17 Janvier 2050

Posée contre son dos, Kate lui posa une question en toute honnêteté. Elle avait peur sur l’instant qu’il lui annonce ne plus vouloir la revoir. Rester avec l’écrivain était égoïste en soit. Elle devait préparer son concours, elle avait encore son travail même si elle songeait à démissionner et puis, il y avait Fallon. Il y avait sa mère et tous les problèmes qu’elles avaient à commencer par la Crows League. La brune allait devoir redoubler de vigilance. Allait-elle pouvoir se permettre de se reposer dans les bras du beau brun ? Elle n’en avait aucune certitude. Le fil de ses pensées fut stoppé par Henry qui se retourna pour lui faire face, son regard la transperça. Ses mots étaient d’une chaleur et douceur incroyable. Elle ressentait les effets de ses paroles dans son corps tout entier. Comment faisait-il cela ? Pourquoi avait-il une telle influence sur elle ? Elle ne savait pas trop quoi répondre à cela. Lâcher un simple “merci” à “tu étais parfaite” ne semblait pas du tout en adéquation. Ses mots suivants furent à double tranchant. Sincère et gentil, ils lui rappelaient également la dure réalité. Il avait déjà connu tout ça avec une autre fille, celle qu’il avait choisi en premier, celle qu’il a perdu sans avoir le choix. Songeant de nouveau au malheur qui s’était abattu sur Sarah et Henry, l’étudiante ne se sentait à nouveau plus à sa place. Puis son coeur s’arrêta de battre, rien qu’une seconde, une second pendant laquelle, les quatre derniers petits mots de l’écrivain résonnaient dans son esprit, telle une réalité qui semble mensongère. Un homme pouvait-il dire qu’il tenait à une femme sans le penser ? Ou en ne désirant plus la revoir ? Tout cela allait bien vite. Les battements de son coeur s’étaient accélérés. Sa respiration était irrégulière tandis que les yeux noisettes de l’écrivain ne la quittaient pas. “Les bons mots” … Quels étaient-ils ? Que cherchait-il à lui dire ? Qu’il tenait à elle mais que ça ne serait pas possible ? Dans un sens, cela serait peut être plus raisonnable. Mais la brune avait tant apprécié ces moments partagés avec lui depuis la veille. Elle en avait presque oublié les soucis qu’elle avait. Mais ce qui sortit des magnifiques lèvres du garçon ne signifiait à aucun moment qu’il ne voulait plus d’elle. Au contraire, la belle commençait à comprendre qu’il voulait la revoir, qu’il espérait qu’elle reviendrait chez lui. Ses derniers mots, plus poétiques, la laissèrent sans voix. Un timide sourire au coin des lèvres, Kate n’avait qu’une envie c’était d’accepter. Mais était-ce bien sage vu les circonstances ? Ses choix depuis la veille avaient bien plus étaient dictés par ses envies que sa raison. Pouvait-elle encore revenir en arrière ? Probablement oui. Est-ce que c’est ce qu’elle voulait ? En réalité, pas le moins du monde. Peut-être repensait-elle à cela pour se donner bonne conscience ou parce qu’intérieurement ça la travaillait. Dans tous les cas, elle ne voulait pas ne plus le revoir. Il allait falloir sérieusement qu’elle en parle à Fallon sur ce qu’elle peut dire ou non au chauffeur. Craquant face à la tendresse et la gentillesse des mots du garçon, elle se suréleva sur la pointe des pieds pour l’embrasser, tendrement, comme une confirmation, un accord complice de tout ce qu’il venait de dire. Ses mains étaient de chaque côté du visage angélique du beau brun.

Tu sais que mon emploi du temps est déjà bien rempli. En terminant la nuit à deux heures du matin, venir te voir sera pas toujours évident. Ca ne te dérange pas ?

Même s’il devait s’en douter , elle préférait le mettre en garde. Se voir tous les jours était mission impossible. Une fois qu’elle eut confirmation que le garçon serait patient, elle s’éloigna de lui.

Il serait bien que l’on remette des vêtements Mr Watford.

Sur ces mots, la barmaid se dirigea vers le rez-de-chaussée pour enfiler ses propres vêtements. Puis elle rassembla ceux prêtés par Henry qui appartenait à Sarah. Se tournant vers le principal intéressé, elle lui demanda :

Si tu veux, je peux les ramener chez moi pour les laver afin que tu n’es plus qu’à les ranger à leur place.

L’heure du départ avait sonné. Après être descendu, Kate avait regardé son portable et s’était rendue compte qu’il était déjà onze heures passé. Le temps passait bien plus vite dans les bras du beau brun. Ramassant son sac à main, sa veste et enfilant ses escarpins, la jeune femme donna un dernier baiser au garçon et lui murmura à l’oreille :

Ce n’est qu’un au revoir.

