Recroquevillé dans le fond de la rame de métro, tenant son sac comme s'il était le seul rempart contre un danger imminent, il ne remue plus un cil. Il est comme un animal acculé, le cœur tambourinant dans sa poitrine et pompant une quantité de sang bien trop importante pour qu'il n'en entende pas nettement les pulsations jusque dans son crâne. La tête baissée, il cache au regard de la foule amassée dans le wagon son regard un peu plus fou que d'habitude, avec ces yeux troublants qui font fuir la plupart de ses rares interlocuteurs. Il déteste le métro. Il a horreur du métro. Trop de gens, trop de bruits, trop d'odeurs, trop de... saletés. Ce qui est clairement ironique quand on sait que c'est le genre d'endroit parfaitement entretenu par l'Etat pour donner une belle image de sa chère Europolis. Mais Camden n'est pas dupe. Il voit les traces de doigts et de mains sur les barres de maintien, il sent les effluves de transpiration des passagers autour de lui, qui lui donnent envie de vomir. Les transports en commun sont un enfer pour un individu aussi maniaque que lui et légèrement nosophobe sur les bords. Malheureusement, il n'a pas le choix. Le seul véhicule dont il dispose est un peu trop encombrant pour lui permettre de se garer dans une ville aussi vaste et bien qu'il préfère prendre un bus, il a dû opter pour une autre solution en apprenant que le trafic était interrompu au moins durant plusieurs heures pour une raison mystérieuse.

C'est donc dans un état de nervosité extrême qu'il supporte cette situation jusqu'à sa station. À peine la rame se met-elle à ralentir qu'il joue un peu trop précipitamment des coudes pour s'extirper le plus vite possible de la masse et s'éloigner d'un pas sec et empressé, le regard toujours fixé vers le sol. Il ne regarde pas une seule fois en arrière, ni ne s'intéresse réellement à ce qui se passe autour de lui, et ce, jusqu'à ce qu'il atteigne enfin la lourde porte de l'immeuble dans lequel il vit. Il compose le code, pousse la porte, traverse le vaste corridor qui compose l'entrée et avale les nombreuses marches qui l'amènent jusqu'au sixième et dernier étage où, les doigts tremblants, il déverrouille la porte du T1 de 25m² dans lequel il vit maintenant depuis un peu plus de cinq ans. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur, fermant soigneusement à clé derrière lui, qu'il peut enfin mieux respirer. Adossé contre sa porte d'entrée, il laisse tomber son sac au sol et passe ses mains encore légèrement agitées sur son visage en sueur. Il lui faut absolument une douche. Ce ne sera guère que la deuxième en moins d'une heure après celle qu'il a prise aux vestiaires de son lieu de travail avant de partir. Ce qui s'avère malheureusement assez fréquent.

Il espère que la douche calmera assez ses nerfs alors qu'il se glisse sous l'eau, sans même attendre que celle-ci soit chaude, frottant vivement son crâne et sa peau avec le gel douche antibactérien pharmaceutique dont il ne saurait se passer. Ce n'est pas lui qu'on verra acheter cette merde des grandes surfaces où il ne met d'ailleurs jamais les pieds. Lorsqu'il sort enfin, il est moins nerveux, mais toujours un peu tendu. La nuit précédente n'a pas été bonne, la journée difficile, les imprévus nombreux... ce qui ne l'aide pas vraiment à être détendu ce soir. Une serviette enroulée autour de la taille, il récupère son sac encore devant la porte et le range à sa place après avoir sorti le tupperware dans lequel il avait transporté son déjeuner et qu'il s'empresse de nettoyer dans l'évier de son coin cuisine avant de le ranger avec les autres. L'appartement de Camden est... comment dire... neutre, impersonnel et dénué d'originalité en plus d'être aseptique. Rien ne traîne, rien ne dépasse, tout est soigneusement aligné, empilé, et vous aurez beau chercher partout dans les moindres petits recoins, vous ne trouverez pas le moindre grain de poussière. Tout est d'un blanc immaculé au point de donner l’impression de se retrouver dans une de ces pièces stériles et froides des laboratoires.

Fidèle à ses habitudes, il consulte sa messagerie totalement muette, allume le four, cuisine un rôti de porc à la moutarde et au miel avec quelques pommes de terre, allume la télévision et suit les informations tout en repassant avec application ses vêtements. Il n'a évidemment aucun animal de compagnie, si ce n'est le poisson combattant rouge vif qui tourne en rond dans un aquarium joliment décoré et la plante verte, un bonsaï, qu'il taille et humidifie avec la plus grande des attentions quand cela est nécessaire. Bref, Camden a une vie un peu à part et en même temps, ce n'est guère étonnant de la part d'un type aussi bizarre que lui. Il dîne seul à sa table, dans le silence le plus total, comme à son habitude, admirant parfois les lumières de la ville par la fenêtre. Puis il fait la vaisselle, nettoie son appartement de fond en comble et à 22h précise, il rejoint sa chambre dans le but d'aller se coucher après une journée bien remplie. Seulement voilà, alors qu'après avoir enfilé son pyjama, il observe la belle voisine célibataire de l'immeuble d'en face se déshabiller avec hâte entre les bras d'un énième amant, mordillant nerveusement un ongle, il a une envie irrépressible de tuer. Ça lui arrive régulièrement, souvent, sans prévenir. Et ce n'est pas le genre d'envie qu'il arrive à réprimer. D'ailleurs, il n'essaye jamais. C'est ainsi qu'il se retrouve quelques heures plus tard à Acropolis District, dans le prestigieux quartier des Penthouses et des maisons de maître.

