Les flics de la ville sont sur les nerfs. Ca fait des années qu’ils sont de plus en plus sollicités, maintenant. Ils ont encore subi des pertes… Et elles se généralisent depuis quelques mois. Deviennent de plus en plus fréquentes, de plus en plus violentes. Certains se raidissent. Se rebiffent, souhaitent contre-attaquer. La nouvelle des lourdes blessures subies par le célèbre inspecteur Hart avait marqué un coup de tonnerre dans le commissariat central, au moins autant que les embuscades contre des flics dans un centre commercial, dans des planques sécurisées pour témoins… Sans parler de l’usure des brigades de maintien de l’Ordre, en ville, avec la foule de manifestations qui suivaient le député Storeberg. Ils pensaient choper les Mad Foxes, ou ce qu’il en restait, mais c’était la mafia qui avait pointé le bout de son nez… Et avait liquidé témoins, flics en faction, et familles de l'agent qui servait d'appât, mort lui-même au champ d’honneur. L’agent McPherson ne serait pas oublié, le Commissaire Principal Faulkner y veillerait. Le patron de la police de la ville se tenait sur le balcon de son bureau, qui donnait sur l’accueil du poste principal de l’EPD, en plein coeur d’Europolis. Des centaines d’agents le regardaient.

| On les a laissés trop longtemps faire ce qu’ils voulaient. Les avocats s’arrachent les places pour les défendre ? Les procs’ meurent ou font dans leurs frocs ? On y va quand même. On se serre les coudes. On rentre la tête, on relève la garde. Ces enfoirés nous tuent. Ils tuent nos familles. L’agent Lawska et la commissaire Miller ont vu le visage de la Mafia. Je vous passe à tous son portrait robot. La chasse est ouverte. D’ici la fin de l’année, je veux qu’on mette la tête de TOUS ces fumiers au bout d’une pique. |

La guerre contre la vieille Cosa Nostra sicilienne était déclarée. Aux flics de cette ville d’exfiltrer ce poison qui gangrenait l’Europe depuis des décennies.

C’était maintenant une habitude à Europolis. Les choses dégénéraient d’années en années. A cause des super-malades crées en laboratoire ou issus de la fange du peuple Unioniste, nés dans le chômage, la criminalité, le retour de centaines de milliers de soldats marqués par les boucheries à l’étranger...

Europolis était une poudrière qui ne demandait qu’à s’exprimer dans la poudre et le sang, dans la drogue et dans le stupre.

Le Député Storeberg menait la fronde contre le gouvernement depuis des semaines, depuis les scandales de corruption. Avec des milliers de partisans, il battait le pavé en direction du parlement. Le mouvement s’opposait comme toujours à un mur de boucliers et de casques en kevlar. La foule fut prise dans les matraques et les balles de caoutchouc, et Acropolis District noyé dans la fumée des incendies et des gaz de dispersion. La foule fut transpercée par la force, qui n’eut aucune pitié. Quantité de citoyens furent pris dans cet étau de brutalité et de violence. D’autres répliquèrent, et s’attaquèrent aux forces de l’ordre. Jusqu’à ce qu’une ombre ne tombe sur un Storeberg en fuite, et ne l’emmène… Pour le rendre sur le parvis du Commissariat, à peine conscient, deux jours plus tard. Le Chevalier Noir d’Europolis avait abattu le Chevalier Blanc, et lui avait accolé une pancarte de traître et de violeur autour du cou, nœud coulant de preuves arrachées à même sa chair, qui portait maintenant l’emblème ailé du spectre d’Europolis. On hurla au complot, à la manipulation. Les groupes d’opposition appelèrent la police à arrêter ce Vampyr qui venait d’abattre sur de fausses preuves le véritable sauveur de la ville, mis au secret par le gouvernement en attendant un procès tronqué. La guerre médiatique faisait rage.