Ils avaient tous les deux le numéro de téléphone de l’autre dans tous les cas. Même si se voir pourrait ne pas être toujours évident, s’ils le voulaient vraiment, ils y arriveraient.

Sortir de la douche faisait un bien fou. Pas parce que je me sentais tout propre, quoi que ça jouait, mais aussi parce que désormais je pouvais parler sincèrement avec Kate. Ce n'est pas chose si facile que cela et il me faut prendre mon courage pleinement à deux mains pour réussir à lui faire comprendre ce que je veux lui dire. De quoi pourrai-je encore être intimidé face à elle ? Elle m'a vu tout nu, nous avons été très intimes, il n'y a plus rien qui devrait me rendre timide. Ce n'est donc plus face à de la timidité que je dois lutter mais contre de la crainte, celle de faire une erreur, de dire une bêtise, de réussir à perdre ce que j'ai. J'ai tout perdu avec Sarah sans avoir la possibilité de rien n'y faire, cela me faisait peur vis-à-vis de Kate, je ne voulais pas perdre ce que j'avais avec elle par ma faute. Finalement, à force de chercher mes mots et de ne pas les trouver, je décide d'emprunter ceux d'un poète, tout du moins c'est ce qu'il est quand je l'écoute raper. Pas comme ces rapeurs bling-bling qui rapent de tout et de rien, non de beaux textes, comme ces paroles que j'emprunte à la chanson "Caroline". Je crois que j'arrive à toucher la barmaid par ces mots qui ne sont même pas à moi. Pourtant tout ce que j'ai dit est honnête, tant en parlant de mon long célibat après Sarah et du bonheur que m'apporte la barmaid que les mots empruntés à MC Solaar.

La seule chose qui me rassure vraiment est le sentiment qu'elle n'en mène pas plus large que moi. J'avais appris beaucoup de choses la concernant, cela en très peu de temps finalement mais j'avais aussi compris une chose importante : elle est aussi perdue que moi dans cette relation qui nait entre nous. J'ai peur, à mon invitation à venir quand elle le souhaite, qu'elle prenne peur et recule. Sa vie cache des secrets qu'elle n'est pas encore prête à partager, je comprends et j'accepte cela, nous avons tous nos secrets. Je ne m'imagine pas lui dire que chaque jour je vais discuter avec Sarah. Que depuis quelques temps elle est mon principal sujet de discussion et que j'ai parfois l'impression étrange que son ange me répond, m'envoie un petit signe pour me faire comprendre qu'elle veut que j'avance. C'est peut-être simplement que je suis prêt à avancer, que je veux avancer. Oui. Pour les beaux yeux de cette brune, son rire charmeur et sa douceur, je suis prêt à bien des efforts, à laisser le passé où il devrait être et mettre un pied devant l'autre. Je secoue doucement la tête en souriant à sa question.

« Oui je sais. Mais au milieu de l'après-midi comme à deux heures du matin ma porte te sera toujours ouverte. C'est un des avantages à être écrivain, je suis souvent chez moi. Sauf quand je suis en train de reluquer ma barmaid préférée. »

Je lui souris, était-ce une bonne idée de préciser cela ? Je veux dire … elle se doute que c'est elle ma préférée, pas vrai ? La seule et unique ?

« Je ne veux pas empiéter sur ton emploi. Essaye juste de me trouver deux petites minutes de temps en temps. »

Deux petites minutes, c'est tout ce que je lui demandais. Elle passe, nous nous embrassons, elle me parle de ses études, de son travail, on s'embrasse, elle repart. On doit pouvoir faire ça en deux minutes, j'en suis sûr. Je souris à sa remarque et nous nous revêtons, revenant définitivement à beaucoup plus de décence à présent.

« Ce n'est pas la peine. Ca risque de te surprendre mais après deux ans, je crois que j'ai enfin saisi le fonctionnement du lave-linge. »

Je souris, la taquinant avant de répondre à son baiser d'au revoir. Ses mots me font sourire et je la regarde s'en aller, un sourire un peu crétin sur le visage. Bienheureux pour la première fois depuis bien trop longtemps. Je referme la porte, m'aventure dans le salon, je me laisse tomber sur le canapé, je m'y allonge, les yeux rivés vers le plafond mais je ne le vois même pas, le regard absent. Je souris. Je ris. Seul comme un idiot. J'attrape un roman, le premier qui tombe sous ma main et je commence à lire. Chaque mot est lu par mon cerveau mais aucun n'est interprété, aucun n'a de sens et ensemble encore moins. Je repose le livre, je souris. Heureux.