Ce fut facile. Particulièrement agile et habitué, il lui a suffi de grimper sur le toit et de trouver une fenêtre restée imprudemment ouverte. Une maison au hasard, une cible au hasard. Ou presque. Il a remarqué que la quadragénaire qui vit ici est seule cette nuit. Comme à chaque fois qu'il tue, il revêt l'apparence du Golden Face. Une tenue très élégante de couleur noire brodée de fils dorés, et puis, bien sûr, un masque d'or recouvrant une partie de son visage maquillé intégralement d'une peinture dorée et blanche. Le masque n'est pas toujours le même, mais aujourd'hui, il a opté pour le plus simple. Il se faufile donc comme une ombre dans l'obscurité de la maison, jusqu'au salon où la femme regarde un film dans son canapé. La seule source de lumière provient de l'écran sur lequel défilent des images d'un film d'action quelconque. Il va simplement se poster devant le téléviseur, sous le regard médusé de la propriétaire qui sursaute et peine à réaliser ce qui se passe. Le Golden Face braque alors son pistolet silencieux en direction de son visage et annonce d'une voix calme et grave, un index levé devant sa bouche pour lui intimer le silence :

« - Je te conseille de ne pas crier. Je n'aime pas ça. Je voudrais que tu retires tes vêtements et que tu ailles dans la cuisine. Tu peux faire ça ? »

Elle est terrifiée tout du long, évidemment. Elle obéit, tremblante, en larmes, suppliant à mi-voix pour qu'il ne lui fasse pas de mal et lui l'observe simplement et la regarde en donnant quelques directives. Elle lui tend, à sa demande, le plus gros et le plus aiguisé des couteaux qu'elle possède, il lui intime l'ordre de s'allonger sur le dos, sur la table de la cuisine, il la bâillonne avec un torchon et lui attache solidement les mains et les pieds avec de la ficelle alimentaire... et puis il commence le massacre. Il la torture d'abord lentement, pendant un long, très long moment, enfonçant la lame du couteau de cuisine à divers endroits, non mortels, mais néanmoins excessivement douloureux et pervers. Elle hurle bien sûr, mais pas assez fort pour que ce soit inquiétant. Trop, cependant, pour qu'il l'accepte. Plus elle crie, plus il se déchaîne. Il finit par l'égorger, pour ne plus l'entendre, la laissant doucement se vider de son sang alors qu'il s'amuse à étaler le sang chaud sur son corps nu, se délectant du spectacle. Et quand elle rend enfin son dernier souffle, il se sent mieux. Beaucoup mieux. Comblé, même. Il laisse les paupières de sa victime grandes ouvertes et embrasse son front du bout des lèvres avant de se reculer et de constater l'étendu des dégâts. Le sang a giclé partout et a coulé en grande quantité de la table jusqu'au sol en une flaque informe.

En fouillant, il trouve une bâche dans le garage dont il se sert pour envelopper le corps bien soigneusement. Puis il réunit tout le nécessaire de ménage qu'il peut trouver et, comme à son habitude, nettoie avec application et plaisir l'entièreté de la pièce en sifflotant.

Dans quelques instants, tout sera parfaitement propre. Il ne restera aucune trace de son passage, aucune trace de meurtre. Rien du tout. Juste une maison inexplicablement vide avec un téléviseur en veille. Une disparue de plus ou de moins... qui s'en souciera longtemps ? Les assassinats brutaux sont presque devenus monnaie courante depuis quelques années. Bien entendu, parmi la liste des tueurs recherchés par les autorités, figure le nom du Golden Face. Personne ne sait qui se cache derrière ce masque d'or, mais chacun sait qu'il est connu pour avoir tué de très nombreuses personnes de manière ignoble, brutale, répugnante et surtout, sans aucune logique. Il tue au hasard, au gré de ses pulsions et de ses envies. Peu importe qui, peu importe où. Et c'est précisément ce manque complet de mode opératoire et de mobile qui le rend si difficile à démasquer. Ça... et les soins très appliqués et minutieux qu'il prend à tout nettoyer et à faire disparaître derrière lui. Pourtant, parfois, il ne fait pas disparaître le corps. Non. Occasionnellement, il aime le laisser sur place, il l'exhibe, de façon humiliante ou excentrique. Aucune de ces victimes retrouvées sur place n'a été violée. La police ne l'a donc pas catalogué parmi les prédateurs sexuels et a considéré que l'individu sous le masque n'avait pas d'étranges et dangereuses pulsions sexuelles comme la plupart des tueurs en série. Grossière erreur.