Il y avait eu l’embuscade aux Mad Foxes. Groupe déjà dispersé par la folie et l’inconstance de ses membres, qui laissa mourir son unité en même temps que son chef était mené en prison… John Anders, arrêté et molesté par Vampyr, s’était suicidé en se jetant par la fenêtre de son appartement. Et le sergent Katerine Oppenheimer avait été arrêté à son tour, sa piste remontée par les dons faits à la clinique qui soignait son enfant. Elle aussi fut retrouvée, l’emblème de Vampyr grésillant sur sa joue massacrée. Son fils fut recueilli par un pensionnat pour jeunes orphelins. Ne restaient que les derniers membres… Et la police était gourmande. Elle tendit un piège. Se présenta alors la mafia, liée par sa nouvelle chef Angela Ioannis au leader des Foxes. Les flics endurèrent de nouvelles pertes, et durent rendre leur précieuse captive à ses sbires. Point de départ d’une nouvelle guerre sanglante, entre la Piovra Sicilienne et l’EPD.

Tous ces efforts pour en finir avec les Foxes, alors que le groupe était en train de se dissoudre de lui-même. Un groupe de Valkyries, rescapées du génocide six ans plus tôt, s’occupait de la mise à mort du chef. Une partie s’occupa de séduire, séquestrer et interroger le Procureur de l’Union, leurrant sa protection policière. L’homme parla, donna le nom de Black Fox. Jean Raulne. Sa famille fut capturée. La flicaille assiégée et attaquée. Bagarre amère et sanglante entre divines et humains, aidés d’autres Soeurs de Bataille qui bossaient pour Europolis et sa police. Les Valkyries liquidèrent leurs otages, la quasi-totalité de la famille Raulne, et tuèrent aussi plusieurs policiers. Mais les survivants parvinrent à sauver la dernière fille en vie de Black Fox, tandis que le vieux Renard se nettoyait une porte de sortie à grand renforts de poudre et d’acier, se traçant un sillon sanglant vers sa liberté en abandonnant aux policiers ce qu’il lui restait de famille. Elle vivrait. Lui avait une vengeance à accomplir.

Le monde de la nuit d’Europolis subissait des transformations. Sa ligue des assassins, la Crows League, était passée sous l’emprise de la célèbre Vyper. Qui fut prise en embuscade par ses nouveaux partenaires récalcitrants à sa prise de pouvoir, alors qu’elle se trouvait au centre commercial de Blue Island. Carnage de civils. Lumières éteintes et pointeurs lasers. Le courage de graines de héros de la police ou de la société civile permit à la tueuse de l’emporter. Oeuvre commune comme le mal, et la tuerie aveugle. Vyper s'en sorti de justesse, concentrée sur son oeuvre, et les moyens d'y parvenir... Et elle disparut dans la nuit, alors que les flics s’occupaient de ramasser les restes du carnage. La Ligue fut néanmoins dissoute, et nul ne sut ce qu’il advenait de Vyper et de ses idéaux. Les assassins devinrent tueurs à gages indépendants.

| Vous avez l’argent? |

L’Atlante était sur ses gardes. Il s’attendait à tout, depuis qu’il avait mis la main sur l’objet, qu’il en avait ressenti le pouvoir. Ce n’était pas un objet de sa race. Sa main calcinée, cachée sous de belles épaisseurs de bandages, suffisait à montrer le danger de l’arme que la boîte recelait. Il l’avait trouvée lorsque l’ESS Ney avait coulé, quelques semaines plus tôt. Objet maudit d’une civilisation aussi ancienne que concurrente de la sienne. Il avait voulu la dompter, puis la vendre quand il avait compris qu’il ne pouvait en être le maître. Il avait trouvé un acheteur. Un homme connu des bas-fonds comme l’Arlequin, ou le Clown des Forains. Il savait que l’homme était dangereux. Plus que les autres ? Il était simplement fou. Mais l’Atlante n’était pas à l’aise, alors que le type restait dans l’ombre.

| Bien sûr que j’ai l’argent, mon mignon. |

| Donnez-le moi. Je vous envoie la boîte après. |

Ricanement tranchant comme l’acier.

| Si j’ai envie. |

L’Atlante fronce les sourcils. Ce ton presque enfantin le décontenançait, et il s’était attendu à tout, sauf à un « peut-être ».

