvres un peu de la saveur qu’avait l’amour avec Jenna, autrefois. Où était ma femme ? A quoi pensait-elle ? S’efforçait-elle de m’oublier ? Avait-elle rencontré quelqu’un d’autre ? J’étais là, avec une autre femme. Pas ma première maîtresse depuis qu’elle s’était barrée, pour ne plus jamais revenir. Je souris quand elle me dit que je suis une tête brûlée. Je caresse sa joue, son cou, l’embrasse à nouveau.


| Tu n’as pas idée. |


Ce n’était pas les plus courageux que l’on mettait dans cette arme, mais les plus inconscients, et aussi les plus cons. Je me rappelais de ce caporal qui m’avait fait remarquer, terrorisé par son premier saut, que c’était complètement con de vouloir sauter d’un appareil en parfait état de marche. Il avait pris mon coup de pied au cul, et s’était élancé dans le vide comme les autres. Pas de bras cassés dans ma chère unité. Elle se mod la lèvre inférieure, et je sens son corps réagir à mes gestes. Et elle me dit qu’elle ne me ment pas. Je lui arrache un nouveau baiser, possessif, pressant mes lèvres contre les siennes à n’en plus pouvoir respirer.


| Nous verrons, alors. |


Je réservais mon jugement, car je connaissais l’âme humaine.

Les choses se sont emballées. Comme d’habitude, je ne suis plus vraiment maître de rien. C’est un peu trop répandu comme réaction ces derniers temps, mais je n’y peux plus grand-chose malheureusement. C’est comme essayer de lutter en écopant l’eau d’un navire qui coule avec ses seules mains jointes comme outils. Je fais ce que je peux, mais ça ne suffit pas. Ca ne suffit jamais vraiment. La belle me caresse le cou, alors que je sens son cœur pulser sous sa chair brûlante et humide de transpiration. Je ne sais pas vraiment ce qu’elle pense de la tournure des choses, et honnêtement, je m’en fiche un peu. J’étais parfaitement en mesure de liquider quelqu’un qui aurait quelque chose à redire à ce que j’étais, même si je venais de la baiser. Je laisse couler sa gentillesse et sa compréhension, peu intéressé par sa compassion. J’avais toujours été presque totalement hermétique aux manifestations positives des autres. Mon bonheur n’avait jamais vraiment dépendu d’eux. Je le savais bien. Même si le départ de Jenna et des filles me rendait malheureux et avait retiré à ma vie civile le peu de sens qu’elle avait.


Elle rit quand je lui parle de ma vie. Je ne lui en veux pas non plus pour ça, compte tenu du fait que je me suis moi-même mis dans un imbroglio pas possible et que je ne peux décemment pas m’en plaindre désormais ; il est un peu trop tard pour ça.


| Reste à poil, plutôt. C’est plus pratique. |


Angela était une très belle femme, comme je lui avais dit. Et elle avait su retenir mon attention. Mais il était clair que j’avais faire preuve d’exceptionnellement peu de résistance la concernant. Sans trop que je sache comment. Solitude ? Ou autre chose ? Ne pas savoir me frustrait beaucoup. Elle passe sa main sur mon torse, musculeux et à la pilosité trempée de sueur. Je ne peux pas m’empêcher de ricaner quand elle dit que je ne pourrais jamais lui faire de mal, la caressant plus fort que précédemment, mon autre main sous elle allant lui chercher les cheveux pour passer une main dedans.


| Tu es sûre de ça ? Des gonzesses, j’en ai tué à la pelle. |


Et je n’avais aucune honte à le lui dire ; elle connaissait en partie mon pedigree militaire et à l’époque d’armées qui faisaient de moins en moins de distinctions de genre… Je viens empoigner l’une de ses fesses.


| Mais ça ferait mauvais genre que je te liquide, je pense, si je suis sensé rouler provisoirement pour ton organisation. En tout cas, tu n’as pas froid aux yeux. Je t’ai un peu amochée, je crois. |

Parler ne lui donnera pas plus d’armes qu’elle n’en a déjà compte tenu de l’enchaînement des événements, et de la portée de mes actes. Tout ce que je dis, la jeune femme pourrait sans doute le découvrir tout seul. En revanche, j’acquiers auprès d’elle un peu plus de confiance, de proximité. C’est précieux, dans ce genre de voie sur laquelle j’étais en train de m’engager. Je sens ses doigts caresser ma peau. Elle a encore envie de moi, je crois. Je ne sais pas si elle est vraiment sincère ou si c’est quelque chose de vraiment plus profond et de plus décidé que de simples bons sentiments liés à notre partie de jambes en l’air, à cette attirance réciproque. Je regarde le plafond quand elle continue de m’interroger sur ma femme.


| Elle s’est barrée avec mes filles. Je ne sais même pas où elles sont. Je ne pense pas que je les reverrais un jour. |


Pieux mensonge dans les deux cas. Je savais où elles étaient et de gré ou de force, je les reverrais un jour. Pas pour l’instant, car Jenna ou moi n’en réchapperions peut être pas en vie. Et ça pourrait être dangereux pour les filles, alors je ne me sentais pas encore prêt à prendre ce risque. Quant au fait de « tromper »… C’était relatif, pas vrai ? Propre à chacun, et sans parler de circonstances atténuantes, il y avait des situations qui poussaient à accepter ou renoncer à des choses en particulier. On n’avait jamais mis les choses au clair sur rien avec Jenna, alors je ne savais absolument pas ce qu’on aurait pu se dire d’autre. De quoi convenir d’être heureux, peut être ? Impossible à savoir, et je ne saurais peut être jamais plus.


La belle sursaute. Enlace mes doigts et pourtant me menace. Je souris, enfouis ma tête dans son cou, l’embrasse sur ses marques que je lui avais faites.


| Oh, dinde peut être, dans ce cas tu es déjà passée à la broche il me semble. Mais j’aime les défis. Dis moi combien ils sont. Je suis sûr d’être capable de m’en sortir. |


Parce que contrairement à tous les gens ordinaires, je n’avais aucune peur ou appréhension liée aux dégâts collatéraux. Je pouvais tuer des innocents dans une fusillade, ou me blesser gravement si ça me permettait d’abattre mon ennemi. Aucune limite, c’était le crédo et la marque de fabrique des fantômes. Ceux qui étaient restés contraints par une forme de morale quelle qu’elle soit n’avaient pas fait de vieux os. Je souffle contre ses lèvres.


| C’est vrai. Tu sais encaisser. Tu devrais aller sur le terrain, plutôt que de compter sur ton magnifique petit cul. |


Je dépose un nouveau baiser sur son épaule. Glisse encore ma main contre son aine. Mais je redresse mon regard dans le sien.


| Je devrais y aller. Ces petits exercices m’ont fait décuver, et j’ai un casse à préparer. |