Camden est un être profondément déséquilibré, tant sur le plan psychiatrique que sexuel. Simplement, il est trop malin pour laisser derrière lui un corps dans lequel il aurait pu laisser de son ADN. Ce serait tout à fait idiot. Les quelques viols qu'il a pu commettre, il les a fait disparaître. Il n'a jamais su avoir des rapports disons... normaux. Du plus loin qu'il se souvienne, sa première fois avait été entre les griffes d'un type âgé de trente ans de plus que lui, alors que l'organisation trafiquante dans laquelle il s'était laissé embrigader étant tout gamin l'avait forcée à se prostituer peu avant sa majorité. Il a oublié les détails depuis longtemps. Sans doute que le traumatisme avait été trop brutal à ce moment-là. En revanche, il se souvient avoir essayé de s'enfuir, avoir échoué et s'être fait séquestrer un long moment avant de devoir recommencer à vendre son corps. Mais ce qu'il retient, surtout, c'est la nuit où il a tué tout le monde. Il y a eu des femmes, bien entendu. Il y a eu des fois, aussi, où l'expérience s'était révélée être... agréable. Mais depuis, aucun rapport ne s'était passé de façon commune, c'est-à-dire entre deux êtres pleinement conscients et consentants. Un drame ? Sûrement. De toute manière il est beaucoup trop introverti pour oser faire des avances et beaucoup trop discret et inquiétant pour attirer qui que ce soit. Pas assez beau non plus, sans doute. Il n'en souffre pas tant que ça, ou alors il ne le réalise pas, mais il est assez envieux, souvent, quand il voit sa voisine s'envoyer en l'air avec bonheur le soir.

Ce n'est pas le désir qui lui manque, c'est certain. La preuve en est de cet homme qui semble l'obséder et qu'il espionne et suit depuis quelques mois déjà. C'est bizarre ? Angoissant ? Sûrement. Encore plus quand on sait qu'il semble presque tout savoir sur lui. Il peut passer des heures à le suivre, à le fixer, à l'observer. Dans ces moments-là, il est simplement silencieux, mordillant parfois nerveusement un ongle, pensif, admiratif. Ce qui lui plaît ? Il est incapable de le dire avec précision. C'est encore une sorte d’impulsivité... quelque chose l'attire irrésistiblement. Pas tellement à la façon d'un amoureux transit, quoique si c'était le cas il ne s'en rendrait pas compte, mais il y a surtout un attrait quasi animal. Presque comme son envie de tuer finalement, mais heureusement différent. Il n'est pas rare, et c'est en fait très fréquent, qu'il pense à cet homme lorsqu'il se masturbe. Une pratique récurrente chez lui. Et si ce n'est pas ce grand brun musclé, c'est la voisine nymphomane. En même temps, vu les spectacles qu'elle lui offre... Bref. Cette nuit, il n'aura pas violé sa victime, mais il n'est pas assez satisfait du résultat pour laisser le cadavre exposé, alors il l'a emballé pour pouvoir s'en débarrasser. Mais d'abord, il nettoie, sans se soucier et imaginer une seule seconde que d'autres individus en ont après cette femme. Lorsqu'une voix étrangement familière se fait subitement entendre, Camden ne sursaute pas. Il s'immobilise simplement, suspendant son geste qui avait pour but d'essorer la serpillière gorgée de sang dans le seau d'eau.

Les battements de cœur du jeune homme s'accélèrent alors qu'il redresse son visage masqué sur l'homme qui vient d’apparaître, le visage caché lui aussi, son arme braquée dans sa direction. Mais si Camden est nerveux, ce n'est pas parce qu'il vient d'être découvert sur le fait..., mais parce qu'il a bel et bien reconnu la voix. Et l'homme à qui elle appartient. Ça ne fait aucun doute. Il pourrait la deviner entre mille. La voix chaude de Malphas Meister. Derrière son masque à l'expression totalement neutre, Camden sourit jusqu'aux oreilles. Il lève alors tout doucement ses mains, lâchant la serpillière afin de les présenter bien en vue et se lève. Lentement. Très lentement. Sans geste brusque. Il serait malheureux de se prendre une balle en travers du crâne alors que pour la première fois, enfin, il se retrouve face à face avec l'objet de ses désirs les plus fous. Ce qui l'angoisse d'avantage, c'est la présence d'autres hommes dans l'entrée. Il est quasiment certain de les avoir entendus. Tant pis. Il n'a d'yeux que pour la silhouette qui lui fait front. Le souffle un peu coupé par l'émotion, il parvient néanmoins à dire d'une voix douce et apaisante :

« - Je ne sais pas de quel contrat tu parles, mais tu n'as rien à craindre de moi. »

Il est assez frustré de ne pas pouvoir voir son visage, même s'il est parfaitement certain de ne pas se tromper quant à son identité. Surprenant de le voir ici... surtout maintenant. Avec cette arme pointée droit sur lui. Est-ce que ça l'effraie ? Bien sûr que non. Il est trop dérangé et instable pour connaître réellement la peur. Non, ce qu'il ressent là tout de suite, c'est plutôt de l'excitation. Il lève encore un peu plus les mains, pour les joindre sagement derrière son crâne tandis que son sourire masqué s’agrandit et que ses yeux brillent d'un éclat nouveau. D'un léger mouvement de la tête, il désigne le pistolet silencieux rangé à sa ceinture, ayant volontairement omis de dire qui il était. Décidément, il est rare qu'il s'exprime autant.