| Vous… Je ne suis pas là pour rigoler. Si vous me filez pas le fric, je me tire ! |

| Oh, voilà la réaction primaire d’un militaire. Si tu te vexes, tu fais comme jadis quand tu portais l’uniforme ? Tu te « tirailleurs »? |

| Que... |

Trop tard. Eclat lumineux. Le couteau fiché dans sa poitrine dépasse par la garde, et sa chemise se tâche de sang. Enfoncée profondément… Mais juste à côté du coeur, au travers une côte qui avait perforé un poumon. L’Atlante halète et glisse au sol alors que l’homme en costume à damiers multicolores danse autour de lui.

| C’est allé trop vite, c’est allé trop vite ! Noooon ! Regarde comme tu étais beau. |

Le fou lui relève la tête, vers son faciès déformé par la folie. Il le jauge. Les yeux dans les yeux. Rapproche encore sa tête, comme pour l’embrasser, mais il lui sonde l’âme à une si courte distance que le mourant son haleine chargée de sucre et de fraise, de bonbon. L’homme le sonde jusqu’au plus profond de son âme, l’air infiniment sérieux. Puis ricane dans les aiguës.

| Monsieur et Madame Lepoisson ont un fils, comment s’appelle-t-il? |

L’homme fait la moue, mais l’Atlante s’étouffe dans son sang qui emplit sa bouche et dégouline de la commissure de ses lèvres.

| Ivanhoe ! Ivanhoe le poisson ! Ah ah ah ![/color] |

L’homme ricane et lâche la tête de sa victime, qui cogne contre le bitume pendant que l’assassin s’esclaffe en se tenant les côtes. D’autres gens sortent par la porte de secours du bar, pour fumer. Ils crient et s’agitent, mais l’Arlequin est dans son monde. Il continue de rire, et essuie les larmes de son maquillage qui coule déjà.

| Tu l’avais ? Ivanhoe, "Il va noyer" le poisson ! Bon, t’es pas très réceptif. Ma blague a tué le public. |

Il lui tapote la joue. Avant de retirer le couteau et de le planter à nouveau. Encore. Et encore. Et encore. Pendant un temps indéfini. Dix fois ? Vingt ? Trente ? Il ne compte plus. Et se lèche le sang qui a éclaboussé le coin de ses lèvres, tête rejetée en arrière sous les hurlements des badauds. Le Clown se relève, s’éloigne un peu raide en se lissant les cheveux, après avoir passé sa main-peigne sur sa langue. Il claque encore plusieurs fois de la langue contre le palais en s’éloignant, guilleret, avant de se retourner d’un geste vif, faisant sursauter et s’enfuir les quelques témoins.

| Ah, j’avais failli oublier. |

Sourire béat, grotesque, il s’avance en sautillant d’un pied sur l’autre, se penche sur le cadavre de Sterling Hood, lui tapote la joue.

| T’es quand même rudement mort, pour un poisson PAS NE ! Poisson-pâné! |

L’homme ricane comme une hyène, ramasse la boite, et se tire avec sous le bras, en courant, exagérant chacun de ses gestes comme un mime de comédie, des vieux films des années trente qu’il affectionnait tant quand il était encore… Normal.

Les gens de cette ville en ont assez de leur asservissement à un ordre corrompu, ou à des criminels ineptes. Tous s’élèvent à leur manière contre ce que leur destin leur impose. Certains dans un camp, d’autres dans celui d’en face. Christopher Hart est sans aucun doute le plus célèbre des policiers en activité. Blessé de multiples impacts par balles, il est le symbole d’une Europolis qui, comme le Député Storeberg, refuse de se plier à la fatalité. L’inspecteur s’est battu contre la Ligue des Assassins, et a oeuvré sans le savoir à sa destruction, en vidant ses chargeurs dans ses représentants lors de la tuerie du centre commercial Smith. Eva Walsh, amie proche d’Hart, a été elle aussi opposée aux pires démons de la ville et de l’Union.. Et prend le parti de sortir du système judiciaire un témoin clef de l’affaire Black Fox, la propre fille de Jean Raulne. Elle la cache et la protège… Le genre de protection dont aurait jadis pu rêver Ethan Weatherby, réfugié américain qui semble lui aussi s’incliner à se battre pour la Justice. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces héros du quotidien ont été rejoints par les plus improbables soutiens, tels Madison Beaulieu, actrice schizophrène qui aida Hart à combattre les assassins… Mais qui découvrit en même temps la jouissance de fusillades à courte distance. Plus concentrés sur la quête de vérité que sur la défense de l’ordre établi, Nolan Wilson et Chloé de Vrède ont couvert les récents événements en ville, quitte à égratigner l’image négative des rassemblements populaires contre le gouvernement. Tous deux ont aussi conscience du danger que représentent les anciens héros de la troisième guerre mondiale qu’ils ont côtoyé… Mais ceux-ci ont tendance à mourir plus vite qu’ils ne trouvent de preuves contre leurs agissements.

