La patiente 25 487 28B met au monde des jumeaux. Un garçon et une fille. L’identité du père est inconnue et la mère, âgée de 16 ans à peine, refuse de dire quoi que ce soit à son sujet. Elle a même refusé de prononcer le moindre mot depuis près d’un an. Les enfants sont séparés de leur mère qu'ils ne reverront jamais et sont éduqués séparément.

Les première expérimentations sur le sujet féminin, âgée de 4 ans, sont enclenchées. L’enfant se montre docile et plutôt curieux alors qu’elle développe des capacités cérébrales hors du commun. Elle n’a plus le moindre contact avec son frère, dont elle ignore même l’existence.

Sasha, puisque c’est ainsi que les infirmières l’ont nommée, monte de grandes prédispositions à l’E-communication. Elle est capable de cracker tous les codes et mots de passes qu’on lui présente, sans vraiment comprendre ce qu’elle fait. Mais les migraines et les saignements de nez semblent être la contrepartie aux capacités qu’elle a développées.

Ils lui apprennent à utiliser un ordinateur. A coder. A s’infiltrer dans les méandres du monde informatique. Et elle est douée, son don ne faisant qu’accroître un savoir qui semble instinctif. Mais elle n’a pas conscience de n’être qu’un numéro parmi d’autres. Parce que les infirmières lui ont donné un nom, parce qu’elles veillent sur elle, lui ont donné des vêtements et elle a même pu décorer sa petite chambre.

Des spécimens du labo ont décidé de s’échapper. Sasha ne comprend pas vraiment, habituée à son petit confort qui sort de l’ordinaire. Elle ne sait pas que c’est son frère qui mène l’insurrection et que cette dernière s’achève par un véritable massacre de la majorité du personnel médical. L’infirmière qui a veillé sur la jeune fille en profite pour la faire sortir de là et pour l’emmener avec elle jusqu’à Moscou, à plusieurs jours de route du laboratoire.

Sasha ne sait pas quelle somme d’argent a déboursé l’infirmière, Erika Pachkov. Elle ne sait pas pourquoi elle fait tout ça pour elle. Mais toujours est-il qu’après de nombreuses tractations, Erika réussit à négocier son passage pour l’Europe de l’ouest. Loin des conflits, des labos. Avec l’espoir d’une vie meilleure. Il faudra un an pour qu’elle quitte la Russie.

L’émigration a été un échec. Leur convoi a été repéré alors que Sasha était en pleine crise de migraine. Les maux de tête étaient si violents qu’elle a été incapable de communiquer avec les militaires qui les ont arrêtés et qu’elle a fini internée. Sans compter le traumatisme du voyage et le fait qu’Erika se fait abattre sous ses yeux. Elle passera de longs mois sans essayer de communiquer avec qui que ce soit, avant de finir par sortir de sa léthargie et demander à apprendre la langue locale. Ce qu’elle fera, non sans quelques difficultés, gardant un accent même des années plus tard.

Sasha est sortie de l’institut depuis un mois à peine. Jetée dehors le jour de ses 18 ans supposés. Elle est mise sous tutelle, considérée comme incapable de se débrouiller seule mais elle réussit à ne pas faire de vagues. Et son tuteur ne se soucie pas vraiment d’elle. Elle finit par trouver un job de serveuse et s’installe dans un studio miteux. Jusqu’à économiser assez d’argent pour s’acheter un ordinateur.

Atlas prend naissance, petit à petit. Si elle n’ose pas vraiment braver les interdits, Sasha finit par rapidement comprendre à quel point son talent peut être utile. Elle tâtonne les premiers mois mais commence à gagner en assurance. Et elle ose, de plus en plus. Elle finit même par découvrir, au fil du temps, le monde méconnu des hackers, qui l’intègrent dans leur communauté. Et elle trouve sa place, petit à petit. Même si les migraines sont toujours là, même si elle a fini par devenir totalement accro à tout ce qui peut lui permettre de calmer la douleur, même l’espace d’un instant. Mais Europolis est sa ville maintenant. Là où est toute sa vie.