« - Je n'ai que ça. Tu peux venir le prendre si tu veux. Viens. Je ne te ferais pas de mal. Je ne bougerais pas. »

Il veut tellement le voir s'avancer vers lui, simplement pour l'excitation d'une proximité encore jamais vue entre eux, pour peut-être même sentir son odeur au passage. Jamais encore, il n'avait été aussi près de Malphas, lui qui l'a pourtant souvent désiré. Mais il sait aussi que, trop méfiant, l'homme peut simplement lui ordonner de faire glisser l'arme jusqu'à lui. Il ne sait pas. Comme promis, il ne bouge pas, il attend et le fixe, passionné, émerveillé. Obsédé.

Il n'a même pas cillé, ni même seulement respiré, lorsque l'homme s'est approché d'un pas sûr pour lui confisquer son précieux pistolet. Beaucoup se plaisent à penser que ce joujou ne lui sert qu'à menacer ses futures victimes pour mieux les manipuler ou bien à se défendre lui-même contre de potentiels adversaires. Un vague accessoire dont il saurait tout juste se servir, en somme. Mais ce n'est pas tout à fait vrai. C'est avec cette arme-là qu'il a tué tout de le monde, c'est avec elle qu'il a tué pour la première fois. Cette arme est sa plus vieille amie, une alliée fidèle et au fur et à mesure du temps, il a appris à tirer comme personne. Il est doué pour ça, il s'est entraîné seul, et pourtant, il a eu très peu l'occasion de se servir d'armes à feu contre quelqu'un si ce n'est pour le menacer. Alors, forcément, il a un petit pincement au cœur lorsque son silencieux lui est retiré, mais ça valait le coup.

Pendant un bref instant, une seconde tout au plus, il y a eu ce contact, cette proximité inespérée qui n'a pas manqué de lui tirer de violents frissons dans tous le corps. Le souffle coupé, suspendu, il sourit toujours avec le même émerveillement. Ce n'est rien du tout et la situation est loin d'être confortable pour lui, il risque gros. Pourtant... il est comme sur un petit nuage. Décidément, Camden n'a rien de normal et souffre d'un déséquilibre profond et sans doute irrémédiable, ce que Malphas semble avoir parfaitement compris si on s'en tient à ses paroles. Un bargeot ? Beaucoup se seraient sentis insultés, mais le jeune homme vêtu de noir et d'or, lui, reste tout à fait impassible. Il a, de toute manière, des réponses à donner. Et malgré la présence des deux autres, c'est bel et bien uniquement en direction de Malphas qu'il regarde et à qui il s'adresse d'un ton particulièrement doucereux, sincère et légèrement ému.

« - Je suis le Golden Face. J'ignorais que c'était ta cible, je suis vraiment désolé. Si j'avais su, je t'aurais volontiers laissé la joie de t'en occuper. Tu veux savoir si j'avais une raison de la tuer ? »

Il tourne cette fois la tête vers le cadavre et le fixe durant quelques secondes, les mains toujours derrière la tête. Mais son expression est comme son masque : sans émotion. Sans regret, ni remord. Pourtant, il est reconnaissant, c'est un peu grâce à cette femme, finalement, qu'il peut enfin rencontrer d'aussi près Malphas. Enfin, il se décide à répondre d'une voix monotone :

« - J'en avais juste envie. Non. Besoin. J'en avais besoin. Un peu comme quand on a besoin d'aller aux toilettes. Tu vois ? »

Son regard se retourne de nouveau sur le grand brun, essayant d'imaginer son visage qu'il connaît par cœur sous ce masque militaire. Qui sont ces hommes avec lui ? À quel genre d'organisation appartient t-il ? Il avait deviné à force de l'espionner qu'il trempait dans des affaires un peu mystérieuses... mais il n'avait pas imaginé ça.

« - Peut-être que je pourrais me faire pardonner ? Mon but n'était pas de mettre mon nez dans tes affaires ou de te faire de la concurrence. En fait... je pourrais même t'aider. J'aime bien me rendre utile... »

Il a l'insolence et la maladresse de ne s'adresser qu'à lui, comme s'il était le seul et unique membre de ce groupe de mercenaires. C'est indélicat, mais Camden est pas définition quelqu'un qui manque cruellement de tact. Et qui n'a d'yeux que pour Malphas, cela va sans dire.