Après les décimations sur les quais des Îles Zeeland, les cobayes survivants, plus communément appelés « monstres de foire » ou « Freakshow » en anglais, se sont faits plus discrets. Henry Watford, prisonnier de ses capacités, s’est salement fait matraquer durant les manifestations de Storeberg. D’autres essaient d’adopter un mode de vie plus calme, comme Sera Nearim, mais pour combien de temps ? Lena Wilson et Sasha Pachkov espèrent encore passer entre les mails du filet. Mais leur nature les rattrape, jusqu’à menacer de les projeter en pleine lumière. Une nouvelle menace émerge toutefois, venue de Russie. Les Chostakovitch et autres Rostov, tueurs entraînés dans l’ex-Fédération russe, sont à même d’amener de nouveaux dangers en ville, une échelle plus grande encore de menace pour le commun des mortels, avec des pouvoirs voués au meurtre ou à la manipulation. Il y a aussi ceux qui ont usé de leurs pouvoirs pour prendre la tête de leur entreprise, ou de leur organisation. Comme Malphas Meister, à la tête des fameux « Dementors », boîte de sécurité privée dont les actions sont sujets de controverses. Ou Angela Ioannis, qui s’est hissée à la tête de la Piovra, la mafia sicilienne, maintenant en guerre ouverte contre la police d’Europolis.

Les dangers qui menacent Europolis sont légion, et font naître une nouvelle génération de héros de l’ombre, ou qui s’auto-proclament comme tels. Venom et Black Cat, alias Kate Ward et Mélusine Kapoem, sont les archétypes des jeunes femmes qui veulent utiliser leur passé comme leurs compétences au service des autres. Elles se sont illustrées, l’une contre la répression policière, l’autre contre les assassins. Ou le fameux Robin Hood, alias Jay Irons, qui s’attaque à la pègre et à la corruption comme jadis on le faisait dans la forêt de Sherwood. D’autres héros sont plus sombres, plus dangeureux… Comme LéIa, Lylabelle Duncan, qui combat les criminels à coups de sabre. Sans parler des personnalités les plus controversées. Le Lys, la trafiquante d’armes… Lauren Anders, ex-flic en fuite, cherche toujours à se venger de ceux qui ont ruiné sa vie. Quitte à laisser beaucoup de gens sur le carreau. Nimhoë Metveyev, envoyée par son patron à Europolis pour préparer de funestes et sanglants desseins. Malade mentale, psychotique et perverse, qui jouit du malheur pur de cette ville... Jusqu’à Vampyr, Torben Reiner, le Chevalier Noir de la ville, revenu d’entre les morts. Pour combattre les ennemis du pouvoir, galvaudant son nom et sa réputation en démolissant indifféremment les Mad Foxes, ou les Storeberg. Faisant le jeu du gouvernement, dans une quête absurde d’une justice qui n’existe plus depuis longtemps.

Les vétérans de la Troisième Guerre Mondiale, si nombreux dans la population, ont payé le prix fort de la vie qu’ils se sont choisie en rentrant de guerre. Jean Raulne, alias Black Fox, est maintenant recherché par toutes les polices. Katerine Oppenheimer, sa seconde, est sous les barreaux. John Anders s’est suicidé. D’autres ont disparu dans la nature. Riley Wilson, qui vit sans problème le poids de sa trahison, continue de mener sa vie, ou sa fuite en avant. Sans parler de Lukas Eulewald, qui se leurre encore en pensant que le Ragnarok l’a laissé moins atteint que les autres Fantômes. Tous sentent malgré tout que leur fin approche. Que la raison les quitte de plus en plus souvent… Un problème auquel Iwan Laska, vétéran russe infiltré, ne connaît pas. L’homme continue d’oeuvrer pour la police de la ville, et y récolte expérience et contacts des plus précieux pour ses services de renseignement.