Sasha commence à se poser des questions ou, plutôt, à vouloir vraiment des réponses. Sur qui elle est, même si elle a compris qu'elle était comme ces monstres dont elle entend souvent parler. Sur ses origines. Elle veut en savoir plus, sans vraiment trouver le courage de s'y mettre réellement. D'autant qu'elle ne sait pas trop par où commencer.

Salut ! Moi c'est Tisse mais appelez moi Biscotte /PAN/. J'ai connu le forum via le fonda et je pense que ouais c'pas mal /o/.
Sur une échelle de présence de 1 à 7, je pense être présent(e) 5/7.

Je fixe mon écran, le regard un peu perdu dans le vide alors que les fenêtres s’ouvrent dans tous les sens et que ça clignote comme pas permis. Faut dire que j’ai fait fort cette fois, à réussir à faire disparaitre tout un stock de médicaments qu’on nous paiera très cher. Suffit juste de contacter le revendeur mais là, j’avoue que j’arrive plus à me concentrer. Parce que j’ai tellement mal au crâne que je vois des points noirs danser devant les yeux. Je fais même pas attention à la fenêtre de dialogue qui pope alors que je me pince l’arête du nez en prenant de longues inspirations.

Je me souviens pas vraiment quand ça a commencé. Quand la douleur est devenue une compagne permanente. J’ai l’impression que ça a toujours été le cas en fait. Faut dire que mes souvenirs étant toute gosse sont plutôt flous en vérité. Oh je me rappelle de quelques trucs. D’Erika et de ses collègues qui me sourient, derrière la vitre, alors qu’on m’injecte je sais pas quoi dans les veines. De la façon dont elle me berçait parce que je pleurais le soir, incapable de gérer les maux de crânes qui me donnaient l’impression qu’on était en train de me percer la tête. Des petites cartes qu’elle me donnait. J’ai réussi à les garder d’ailleurs. C’est le premier truc que j’ai accroché dans le studio miteux qui me sert d’appartement. J’habite juste à côté d’un hôtel de passe, autant dire que le coin est pas super fréquentable. Mais ça me permet d’accéder à de la dope plus facilement. Enfin, à des antidouleurs. C’est pas vraiment de la drogue ça, si ? Je sais plus trop à force.

J’effleure le clavier du bout des doigts, esquissant un sourire. Ca aussi, je me rappelle pas quand ça a commencé. Quand les ordinateurs ont fini par devenir comme une extension de moi-même. Si j’ai eu du mal à apprendre à lire et à écrire, ça, ça a toujours été facile. Evidemment. Je me souviens des regards impressionnés des médecins quand j’étais capable de déchiffrer et de cracker des lignes de codes alors que j’avais même pas 11 ans. Quand j’étais capable de pirater leurs adresses mails sans même avoir besoin de connaitre leur nom. Ou la date de naissance de leur maitresse. C’est souvent ça le code. Avec le nom du chien. La femme, les enfants, ça, on s’en fout en vrai. On se fout de tout même, je dirais.

Bon, on dirait que ça veut pas passer. Mon regard quitte l’écran alors que je pose les yeux sur mes mains. Ca fait 7 ans que j’ai quitté l’institut et pourtant, parfois, j’ai l’impression de voir encore les marques de liens sur mes poignets. Pour éviter que je fasse une connerie qu’ils disaient. Du genre mettre fin à mes jours ou essayer de les tuer, je saurais pas trop dire. Pourtant, j’ai été calme pendant cette période. Si j’avais cru, pendant une seconde, avoir une vie presque normale avec Erika, j’ai vite compris en voyant son corps s’écrouler, criblé de balles, que ça n’arriverait jamais. Alors j’ai attendu que ça passe. Sans rien dire, sans chercher à les contrarier. De toute façon, je pigeais qu’à moitié ce qu’ils racontaient déjà de base et j’avais tout le temps mal à la tête. Comme si mon crâne allait exploser. Alors, forcément, j’ai pas insisté. Et puis, à force de rester loin d’un ordi, de pas pouvoir utiliser mes capacités, ça s’est atténué. J’ai commencé à donner l’impression d’être en vie, à donner le change pour avoir le droit de sortir de ma chambre.