Camden s'est toujours posé une question existentielle à force d'être traité de fou et de dingue depuis qu'il est tout petit : est-ce que c'est lui qui est anormal... ou est-ce que ce sont les autres qui le sont ? La majorité et la supériorité numérique, doivent-elles réellement donner raison aux autres et constituer des preuves suffisantes ? Sans doute que oui... d'un certain point de vue. Lui, il n'a jamais réellement trop compris ce qu'on lui reprochait. Aujourd'hui, il a conscience tout de même que tuer son prochain est interdit et considéré comme très mal. Il est sûrement logique, alors, que les gens détestent Golden Face. Mais qu'en est-il pour Camden Hodge ? Depuis qu'il est né, il n'a connu que le mépris, l'ignorance, le rejet. On l'a toujours regardé comme un extraterrestre ou un idiot. Ou pire... avec une profonde pitié. Comme s'il était un pauvre petit animal malade et condamné. C'est comme ça que les gens le voyaient, et aujourd'hui encore, il croise ce genre de regard. Pourquoi ? Parce qu'il n'ouvre presque jamais la bouche ? Parce qu'il est timide et introverti ? Parce qu'il a parfois la manie de fixer les gens bizarrement pendant de longues minutes avec un sourire en coin ? Toutes ces "tares" viennent probablement de quelque part. Peut-être un héritage de sa junkie de mère ou le résultat de son enfance pathétique et misérable. Ou même les deux. Peu importe. Camden ne parle jamais de son passé à personne.

Lorsque Malphas confie son arme à l'un de ses collègues et se rapproche de nouveau, tendant la main vers son masque d'or, une lueur sauvage passe dans le regard de Camden... qui ne bouge pourtant pas. Personne n'a encore jamais découvert qui se cache sous l'identité du Golden Face. Personne n'a jamais vu le visage sous le masque et sous la peinture. C'est comme une mise à nue imprévue et soudaine... même s'il reste le maquillage. S'il ne s'agissait pas de Malphas, là face à lui, sans doute se serait-il jeté à sa gorge sans préavis pour le regarder hoqueter et mourir lentement entre ses mains, collègues ou pas. Mais il reste immobile, son cœur battant un peu plus vite dans sa poitrine, laissant alors le masque quitter son visage pour dévoiler son expression imperturbable. Le mercenaire s'accroupit à sa hauteur et le regard lumineux de Camden le dévore en silence tandis qu'il le questionne encore. Il veut savoir en quoi il peut être utile, très peu convaincu par le cadavre sanguinolent qui traîne encore dans la pièce. Pendant une seconde, les yeux brûlants du tueur louchent sur la bouche du grand brun, s'imaginant mordre délicatement dedans, ce qui le fait sourire avant qu'il ne réponde, se concentrant cette fois sur son regard.

« - Je suis un excellent tireur. Et un peu magicien. Je ne laisse jamais aucune trace de mon passage, si bien qu'une bonne partie de mes victimes sont portées disparues plutôt que mortes. Je viens, je tue... et je nettoie. Je fait tout disparaître proprement et en un rien de temps. Beaucoup ont déjà fait appel à moi pour ce type de service. Je suis sûr que ça pourrait t'être très utile. »

Il n'en reste pas là. C'est beaucoup trop tentant et irrésistible... D'un mouvement un tout petit peu trop lent et sensuel pour être sage, prenant soin que ce soit tout à fait à l'abri du regard des autres bien entendu, il s'humecte les lèvres. Puis il se penche légèrement tout près de l'oreille du mercenaire et ajoute tout bas :

« - Mais pour toi, je veux bien faire tout ce que tu voudras... »

C'est à peine sous-entendu. D'autant qu'il suffit à Malphas de l'observer pour se rendre compte du sourire et du regard soudainement un peu lubriques du jeune homme. Mais Camden se redresse un petit peu, il ne veut pas éterniser cette proximité suspecte devant les deux autres types. Ce petit tête-à-tête ne les regarde pas après tout, n'est-ce pas ? Il redresse fièrement le menton, à la fois soumis et insolent. Dommage qu'il n'ait pas tout son matériel de nettoyeur à disposition, il aurait pu correctement montrer toute l'étendue de ses talents en matière de nettoyage de scènes de crimes. Mais enfin... l'équipement qu'il a pu trouver ici suffira bien.

Il n'éprouve évidemment aucune honte et aucune gêne à provoquer ouvertement Malphas. De toute façon, l'embarras et tout ce qui s'en approche, il ne connaît pas trop. Ce n'est pas qu'il manque totalement d'empathie et de tact, en fait, c'est plutôt que de manière générale, il a du mal à comprendre les émotions et sentiments complexes. Du coup, ses réactions et les conséquences sont inadaptées et perçues comme un manque de respect ou de l'idiotie. Mais bien stupide lui-même serait celui ou celle qui s'imaginerait que Camden est victime d'un quelconque déficit intellectuel. Car c'est totalement faux et même plutôt le contraire. Il a évidemment vu un tas de psychologues étant gamin, mais la plupart étaient de véritables incompétents qui, non seulement étaient incapables de l'aider à se stabiliser, mais pouvaient à peine expliquer de quoi il pouvait bien "souffrir". Il n'y a eu qu'un seul spécialiste qui a su diagnostiquer un syndrome d'Asperger. Malheureusement, cela n'a pas suffi à changer le destin. Tant pis, ce qui est fait est fait et à ce jour, il se fiche bien d'être si différent. Tout ce qui lui importe, là maintenant tout de suite, c'est cet homme qui l'obsède depuis le jour où il a posé son regard sur lui. Quand est-ce que c'était ? Il y a quelques mois. Où ? Dans une parapharmacie. Malphas ne l'avait pas remarqué, évidemment. Personne ne le remarque jamais. Mais Camden n'avait vu que lui et l'avait observé tout du long, à l'abri d'un rayon, un stock de gels antibactériens dans les mains. Il s'en rappelle comme si c'était hier.