Les Soeurs de Bataille ont elles aussi subi de lourdes pertes. Black Fox en a tué plusieurs. D’autres sont mortes, disparues dans des bagarres qui ont dégénéré, prisonnières de leur nature… Les survivantes s’organisent, toutefois. Comme Kethryn Miller, ancienne cheffe de son clan, qui réussit à réunir un petit groupe de gens comme elle soucieux de la justice. Avec le soutien notamment de sa sœur Khelia. Toutes deux s’écharpent allégrement avec la criminalité de la ville, concevant ces sacrifices légitimes en vue d’un avenir plus juste. Reste Lily Bradbury, Valkyrie atypique, qui ne cherche ni combats ni vengeance. Engrossée par un humain, le pire ennemi de sa race, elle est aux prises avec la police, suite à sa vaine tentative de retrouver un amant qui ne rêve plus que d’accomplir le génocide qu’il fut jadis chargé d’exécuter... Avec le fameux ordre 66, qui a scellé le destin des Divines, provoquant le Götterdämmerung, ou Crépuscule des Dieux.

Les Fils du Trident ont eux aussi subi des pertes. Sterling Hood assassiné, son artefact, volé au nez et à la barbe de l’Ogre lors du naufrage de l’ESS Ney, a été récupéré par un nouvel ennemi de l’ordre ; l’Arlequin. Les démons qui gangrènent le coeur des représentants de l’Atlantide désormais perdue ne les lâchent pas. Sorcha Howl ne rêve toujours que de bains de sang et de gloire, née dans la mort de ces humains qui ont condamné son peuple par le feu nucléaire. Cassiopeia Fontaine navigue toujours en eaux troubles, entre ses pulsions de mort et son boulot de flic d’Interpol, tandis que Lara Jensen fait encore partie des optimistes, qui pensent que le monde peut bien finir.

Espoir vain, car ce monde malade n’appelle à lui que sa propre fin, et non plus sa gloire, flêtrie depuis longtemps.

L’ambiance est détendue, pour la première fois depuis des semaines. La salle de réunion est éclairée par les grands chandeliers de cuivre, et les serveurs passent avec des plateaux de coupes de champagne, de petits fours. Tout allait pour le mieux, après une grosse peur panique lorsque la police avait mis la main sur d’anciens militaires à même de faire chanceler le pouvoir en place par la force des secrets dont ils étaient au courant. Mais finalement, tout allait bien. Les conseillers comme les directeurs applaudissent en riant la nouvelle de l’évasion de Raulne. Ils applaudissent plus encore Vampyr, l’acclament, quand on annonce qu’en sus le député Storeberg était entre les mains des agences gouvernementales. Tout allait pour le mieux. Le secrétaire Brunet, en sueur, passait son temps à relayer les informations aux Directeurs ou à héler les serveurs…

Tous ces gros bonshommes en costume qui se congratulaient à grand renforts de cris et de rires, entrechoquant leurs coupes. Les véritables dirigeants du monde. Teint rougeaud par l’alcool. Yeux rieurs.

| Détendez-vous, Brunet. Tout va pour le mieux, n’est-ce pas ? On n’aurait pu rêver meilleur scénario... |

Le directeur a ce léger sourire qui monte jusqu’aux yeux, même s’il garde une façade toute en réserve, comme à son habitude. Brunet, lui, est moins serein.

| Quand même, monsieur… Storeberg a su fédérer tant de gens, si vite, contre nous. |

Le Directeur lui tend une coupe, prise sur un plateau. Et trinque.

| Remercions alors l’inertie du peuple, qui s’échauffe parfois mais qui redescend toujours. Qui contre nous ? Personne n’a même cherché à défendre ce Chevalier Blanc que cette ville s’était choisi. Le Chevalier Blanc, fichu par terre, par ce Chevalier Noir qu’on pensait disparu. Ca ne manque pas d’ironie, sachant ce qu’on a fait pour le faire disparaître la dernière fois. C’est ça, le secret, Brunet. Diviser pour mieux régner. Et c’est bien suffisant. |