Ils ont fini par me relâcher. Parce que j’étais pas spécialement dangereuse, ni pour moi, ni pour la société visiblement. Et que c’était suffisamment le bordel autour de nous pour se prendre la tête à propos d’une gamine. Surtout que c'était quand même un peu la fin du monde partout, ou un truc du genre. Je sais pas trop ce qui s'est passé mais, au final, le labo dans lequel j’étais née a visiblement disparu de la surface de la terre en mode gros kaboum, ou un truc du genre. Pas pratique pour commencer des recherches du coup... Moi j’étais occupée à meubler mon premier appartement de ma vie. Et à me trouver un boulot. Pendant qu'autour de moi, le chaos continuait. Y a eu des rumeurs sur ce qui a pu se passer, sans qu'on arrive vraiment à piger quoi. Y en a qui ont parlé d'un ordre de destruction mais quoi, où, comment, ça, c'est encore autre chose. J'avoue, ça m'a rendue curieuse. Mais quand on sait pas ce qu'on cherche vraiment, c'est pas hyper pratique.

Je finis par m’étirer en me forçant à bailler, avant d’enquiller une canette de coca. Ouais, le soda, la caféine, tout ça, parait que ça aide. Ça fait pas de mal en tout cas. Et je bats des cils alors que je songe vaguement à aller prendre l’air et à me trouver un truc à bouffer. Ce serait pas mal ça. Un chinois. Oh ou un grec. J’aime bien bouffer grec. Je regarde l’heure et je me dis que 23h00 pour sortir dans le coin, c’est pas terrible en vrai. Faut dire que si déjà, c’était pas terrible, avec le passage de Vampyr dans le coin, ça a fait que se péter la gueule au fil du temps. J’ai pas trop pigé son raisonnement à celui-là. Si c’était un gentil ou un méchant. Je sais, c’est un peu simpliste comme raisonnement mais il a foutu une sacré merde mine de rien. Et s’il a fait des trucs soit disant positifs pour la ville, moi je sais juste qu’il m’est arrivé de grave flipper quand je descendais dans la rue. Parce que les types ils se défoulaient sur nous à défaut de pouvoir faire leur business habituel. J’ai été agressée une paire de fois en vrai, mais j’ai arrêté de m’en offusquer. J’ai ma bombe lacrymo, un poing américain et je m’en sers au moins une fois par semaine. Ça marche comme ça dans le coin. Il parait. Et leurs conneries de faire régner l’ordre et la justice, autant dire que j’y crois moyen. Bon, pas du tout en vrai. Ça marche pour les grands de ce monde, pas pour nous. Moi, je continue mon petit bonhomme de chemin, en essayant d’être discrète, de pas faire de vagues, tout en me faisant ma place parmi les hackers. Parait que je commence à être connue.

Je finis par me relever d’un bond. Si je me trouve pas à bouffer et que je m’enfile pas une tablette de cachetons pour la tête, je vais passer une mauvaise nuit. Du coup, je récupère ma veste, prête à m’enfoncer dans les bas-fonds d’Europolis. On verra bien ce qui m’arrivera. Vu qu’il parait que je suis une survivante, que ça marche pas trop mal, autant continuer comme ça non ? Et puis, demain, quand le mal de tête aura fini par passer, parce qu'il passe toujours, je continuerais à essayer de trouver des informations. Sur qui j'étais, avant tout ça. Sur ma famille, si j'en ai une. Je sais, ça peut paraitre totalement inutile et dérisoire mais une part de moi a besoin de savoir d'où je viens. Même si je l'écoute pas la plupart du temps. J'ai un dernier regard en direction des petites cartes que m'avait donné Erika. J'ai appris récemment que ça venait d'un jeu à la con du début du siècle, les pokemons. Du coup, j'ai tapissé une partie de mon mur avec. Et j'ai un sourire, avant de filer dans la nuit.