Ignorant tout cela, le mercenaire s'enquiert de savoir si le Golden Face peut fournir des contacts capables de prouver ses affirmations. Camden fait une petite moue. Ce n'est pas qu'il soit déçu du peu de confiance qu'on lui accorde, c'est assez légitime dans une telle situation, mais plutôt parce qu'il n'a pas pour habitude de fournir la liste de ses "clients". Il ne garde aucune trace écrite des individus pour lesquels il a travaillé. Il n'a pas non plus mémorisé leurs coordonnées sur son téléphone, un ordinateur ou un autre appareil quelconque. Non. Absolument tout est dans sa tête. Véridique. Mais que faire alors ? Peut-être donner un ou deux noms seulement, histoire de prouver sa bonne foi. Mais pas ici, ni maintenant.

« - Je serais ravi de collaborer et de te donner des noms, mais peut-être vaudrait-il mieux que nous soyons dans un endroit plus sûr... »

Ceci étant dit, Camden se réjouit du léger trouble qu'il a pu déclencher chez Malphas dont il ne se lasse pas d'admirer le visage découvert. Il ne s'est pas trompé, non... c'est bel et bien lui. Il n'en a pas douté une seule seconde. Mais en effet, il est plus que temps de terminer ce qu'il a commencé et de quitter cet endroit. Le jeune homme s’illumine d'un sourire en apprenant qu'il va pouvoir suivre Malphas puisqu'il est sensé les accompagner une fois le nettoyage terminé.

« - Bien sûr. Comme tu voudras. »

Doucement, il libère enfin ses mains et abaisse les bras avant de reprendre possession de la serpillière. Durant les minutes qui suivent, le Golden Face ne prononce plus un mot. Concentré et appliqué, il éponge le sang, frotte, récure, désinfecte. Il n'oublie aucun recoin, que ce soient les outils utilisés, la table, le sol, les murs. Il nettoie l'entièreté de la pièce du sol au plafond avec une rapidité et une efficacité assez déconcertante. Une fois terminé, il sort de sa poche une lampe à lumière ultra-violette, de celles qu'utilisent les polices scientifiques et passe les lieux au peigne fin, repassant s'il le faut là où il aurait pu laisser des traces ou des gouttes, même aussi petites que des grains de sable. Enfin certain que tout est parfait, il lave et désinfecte aussi tout le matériel de nettoyage utilisé et le range exactement là où il l'a trouvé avant de rejoindre Malphas et ses hommes, retirant ses gants qu'il compte bien faire disparaître le plus tôt possible.

« - J'ai terminé. Il faudrait aussi amener le corps pour s'en débarrasser. Le mieux, c'est d'utiliser de l'acide fluorhydrique ou un mélange d’acide sulfurique et de peroxyde d’hydrogène. Au pire, je me contenterais de 4Kg de soude caustique liquide. Tu sais, ce truc pour déboucher la tuyauterie. Ce sera plus long, mais plus facile à trouver. »

Il a bien quelques bidons planqués, bien sûr, mais ils n'auront probablement pas le temps de faire un détour pour aller les chercher. Et puis Camden préfère encore que tout ça reste secret. Ils pourraient se contenter de le brûler aussi... mais le Golden Face considère que ça laisse trop d'indices. Des dents ou des os par exemple. Et puis la fumée a tendance à attirer l'attention. Enfin, dans tous les cas, ce n'est pas lui qui décide. Pour l'heure, il se contente d'obéir dans l'espoir de ne plus quitter d'une semelle son cher Malphas...

D'habitude il est beaucoup plus rapide et efficace que ça, parce qu'il se prépare mieux à l'avance et emporte avec lui son propre matériel. Il change aussi de tenue vestimentaire, enfin tout un tas de détails qui n'ont pas lieu d'être ce soir-là. Pourquoi donc ? La flemme. L'envie de tuer vite et bien sous l'effet d'une pulsion soudaine. Ça aussi, c'est excitant... de prendre des risques en laissant de sombres instincts prendre l'entière possession de son corps et de son esprit. Alors, peut-être que ça n'excite que lui, mais peu importe. Il jouait déjà tout seul dans la cours de récré. Malgré tout, il est satisfait de la qualité de sa prestation et n'attend plus qu'un signe ou un ordre de Malphas pour savoir si celui-ci est convaincu ou non. Durant tout le nettoyage, il l'a observé depuis une chaise, avec un air nonchalant et attentif, silencieux comme une ombre, et Camden a adoré ça. Ce petit moment était presque intime dans la pénombre de cette cuisine, sans un seul mot échangé, alors que lui-même avait les mains plongées dans le sang visqueux et l'eau tiède bourrée de produits chimiques. Là encore, on peu noter à quel point le jeune homme a une vision complètement étrange de ce qui peut s'apparenter à du romantisme, bien que le mot soit un peu fort.

Le travail fini, debout face au mercenaire récupérant des documents et des bijoux avant de reprendre son arme, Camden pense secrètement qu'il adorerait pouvoir lire dans les pensées les plus profondes de Malphas pour savoir ce qu'il peut bien penser de lui. Oh, il sait... il sait qu'il y trouvera les mêmes idées que dans l'esprit de la plupart des gens, qu'il n'est qu'un fou dangereux bon pour l'asile et la camisole de force. Ce ne serait pas si grave, il a l'habitude. Mais se pourrait-il qu'il y ait autre chose ? Comme par exemple... une certaine admiration pour son professionnalisme. Et est-ce qu'une fois... rien qu'une fois, pendant une brève seconde, il a pu l'observer avec des réflexions peu chastes ? Alors qu'il se pose la question en regardant fixement le mercenaire, c'est une sorte de dépit et de résignation qui traverse le regard bleu auréolé d'or. Bien sûr que non. Comment quelqu'un comme lui pourrait-il seulement intéresser un tant soit peu un homme comme Malphas ? Il ne devrait pas se faire des idées comme ça, il le sait, ce n'est pas bon pour lui. Il est un être insipide, transparent, au mieux méprisable et gênant, mais pas désirable. Il s'est toujours complètement moqué de ce qu'on pouvait penser de lui, même en mal. En apparence tout du moins, car il ne voit tout simplement pas les ravages que cela suscite en lui, il n'en a aucune conscience et c'est cela le pire danger. Il est plongé dans un déni total. Mais il y a plus important pour le moment. Passant une main dans ses cheveux jusque là soigneusement coiffés en arrière, il répond :

« - Je connais un endroit. Une usine de production dans Coal District, j'ai un contact qui me permet de m'approvisionner là-bas quand j'ai besoin. À cette heure-ci, je pense que vous pourrez obtenir un bidon ou un petit réservoir. Il suffira de montrer ça au vigile. »

Fouillant dans sa poche, il en sort une sorte de grosse pièce de monnaie en cuivre argenté estampillée d'une simple étoile à cinq branches. Il l'envoie d'une pichenette du pouce au type en question. Pas besoin d'avantage s'ils précisent qu'il viennent de la part du Golden Face. Voilà, en plus cela fait déjà un contact pour prouver ses paroles. Replongeant de nouveau ses doigts dans son autre poche, Camden se désinfecte les mains avec un de ces fameux flacons de gel antibactérien, puis extirpe et enfile une autre paire de gants fins, en cuir noir cette fois-ci.

« - On peut y aller. Je te suis. »

Lui et aucun autre. Pas question qu'il se retrouve seul avec un de ces gars qu'il ne connaît pas. Il ne se sentirait pas à l'aise du tout. Ce qu'il veut, c'est pouvoir se retrouver seul à seul avec Malphas dans un environnement et des conditions... différentes. Loin des regards et des oreilles non concernés en tout cas. Il espère également pouvoir se prendre une douche et, puisque les choses sont déjà faites à moitié, débarrasser son visage de son maquillage pour être plus à l'aise.

Camden cligne un instant des yeux, comme surpris des interrogations du mercenaire quant au lieu et la manière de dissoudre un corps dans de l'acide. Il ne l'a jamais fait ? Vraiment ? L'étonnement ne dure qu'un instant cependant avant que le jeune homme ne se souvienne qu'il n'est pas dans les habitudes des gens, même dangereux, de faire ce genre de chose. C'est très facile pour les personnes dites normales de le comprendre, mais pour Camden, c'est une autre paire de manches. Hum. Il va donc devoir expliquer le processus au grand et beau brun. Ce n'est pas vraiment ce genre de moment intime qu'il avait imaginé, mais enfin... c'est mieux que rien. Il s'en contentera, il n'est pas tellement difficile. Simplement voilà, le fait ici, dans cette maison... ça va encore laisser des traces tout ça. Bon, tant pis. Les voisins finiront bien par se plaindre de l'odeur, ou un visiteur tombera sur la bouillie infâme dans la baignoire et ce sera clairement défini comme un meurtre supplémentaire. Vu le manque total d'indice qu'il y aura, ce n'est pas si grave. Calme et prêt à se montrer un peu plus précis, le jeune homme croise les bras et explique alors :

« - Si vous voulez faire ça ici, le mieux est en effet d'utiliser la baignoire. Mais dans ce cas précis, nous ne pourrons pas utiliser de l'acide fluorhydrique, ça dissoudrait aussi le bain. C'est dommage, parce que c'est le plus rapide et le plus efficace. Du coup, il nous reste la soude caustique. Mais ça va prendre deux fois plus de temps pour dissoudre le corps... pas loin de 24h en fait. Et encore... il restera pas mal d'ossements. Mais ce n'est pas très grave, la police scientifique ne tirera rien d'une bouillie et de quelques os noyés d'acide. »

L'expression parfaitement stoïque et détachée, Camden soulève légèrement l'un de ses bras croisés pour mordiller l'ongle de son index tout en fixant toujours Malphas. Il essaye vraiment de ne pas le dévorer comme tout à l'heure, histoire de ne pas trop mettre le mercenaire mal à l'aise devant ses collègues. Mais c'est très difficile étant donné toutes les images délicieuses qui lui traversent l'esprit. Malphas doit au moins pouvoir s'estimer heureux que le jeune homme sache au moins réaliser qu'il doit se faire discret. Enfin sans doute que c'est plutôt lui qui devrait l'être, le mercenaire lui aurait sûrement cassé les dents s'il avait osé se montrer trop démonstratif... difficile à dire.

« - Tu dois me trouver bizarre. »

Une constatation plutôt qu'une véritable interrogation. Il aimerait pouvoir lui dire et lui faire comprendre qu'il ne lui fera jamais de mal... mais est-ce bien nécessaire ? En tout cas, ce n'est pas le moment. Pas tant que les deux chiens de garde seront encore là.

L'art de faire disparaître un corps dans l'acide, tout comme l'art de torturer et tuer, il ne l'a pas appris dans des livres et encore moins dans des films. Ça ne s'apprend pas comme ça. Il a fait comme pour tout le reste, de la manière la plus efficace, il a pratiqué et expérimenté. Alors évidemment, ce n'est pas aussi bien vu que d'apprendre le violon ou la peinture, mais pour Camden, il n'y a pas vraiment de différence. C'est une passion comme un autre, la sienne, même s'il en a heureusement beaucoup d'autres bien plus légales. Bref, c'est ainsi qu'il en est arrivé à connaître tout ça et à pouvoir expliquer à Malphas les tenants et les aboutissants des différentes façons de faire disparaître ce corps, et comme il fallait s'y attendre, c'est loin d'être aussi simple que prévu. Malphas n'a pas vraiment envie de laisser un cadavre se dissoudre ici-même et encore moins dans ses propres locaux et demande alors au Golden Face s'il n'a pas une autre solution. C'est sa bêtise, c'est à lui de la réparer après tout, alors le jeune homme ne s'en formalise pas spécialement et réfléchit d'avantage.

« - Bien. Alors le mieux, se serait de tous aller à l'usine de production en embarquant le cadavre. Je peux sans doute négocier une cuve d'acier dans laquelle ils stockent l'acide fluorhydrique pour y plonger directement le corps en leur promettant de tout nettoyer demain. Le type est pas regardant, je crois bien qu'il a l'habitude, alors ça ira. »

Il demandera sûrement de l'argent en contrepartie, mais ce ne sera pas trop problématique. C'est, de toute manière, la meilleure solution qu'ils aient. À présent, Camden fait remarquer à Malphas qu'il le trouve bizarre, ça se lit dans son regard. C'est effectivement le cas... bien qu'il ajoute le terme de sociopathe en espérant tout de même qu'il soit un gars intelligent. Le jeune homme pince ses lèvres légèrement entre elles. Sociopathe, psychopathe, aliéné, névrosé, cinglé, fou dangereux... autant de termes qui semblent en effet particulièrement bien le désigner. Mais pas que. C'est vrai qu'à côté de ça, on oublie souvent tout le reste. Est-ce qu'il se sent triste ou blessé que le mercenaire pense cela de lui ? Il a un peu de mal à le déterminer. Ce qui se passe dans sa tête et dans son corps en général à ce moment-là le dépasse un peu, mais il n'a pas l'impression d'en souffrir. Il finit donc par simplement hocher la tête.

« - Je suis très intelligent, je crois. Je ne suis pas sûr, parce que d'une personne à l'autre, les avis divergent. Quand j'étais petit, j'avais de très mauvaises notes. Pourtant, des psy ont dit que c'était justement parce que j'étais trop intelligent. Surdoué. Mais moi, je crois que souvent, quand on grandit, on devient bête. Alors... le mieux c'est que tu te fasses ta propre opinion au fur et à mesure qu'on apprendra à se connaître. »

Il affiche alors son plus beau sourire et penche légèrement la tête sur le côté. Vivement que cette histoire de corps soit réglée, il a de plus en plus envie de passer du temps avec Malphas. Il a encore du mal à croire qu'il est bel et bien là, devant lui, qu'ils se parlent... et que l'homme ne l'a pas encore frappé, insulté, ou pire... fui en courant. Probablement que Camden ne l'aurait pas supporté. On lui a souvent dit qu'il était quelqu'un de toxique et de néfaste, alors il a fini par le croire. C'est assez soulageant de constater que ce n'est pas toujours le cas, même s'il avait fini par s'y faire.